« Mon Petit Grand Frère » traite de non-dits et de résilience. Avec ce spectacle, Miguel-Ange Sarmiento met son coeur à nu. En effet, il nous raconte d’une manière tendre et émouvante, le drame qu’il a vécu en 1971. Drame qui a fait basculer son existence et celle de ses parents, émigrés espagnols fuyant le franquisme. Pendant cinquante ans, il a gardé cette souffrance enfouie jusqu’au tréfonds de son être.
« Pendant le goûter du mardi 9 mars 1971, je savoure les derniers moments avec notre maman souriante. J’en frémis sur ma chaise haute, d’où j’observe goulûment les derniers instants du bonheur prêt à s’enfuir. Sournois, il fait comme si de rien n’était. Il prépare ses valises à la hâte, sous mes yeux, à l’abri du regard de Maman qui ne se doute de rien.« dit Miguel-Ange Sarmiento. Les affres du destin remplacent le bonheur d’une famille unie et aimante. Miguel a 21 mois. Assis sur sa chaise haute, il attend son goûter. Mais, le cri déchirant de sa mère le fige. Elle vient d’apprendre que son fils ainé est mort accidentellement. Quand son corps sans vie est ramené chez eux, les parents s’effondrent. « Mon Petit Grand Frère » est un spectacle triste, gai et ponctué de chansons. D’étonnants moments de poésie vous attendent.
Mon petit grand frère
Le petit Miguel grave dans sa mémoire cet horrible après-midi où le chagrin a remplacé le bonheur. Une douleur insurmontable s’est installée au domicile. Jamais les parents de Miguel ne se remetront du décès de leur fils ainé. Il restera omniprésent au sein du foyer, tel un fantôme. Perdre un enfant est une douleur incommensurable. Les mots pour en parler sont difficiles à trouver… s’exprimer sur un tel sujet est tellement délicat. La perte d’un être cher fait souffrir ceux qui restent. Avec le décès de son grand-frère, le petit Miguel s’est retrouvé abandonné par ses parents. Comment se construire dans un tel contexte ? Il a choisi de devenir un petit garçon bien sage. Toutefois, à l’âge adulte, les blessures refont surface et il va tenter de revenir sur ce triste jour. Devenu artiste, ce sont les mots qui vont l’aider pour en faire un superbe spectacle de résilience.
Un récit poignant
« Mon Petit Grand Frère » est un mélange de narration réaliste et de phrasé poétique. Miguel-Ange Sarmiento nous retrace un quotidien plein de joie et de tendresse. Il se souvient des jeux auxquels il jouait avec son grand frère comme la marelle, la dinette et les billes. Mais également des couchers sur la musique de Nounours et de « bonne nuit les petits ». Miguel-Ange est un enfant affectueux. Il est un un garçon raisonnable et fais attention à sa maman. C’est un bon garçon. Au fil des différentes scènes, on découvre ce qui s’est passé. Deux bambins de cinq ans sont tombés dans le bassin après en avoir brisé la glace. Il s’agit du grand frère de Miguel et de son copain.
Gommé par la douleur
L’interprétation de Miguel-Ange est telle que nous vivons son drame. Tout comme la destruction du cercle familial. La douleur de ses parents et l’enterrement de leur fils relèguent Miguel-Ange dans l’oubli. Nous souffrons avec lui. En effet, dans ce genre de situation, ce sont les parents qui ont droit aux soutiens de l’entourage. Miguel-Ange est gommé. Pas d’attention pour lui ni de mots pour le consoler. « Maman est cassée parce qu’elle ne prépare plus qu’un seul goûter, le mien. ». « Dans notre maison, le sol n’est pas très stable. Souvent, maman titube. » Pourtant, Miguel-Ange, lui aussi, a le coeurs brisé mais personne ne s’en rend compte. Comment arriver à vivre dans une famille qui a volé en éclats ? Comment faire face aux cris de douleurs des parents, des silences destructeurs et la présence fantôme de son frère ? La maison est devenue un tombeau pour Miguel-Ange.
Une superbe interprétation
Le jeu de Miguel-Ange tout en sobriété, émotions, tristesse et souvenirs dévoilés dans une palette émotionnelle bien maitrisée est exceptionnel. Il confère à « Mon Petit Grand Frère » une excellence théâtrale qui nous fait plonger dans son univers tourmenté. Mais, après 50 ans, il s’est apaisé. C’est ce qui a permis à l’artiste de recréer les aspects parfois chaleureux et parfois glacials de la Provence. La déclaration d’amour à son frère nous prend aux tripes et nous émeut tellement que nous en sommes bouleversés. Le texte de Miguel-Ange est si beau et si bien écrit, qu’il magnifie le bonheur du départ, la perte du grand frère, la souffrance des parents, son abandon et mais également la force de caractère qu’il lui a fallu pour survivre à ce désastre. La résilience salutaire à l’enfant blessé pour se reconstruire et devenir un artiste accompli.
« Mon Petit Grand Frère » : Une mise en scène sobre et originale
La mise en scène de Rémi Cotta se veut simple illustrative et sobre. « Je connais bien mon ami qu’est Miguel-Ange. Mais aussi le comédien, son histoire et sa famille. Le mettre en scène sur son texte est la plus belle aventure qui pouvait m’arriver. Il y retrace son enfance. C’est l’adulte d’aujourd’hui qui s’exprime. Et l’homme conscient, porté par ses fantômes, bercé par ses idoles et mû d’une furieuse envie d’en découdre avec le destin et la vie que nous montrons sans superflu. »explique Rémi Cotta. Plasticien, comédien, chanteur et metteur en scène, Rémi Cotta collabore souvent avec Miguel-Ange Sarmiento au sein de M-A.S. Productions. En parallèle de sa carrière lyrique, il a signé plusieurs mises en scène : « Théo, Prince des Pierres », « La Petite Boutique du Bonheur » (Prix Découverte des Musicals de Paris 2007)…
Miguel-Ange Sarmiento
« Tu seras un artiste, mon fils. Ou tu ne seras pas. » Ces mots extraits de « Mon Petit Grand Frère » annoncent l’incontournable destin du petit Michel Sarmiento de Rians. En effet, très tôt, il s’est mis à chanter pour couvrir les pleurs de sa mère et les silences de son père. C’est dans le chant et la comédie qu’il a trouvé son salut. Sa carrière a débutée à Paris voici trente ans. L’artiste s’épanouira dans le spectacle vivant. Tel un Phoenix, il renait et son coeur se remet à battre. Le micro en mains, il ne cessera de prendre la parole pour se faire entendre dans les entrelacs de la chanson populaire, tellement salvatrice. A la radio, il recueille les mots de vies fragiles et abimées dans l’émission qu’il produit et anime « On n’oublie rien, on s’habitue ». Cette écoute sensible est un prélude à son travail d’écriture qu’il livre aujourd’hui.
Infos pratiques
Mon petit grand frère
Comédie Bastille
5, rue Nicolac Appert
75011 Paris
Métro Richard Lenoir
01 48 07 52 07
Jusqu’au 4 janvier 2025.
Les jeudis et samedis à 19h
www.masproductions.fr
https://comedie-bastille-billetterie.tickandlive.com
Photo d’ouverture : Miguel-Ange Sarmiento
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