Vous connaissez certainement Maurice de Vlaminck et Bernard Buffet. Mais connaissez-vous Marie-Thérèse Auffray ? Vous hésitez ? Dynamic-Seniors avoue humblement avoir ignoré le nom de cette Ornaise de coeur jusqu’à la visite de l’exposition qui lui est consacrée depuis le début du mois, à l’Hôtel du Département d’Alençon.
Marie-Thérèse Auffray : Un peintre oublié, et pourtant, quelle force dans ses tableaux !

1957 trois personnages au banquet
Situons déjà l’artiste. Elle naît en 1912, en Bretagne, à Saint-Quay Portrieux. Pupille de la Nation en 1920, elle est dès lors scolarisée à Paris où ses talents précoces pour le dessin et la peinture sont vite remarqués. Très jeune, elle fréquente un atelier, 11 rue d’Alésia (14ème), où elle côtoie de nombreux artistes. Tout naturellement, elle intègre ensuite l’École des Beaux-Arts de Paris.
En 1940, dans son nouvel atelier rue Gazan (14ème), elle poursuit sa production artistique et vit de son travail de graphiste et d’illustratrice (affiches, publicités, albums pour enfants). Elle fréquente les milieux artistiques et intellectuels, correspond avec Simone de Beauvoir, enseigne dessin et peinture à Bernard Buffet mais ne se laissera jamais étourdir par les néons de la vie parisienne. Femme contestataire, marginale assumée, elle s’éloigne de Paris tout en y conservant son atelier jusqu’en 1970, et exposant à diverses reprises. C’est pendant la guerre que cette jeune résistante, se réfugie dans l’Orne où elle rencontre sa future compagne, Noëlle. En Normandie, elle continue de peindre, de sculpter, d’écrire, de correspondre et de militer tout en tenant une auberge et un dancing à Echauffour, pas loin de Gacé.
Une marginale, poète aussi, à ses heures…

1955 Merciere (88×61) et 1961 La femme aux bijoux (100×73)
De 1945 à 1962, Marie-Therese écrit des poèmes, de nombreux manifestes et pamphlets sur la peinture, partage une amitié avec Maurice de Vlaminck. Tout cela en continuant à participer aux expositions collectives parisiennes: Salons d’Automne, des Indépendants, des Tuileries, des Femmes Peintres, des Champs Elysées… Hélas, à la fin des années 60, elle est menacée, son dancing est vandalisé. Traumatisée, elle s’isole, abandonne l’atelier qu’elle avait gardé à Paris. Sa santé se dégrade, elle ne peut plus peindre. Elle décède en 1990, à Echauffour, et malheureusement son atelier est dispersé.
Graphiste et illustratrice, elle a laissé de nombreuses affiches, où l’on reconnaît son inimitable patte de peintre : des portraits crus, parfois cruels, dénonçant une société hypocrite qui l’a mise au ban. Intellectuelle engagée, homosexuelle, résistante, Marie-Thérèse Auffray a vécu en marginale assumée. Elle ne vendra que très peu de ses œuvres, refusant de briser l’intégrité de sa peinture et rejetant la dimension trop mercantile de l’art. Ce qui explique sans doute que cette peintre tout à faire extraordinaire soit méconnue.
Marie-Thérèse Auffray : Trois grandes périodes

1965 La honte 1942-1944 (195 x 97)
Expressionniste par nature, Marie-Thérèse Auffray a été reconnue pour son excellence par les critiques d’art dans les 1950-60.
Trois grandes périodes peuvent être distinguées :
Entre 1929-1945 : travaux d’affichiste et illustratrice. Ses premiers tableaux seront des paysages, des natures mortes, des compositions symboliques, des portraits.
Entre 1946-1952 : c’est une peinture « misérabiliste » de portraits isolés ou en groupes, des scènes satiriques.
1952-1970 : verra l’apogée de son œuvre avec d’importante production de paysages, de natures mortes, de bouquets, de portraits liés à la condition humaine.
Abordant tous les genres, sa peinture semble vouloir mettre à nu les ressorts de la comédie humaine et sociale, pour en dénoncer l’hypocrisie. Pourtant, de cette peinture, on ne retient que la liberté et l’humanité. Après la présentation des œuvres de Marie-Thérèse Auffray du 24 août au 4 septembre 2017 à l’Orangerie du Sénat, le Conseil départemental de l’Orne lui consacre une exposition à la hauteur de son talent. L’artiste, discrète, amoureuse de l’Orne, trouve naturellement sa place sur les murs du Conseil départemental, où l’on peut découvrir une cinquantaine de ses peintures.

1963 Colette (92×65) et affiche de l’exposition
A noter : Marie-Thérèse Auffray tenait à préserver l’unité de son travail. Cependant, après sa mort, une grande partie de son atelier (343 tableaux et de nombreuses affiches) a été dispersée lors de trois ventes aux enchères en Normandie..
C’est pourquoi l’association MTA a pour projet de rassembler l’œuvre d’Auffray et de l’exposer, afin de la faire connaître et reconnaître.
Conseil départemental de l’Orne, 27 boulevard de Strasbourg 61017 Alençon
Jusqu’au 22 avril du lundi au vendredi 9h-18h et tous les dimanches 14h30-18h
Renseignements : Conseil départemental de l’Orne 02 33 81 60 00
Entrée gratuite
Copyright : D. Pannier
A lire aussi sur Dynamic Seniors : http://dynamic-seniors.eu/gorge-mastromas-histoire-abattage-rituel/
Les commentaires ne sont pas disponibles!