Splendeur et misères des Joyaux de la Couronne 

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Splendeur et misères des Joyaux de la Couronne 

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Après un an de travaux, la Galerie d’Apollon vient de rouvrir ses portes sur une présentation rénovée de ses trésors. Autour de trois nouvelles vitrines réservées, comme il se doit, aux Joyaux de la Couronne – ou à ce qu’il en reste.

Un Trésor pour la Couronne 

L’histoire de cette collection remonte à François 1er qui décide en 1530 la création d’un trésor propriété de la Couronne, et non du Roi. Il le décrète inaliénable, en principe, car l’histoire de ce trésor n’est pas une rivière tranquille, fût-elle de diamants.  Il sert déjà, du temps du roi François et de ses successeurs à financer les guerres de religions. Au XVIIe siècle Louis XIV, malgré l’état calamiteux de ses finances, le reconstitue et l’enrichit de plusieurs   pierres mythiques. Dont le Diamant bleu de la Couronne de France conservé aujourd’hui… à Washington, retaillé et rebaptisé Hope.  En 1717, Philippe d’Orléans fait l’acquisition du Régent, gros diamant de Golconde de 140,5 carats. Ce joyau trône aujourd’hui dans la Galerie, à coté du “Sancy“ de 55,23cts acquis par Henri IV pour Marie de Médicis.

A savoir

Du temps de François 1er ne reste que le rubis spinelle Côte de Bretagne retaillé au XVIIIe s en forme de dragon.

Couronne de haut de tête de l'impératrice Eugénie © RMN - Grand Palais (Musée du Louvre)_Stéphane Maréchalle

Couronne de haut de tête de l’impératrice Eugénie © RMN – Grand Palais (Musée du Louvre)©Stéphane Maréchalle

La Couronne malmenée 

Pour le reste, les guerres, les mises au clou, les révolutions, ont eu raison des collections d’origine.  Un premier coup fatal leur est porté en septembre 1792 quand une bande de branquignoles s’introduit dans les locaux mal gardés du garde-meuble. Ils s’emparent de l’ensemble des bijoux mais sont arrêtés et guillotinés quelques jours plus tard et certains joyaux récupérés. Le Régent sera retrouvé l’année suivante, ce qui permettra à Napoléon de l’arborer sur l’épée de son sacre le 2 décembre 1804 Après la débâcle révolutionnaire, les monarchies qui se succèdent s’efforcent de reconstituer l’ensemble du trésor. A destination tour à tour de Joséphine et de Marie-Louise les deux épouses de Napoléon. Sous la Restauration, la Duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI et Marie Antoinette, les arbore comme un trophée. Quinze ans plus tard, Marie-Amélie, épouse quinquagénaire et assez terne  de Louis-Philippe, ne les dédaigne pas.

Diadème de la duchesse d’Angoulême © RMN – Grand Palais (Musée du Louvre)©Jean-Gilles Berizzi

Eugénie, la flamboyante

La plus brillante de ces souveraines, c’est l’impératrice Eugénie, la dernière à avoir porté ces joyaux historiques. Les vitrines du Louvre conservent quelques unes de ses parures, signées des grands joaillers parisiens de l’époque. Bapst est l’auteur de la broche dite reliquaire montée avec des diamants d’Ancien Régime. La couronne de haut de tête est une création de Gabriel Lemonnier ainsi que le diadème en perles et diamants. La broche d’épaule, ornée de même, est signée François Kramer auteur aussi du gros nœud de ceinture offert par l’Empereur. Vous ne verrez pas la broche fétiche d’Eugénie, le trèfle d’émeraudes, cadeau de l’empereur qu’elle portait quotidiennement. Ce bijou personnel n’appartenant pas à la Couronne, l’impératrice l’emporta dans son exil britannique en 1870. Elle s’en sépara après la mort tragique de son fils, n’ayant, disait-elle, plus rien à espérer de la vie. On ne sait où se trouve aujourd’hui le trèfle impérial.

Parure en micro-mosaïques © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)

Parure en micro-mosaïques © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)©Stéphane Maréchalle

La  Couronne à l’encan

A l’exception de la broche reliquaire formée de pierres d’Ancien Régime, les bijoux des quatre dernières souveraines ont tous été dispersés aux enchères en 1887.  La IIIe République ayant à cœur de liquider tout ce qui évoquait les monarchies d’antan. Par bonheur quelques députés plus éclairés ont réussi à soustraire de cette grande braderie quelques pièces historiques. A commencer par l’emblématique Régent (140,5 cts), et le rubis Côte de Bretagne, seule pierre remontant au XVIe siècle. La couronne du sacre de Louis XV, sertie de pierres factices, échappa à la vente en raison de sa faible valeur intrinsèque. Furent aussi épargnés le Sancy, gros diamant de 55 carats et le diamant rose dit Hortensia entré dans la collection sous Louis XIV. La république avait aussi gracié l’épée sertie de diamants du sacre de Charles X, qui a été malheureusement volée dans les années 1970.

