Que Léonard de Vinci n’a-t-il pas fait pendant les 67 ans d’une existence relativement longue à l’époque ? On connaît surtout l’auteur de la Joconde, l’inventeur de machines futuristes, le créateur de fêtes extraordinaires… On sait qu’il fut aussi mathématicien, urbaniste, metteur en scène… Cet été les visiteurs du Clos Lucé le découvrent anatomiste.
Une activité à laquelle il se consacre dès avant son arrivée en France, quand François Ier met à sa disposition le “Manoir de Cloux“. Dans cette retraite paisible, sous la protection et aux frais du monarque, l’artiste toscan a tout le loisir de poursuivre ses travaux. Plusieurs occupants se sont succédé au Clos Lucé depuis la mort de Léonard, jusqu’à son rachat au milieu du XIXe s par la famille Saint Bris. François Saint Bris, l’actuel propriétaire s’applique à y faire vivre le souvenir du plus illustre locataire.
Léonard face au mystère de la vie
Dans son nouveau refuge des bords de Loire, Léonard reçoit des visites, dont en 1517 celle du cardinal d’Aragon. Il avoue au prélat avoir réalisé trente dissections d’hommes et de femmes de tous âges, à l’hôpital de Florence, donc sans se cacher. Preuve que cet exercice, sans être trop bien vu de l’Eglise n’était pas formellement interdit, contrairement à ce qu’on croit souvent. Par cette méthodes expérimentale l’artiste ou plutôt le savant cherche à comprendre et à expliquer le mystère de la vie. A commencer par celui de la naissance… On connaît l’image touchante d’un bébé lové dans sa matrice entouré par le cordon ombilical. Il a bien fallu pour le dessiner ouvrir le ventre d’une parturiente forcément décédée. A ce sujet, une discussion oppose l’artiste à la papauté : le fœtus a-t-il une âme ou fait-il « âme commune » avec sa mère jusqu’à la section du cordon ?
Léonard de Vinci et son grand père
“Po l’occhio ! ouvre l’œil“ conseillait son grand père au petit Léonard quand il l’emmenait promener dans la campagne toscane. D’où ce besoin de tout observer et de tout comprendre que, devenu grand, l’artiste développe jusqu’à l’obsession. Il cherche surtout à comprendre le fonctionnement du corps humain : marcher, bouger, se servir de ses mains… L’individu ordinaire ne cherche pas à savoir “comment ça marche“ tant ça lui semble naturel. Léonard comprend, lui, qu’il s’agit d’une mécanique incroyablement complexe commandée par le cerveau. La main par exemple, l’outil basique de l’être humain dont l’animal ne dispose pas. Léonard en décortique le squelette, les muscles, les tendons…tu procéderas à trente démonstrations. Même chose pour le pied. Comment il marche ? grâce à une multitude d’os, muscles, nerfs, qui permettent la station debout, un privilège que n’a pas l’animal.
L’importance de la Colonne
Léonard est le seul de son temps, dit-on, à avoir représenté avec exactitude la colonne vertébrale. Et à en avoir souligné l’ importance, la comparant au grand mât d’un navire. Tu feras d’abord la colonne cervicale, sans le crâne, avec ses cordes, comme le mât d’un navire avec ses haubans. Puis, fais le crâne avec ses cordes qui lui donnent le mouvement sur son axe. Tout y passe : main, pied, jambe, épaule… Sa compréhension de la “machine humaine“ ne se limite pas au squelette. Le savant étudie aussi muscles et tendons. Il tente également de comprendre le fonctionnement des organes. Le globe oculaire notamment tellement complexe. A son époque, la science optique fait des progrès considérables. Léonard n’est pas l’inventeur de la camera obscura, mais il en explique le fonctionnement. Il s’étonne même que l’œil humain ne perçoive pas l’image inversée !
