Gaillon la poésie des ruines 

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Gaillon la poésie des ruines 

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Vu de loin, le château de Gaillon ressemble à une de ces forteresses féodales qui s’alignaient le long de la vallée de la Seine. Témoins de la lutte acharnée qui a opposé, au XIIème siècle les rois de France et d’Angleterre. 

Beaucoup ont disparu ou laissé des ruines orgueilleuses, La Roche-Guyon, Châteauneuf-sur-Epte, et surtout Château-Gaillard. D’autres se sont adaptées à leur époque, comme Gaillon qui offre, au pied du mur, l’aspect d’une élégante façade renaissance. Cette métamorphose n’est que le reflet de son histoire mouvementée.

Gaillon - Le pavillon d’entrée vu de la cour intérieure

Le pavillon d’entrée vu de la cour intérieure

Gaillon enjeu d’une guerre fratricide

Au XIIème s., il ne s’agit rien moins que de récupérer la Normandie. Héritage de fait des rois Plantagenêt, descendants de Guillaume le Conquérant. Mais menace permanente pour le Capétien, jusqu’alors « Rex Francorum » qui vient de se proclamer « Roi de France ». Une lutte fratricide oppose donc Richard Cœur de lion et Philippe Auguste. Certes, ils ne sont pas frères mais Aliénor d’Aquitaine, mère de Richard a été l’épouse du roi Louis VII, père de Philippe. Ils ont même deux demi-sœurs en commun ! La lutte prend fin à la mort de Richard en 1199. Mais déjà Philippe avait trouvé un ‘’modus vivendi’’ avec son frère Jean, roi par intérim, pour se réapproprier la Normandie. Richard retenu prisonnier en Palatinat, est libéré en 1196. Il assiège alors Gaillon où il est touché par un carreau d’arbalète, répétition de celui qui le tuera trois ans plus tard à Châlus.

Gaillon - Vestiges d’un porche monumental à décor Renaissance

Vestiges d’un porche monumental à décor Renaissance

Du Gaillon féodal au château Renaissance

La mort de Richard rend définitivement la Normandie au Roi de France et les forteresses du Vexin sont désormais sans objet. Beaucoup sont abandonnées comme Château-Gaillard dont le fantôme se dresse toujours comme une menace au méandre des Andelys.  Gaillon devient au XIIIème s la propriété de l’archevêque de Rouen Eudes Rigaud et de ses successeurs. Le château retrouve temporairement son rôle de forteresse pendant la Guerre de Cent ans. Mais le duc de Bedford ordonne sa démolition. Le nouvel archevêque, Guillaume d’Estouteville le fait relever les ruines. Mais le temps des forteresses féodales est révolu car elles ne résistent pas à l’arrivée des bombardes et autres armes à feu. Beaucoup, se muent en résidences d’agrément comme Gaillon qui devient au début du XVIème s le premier château Renaissance français. 

Médaillon cerclé de guirlandes de fruits comme on en voit sur les palais florentins

Médaillon cerclé de guirlandes de fruits comme on en voit sur les palais florentins

Médaillon cerclé de guirlandes de fruits comme on en voit sur les palais florentins

Second médaillon

Heurs et malheurs d’un chef-d’œuvre

L’auteur de cette transformation, le cardinal Georges d’Amboise, a longtemps séjourné en Italie. Il en est revenu tout imprégné des idées et de l’esthétique du Quattrocento florentin. C’est ainsi que dès 1506 l’ancienne forteresse s’éclaire de larges ouvertures, se pare de rinceaux et d’arabesques à l’italienne. L’édifice connaît ensuite, au fil des siècles et des modes, diverses transformations heureuses ou malencontreuses. Au XVIIème s, il s’enrichit d’une orangerie et d’un parc dessiné par Le Nôtre, à l’imitation de Versailles. La Révolution, comme on sait, n’aime pas les châteaux ! A la fin du XVIIIème s, Gaillon est donc pillé et malmené. Il aurait peut-être disparu si Napoléon n’avait eu ensuite l’idée d’y installer un centre de redressement pour jeunes délinquants. Une activité indigne de son passé prestigieux, mais qui le préserve au moins d’une destruction complète ! 