Parure de la reine Marie-Amélie

Parure de la reine Marie-Amélie © RMN – Grand Palais (Musée du Louvre)©Mathieu Rabeau

Un désastre financier et patrimonial

La vente se déroula en neuf vacations dans la salle des Etats du 12 au 23 mai 1887. Beaucoup de grandes parures avaient été dépecées pour en écouler plus aisément les pierres, celles-ci sont irrémédiablement perdues. D’autres ont été vendues telles quelles et existent encore dans des collections privées dont elles ressortent parfois à l’occasion d’une succession.  Les principaux acheteurs de 1887 furent les joaillers parisiens et étrangers : Bapst, Boucheron, Tiffany, et bien d’autres. Les cours étrangères se sont abstenues en signe de désapprobation, à l’exception de la couronne britannique. La maison d’Orléans a fait racheter par un mandataire un certain nombre de souvenirs de famille. Outre un irrémédiable désastre patrimonial, cette dispersion historique fut loin d’être un succès financier. Elle rapporta à l’Etat moins de millions de francs de l’époque, l’équivalent de 25millions d’euros 2020 ! Pas de quoi combler le déficit. 

Diamant, dit « Le Régent »

Diamant, dit « Le Régent » © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)©Stéphane Maréchalle

Récupération et donations

Qui peut dire combien une telle vente rapporterait de nos jours ? On sait en revanche ce qu’il en coûte pour récupérer une de ces parures quand le hasard les amène sur le marché de l’art. Depuis 50 ans notre monarchie républicaine s’efforce en effet de racheter certains de ces joyaux quand ils passent aux enchères. 

C’est le cas du nœud de ceinture de l’impératrice Eugénie, adjugé 32 000F en 1887 au joailler newyorkais Schlesinger. On le retrouve ensuite dans la famille Astor. Un beau jour de 2008 le bijou est présenté aux enchères chez Christie’s estimé l’équivalent de 6,72 M.€. Finalement, le nœud de l’impératrice sera négocié de gré à gré par le Louvre grâce à la contribution des Amis du Louvre et du Fonds du Patrimoine.

En 1992 le musée a également récupéré par la même voie dans la vente Tour & Taxis le diadème d’Eugénie. Mais c’est sur ses propres crédits d’acquisition que le Louvre a pu racheter 2015 la broche d’épaule en perles et brillants signée de Kramer, est dernier joyau à avoir rejoint les collections nationales.

Couronne de Louis XV

Couronne de Louis XV © Musée du Louvre, dist. RMN – Grand Palais©Martine Beck-Coppola

Généreux mécènes

Généralement les rachats de ce genre ne sont possibles que grâce au mécénat public ou privé ou avec des arrangements avec le fisc lors de successions Dès 1973, les bracelets en rubis de la Duchesse d’Angoulême entrent au Louvre grâce au legs Claude Menier.  Dont le musée a pu récupérer aussi, en 2002, un diadème de diamants et émeraudes. En 1988, le collectionneur Roberto Polo offre aux collections nationales la petite couronne de l’impératrice Eugénie. Enfin c’est auprès du Comte de Paris que l’Etat a pu acquérir en 1985 la parure de la reine Marie-Amélie son ancêtre, sertie de saphirs hérités de la reine Hortense  C’est aussi en vente publique que le musée a récupéré en 2001 la parure de mosaïques romaines de Marie-Louise œuvre du joailler Nitot.  Trois ans plus tard, grâce aux Amis du Louvre, son collier et ses boucles d’oreilles en émeraudes du même Nitot.

Collier et boucles d'oreille Marie-Louise

Collier et boucles d’oreille Marie-Louise © RMN – Grand Palais (Musée du Louvre)©Jean-Gilles Berizzi

La perle de la reine

Aucun mécène ne s’est hélas manifesté en 2018 quand Sotheby’s présenta à Genève, une grosse perle pendentif de la cassette personnelle de Marie-Antoinette. Hors joyaux de la Couronne donc. Ce bijou historique a atteint l’équivalent de 32M.€., un prix fou bien supérieur à sa valeur intrinsèque. Mais les reliques de la reine décapitée font toujours fantasmer !

Grand nœud de corsage de l'Impératrice Eugénie

Grand nœud de corsage de l’Impératrice Eugénie © RMN – Grand Palais (Musée du Louvre)©Stéphane Maréchalle

Galerie d’Apollon, Musée du Louvre Aile Denon 1er  étage.

Ouvert chaque jour sauf mardi, de 9h à 18 h. jusqu’à 21h30 les mercredi et vendredi

https://www.louvre.fr

Crédit Photos : Musée du Louvre

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