Art et l’Anatomie
Léonard de Vinci n’utilise pas pour ses tableaux cette chambre noire dont les peintres à partir du XVIe s feront un usage immodéré. Voire trop visible chez certains paysagistes aux perspectives bien régulières. Il conseille en revanche aux artistes d’étudier l’anatomie. le peintre doit connaître l’anatomie … pour connaître dans les différents mouvements et efforts le nerf ou le muscle qui en est responsable… Ce qui ne l’empêche pas de se moquer de certains dessinateurs soucieux d’étaler leurs connaissances anatomiques… Ils font leurs nus ligneux et sans grâce qui paraissent… plus sac de noix que surfaces humaines, plus bottes de radis que nus musclés. Le savant ne manque pas d’humour ! Il reste qu’après lui, les artistes tiennent compte du squelette et de la vraisemblance des positions pour figurer leurs personnages. Dans les ateliers, on prend l’habitude de faire poser les modèles nus.
A la recherche de l’Homme parfait
Ce serait un anachronisme de croire que son esprit scientifique ait fait de Léonard un sceptique en religion. Pour lui bien au contraire la complexité de la machine humaine ne peut venir que du Créateur. La nature renvoie l’image de l’harmonie divine. C’est dans cet esprit que ce visionnaire cherche à définir l’Homme idéal, en se référant paradoxalement au traité d’architecture de Vitruve (1er s av JC) : Un beau monument doit présenter une symétrie et des proportions parfaites comme on trouve dans la nature. Il en est de même du corps humain, pour le Romain comme pour le Florentin. C’est au nom de cette théorie que Léonard imagine son Homme de Vitruve selon les proportions définie par l’architecte des différentes parties du corps et du visage qui font l’Homme parfait. Sauf que, n’en déplaise à Léonard et à Vitruve, l’Homme parfait – ni la femme – n’existent pas et n’existeront fort heureusement jamais. Quel ennui si tous les habitants de la terre étaient bâtis sur ce même modèle !
Héritages
A sa mort le 2 mai 1519, Léonard laisse à son héritier Melzi des piles de dessins et documents dispersés par la suite. Une grande partie ont été acquis dès le XVIIe siècle par la Couronne britannique qui les conserve toujours. C’est le cas du Codex Windsor d’où sont extraites la quasi totalité des planches de cette exposition. Pas les originaux, trop fragiles pour être exposés plusieurs semaines – et que le roi Charles ne laisserait sans doute pas sortir ! C’est donc sous forme de fac-simile que se présente cette évocation de Léonard anatomiste. Le parcours se termine par une scène de dissection sur un mannequin en silicone d’un réalisme saisissant, âmes sensibles s’abstenir ! L’exposition permet aussi de rapprocher les dessins anatomique de Léonard des images médicales actuelles, scanner ou IRM. Le savant de la Renaissance supporte largement la confrontation !
Pour en savoir plus
La Cène mise en scène
Comment parler de Léonard de Vinci sans évoquer la Cène de Milan. Elle est présente au Clos Lucé sous des formes insolites que n’auraient pas désavouées son auteur. Comme cette présentation sous forme… de squelettes ! à partir d’une version numérisée en 3D. par d’éminents praticiens des hôpitaux de Brest et de Quimper. Elle démontre la rigoureuse exactitude des postures des personnages dont on ne voit sur la fresque que les bustes et les pieds. Dans le genre minimaliste la version de l’artiste franco serbe Ivana Gayitch ne conserve des convives que leurs mains de cire. Suspendues dans l’espace par des fils invisibles, elles sont singulièrement évocatrices des pensées et arrière-pensées de chacun.
Informations pratiques
Léonard de Vinci et l’Anatomie
9 juin -17 septembre 2023
Château du Clos Lucé 37 400 Amboise
Entrée :18€, TR 16€, 7-12 ans : 12,5€
Etudiant et moins de 7 ans : 0€
Renseignements et réservations :
Tél. 02 47 57 00 73
https://vinci-closluce.com
Photo d’ouverture : Le Clos Lucé, dernière résidence de Leonard de Vinci © Léonard de Serres
A lire aussi sur le Site Dynamic Seniors : https://dynamic-seniors.eu/jardin-des-arts-exposition-sculptures-monumentales/
Les commentaires ne sont pas disponibles!