Dans les ruines de la chapelle, les vestiges d’une fresque. Contraste entre l’état de ce pilier tronqué et la finesse de son décor

Dans les ruines de la chapelle, les vestiges d’une fresque. Contraste entre l’état de ce pilier tronqué et la finesse de son décor

Classé au Patrimoine

Sous Napoléon III apparaît la notion de “patrimoine“ et de “Monuments Historiques“ . C’est à ce titre que Gaillon est classé dès 1862, ce qui le met à l’abri de toute démolition. C’est seulement en 1975 que l’édifice devient propriété de l’Etat et connaît une première restauration. Les travaux, confiés à l’architecte en chef des Monuments Historiques Georges Duval, débutent en 1977. Depuis, le château a retrouvé quelques éléments de sa splendeur d’antan, évocation de la merveille qu’il fut jadis. Sans occulter son passé pénitentiaire. On ne visite pas Gaillon comme on visite Chambord ou Chenonceau. C’est un château en cours de restauration qu’on voit aujourd’hui, loin du magnifique palais représenté sur les images anciennes. Un peu déroutant pour le visiteur non averti qui fera bien d’opter pour une visite guidée explicative. Mais passionnant pour l’amateur d’Histoire.

Gaillon - Danse macabre flanquée d’un personnage drapé

Danse macabre flanquée d’un personnage drapé

La poésie des ruines

Le pavillon d’entrée, qui a retrouvé ses toits d’ardoise, débouche sur la cour intérieure et les restes mutilés d’une élégante colonnade. Le long du parcours quelques beaux vestiges donnent à la visite un ton nostalgique et non dénué de charme. C’est ainsi qu’on les aimait à l’époque romantique.  Des rinceaux sur un pilier cassé, un linteau effondré sur des débris d’entrelacs, le fantôme d’une fresque, souvenir d’une chapelle.  Dans un dépôt lapidaire deux médaillons cerclés de guirlandes comme on en voit à Florence, attendent, de retrouver une place. Comme le fragment de ce qui ressemble à une ‘’Danse Macabre’’ thème à la mode au XV s. Certaines œuvres particulièrement remarquables ont déjà rejoint les musées. C’est le cas d’un retable en marbre de Michel Colombe, qu’on peut admirer au Louvre. Pas sûr qu’il revienne au château une fois la restauration terminée !

Gaillon - Les ruines écroulées d’un linteau sculpté d’entrelacs

Les ruines écroulées d’un linteau sculpté d’entrelacs

Fantôme de l’Histoire

Il faut encore plusieurs années et pas mal de millions d’euros pour voir achever la nouvelle “renaissance“ du château de Gaillon. Il faudra aussi lui trouver une nouvelle affectation en harmonie avec sa longue histoire.  Peut-être y perdra-t-il un peu du charme romantique qui n’est pas aujourd’hui le moindre de ses attraits ? Les ruines permettent de laisser courir l’imagination. D’évoquer les fantômes du roi Richard et de Philippe Auguste, des archevêques nostalgiques d’Italie. Sans oublier les jeunes délinquants qui s’y sont succédé plus d’un demi-siècle, de Charles X à Napoléon III. Sans doute étaient-ils peu sensibles à la poésie des ruines … mais cette période carcérale fait aussi partie de l’histoire du château.  A une heure de Paris, Gaillon est un but idéal de promenade culturelle pour les prochaines Journées du Patrimoine, les 17 et 18 septembre.  

Infos pratiques

Château de Gaillon
2 allée de l’ermitage
27600 Gaillon
Ouvert chaque jour sauf lundi, du 1er juin au 6 novembre, 10h-12h30 et 14h-17h30
Visite guidée : 11h, 14h30, 16h
Entrée  7€ TR : 5€ , gratuit pour moins de 6 ans, demandeurs d’emploi, etc.

www.tourisme-seine-eure.com

Photos : Françoise Deflassieux

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