Balade historique à travers les défenses allemandes des îles du Frioul

Evasion, Idées Week-End

Balade historique à travers les défenses allemandes des îles du Frioul

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Face au Vieux-Port de Marseille les îles du Frioul forment un chapelet de quatre îles. If, Pomègues, Ratonneau et, derrière, Tiboulen. 

Les îles du Frioul sont une sorte de muraille destinées à protéger la ville. Et c’est bien ce à quoi elles ont servi.

Les îles du Frioul

D’abord, il faut prendre une navette au Vieux-Port. Et, dès le départ, la magie opère. On traverse l’ancien Lacydon des Grecs. Puis on dépasse les deux forts le protégeant. A droite, le fort, Saint-Jean édifié par les Hospitaliers. A gauche, le bas fort Saint-Nicolas séparé depuis le XIXe siècle du haut-fort par une voie conduisant au quartier des Catalans. Construit sous Louis XIV, ils présentaient la particularité d’avoir leurs canons tournés vers la ville. Marseille était déjà une cité rebelle.  Puis vient le large. Depuis la navette, on ne peut être qu’ébloui par la beauté du trait de côte. On passe le château d’If, internationalement connu depuis le « Comte de Monte-Cristo », et voilà enfin les îles du Frioul, à six kilomètres de Marseille. Oui, car en dépit des apparences, il y a bien deux îles reliées par une digue: Pomègues et Ratonneau.

Frioul - Le château d’If sur la route vers les îles du Frioul.

Le château d’If sur la route vers les îles du Frioul.

A savoir

La digue Berry a été édifiée entre 1822 et 1824. Elle a pris le nom du fils de Charles X, assassiné par Pierre-Louis Louvel deux ans auparavant. Sa construction a transformé une zone de passage et de  mouillage utilisée depuis les Romains en un véritable petit port. Le Frioul tient d’ailleurs son nom de ce passage entre les deux îles. Le provençal frieu désignait le passage entre Pomègues (ancienne pile Saint-Jean) et Ratonneau (ancienne île Rotonau). Il a donné en français Friou qui s’écrit Frioul depuis 1921. La création de ce port a permis de mettre davantage de navires en quarantaine alors que la fièvre jaune sévissait en Amérique et en Espagne.

Le petit port du Frioul où arrive la navette de Marseille

Le petit port du Frioul où arrive la navette de Marseille

Frioul - Une vue du port depuis la digue Berry.

Une vue du port depuis la digue Berry.

Les îles du Frioul : un  paysage aride et minéral

Mais, retour à l’Histoire. Lorsque l’on aborde les îles du Frioul, la côte dévoile un paysage aride, minéral. Et marqué par la guerre. Car les Allemands, dès 1942, renforcèrent l’archipel afin d’interdire tout débarquement allié à Marseille. Pour cela, ils installèrent des fortifications modernes sur un terrain déjà marqué par des siècles de constructions défensives. Chaque promontoire, chaque crique, fut surveillé par des ouvrages conçus pour contrôler la rade marseillaise. Ces installations s’inscrivaient dans le dispositif du Mur de la Méditerranée, prolongement méridional du célèbre Mur de l’Atlantique. Ici, le relief offrait des positions dominantes idéales pour surveiller les approches maritimes et aériennes.

Frioul - La roche du Frioul est blanche et particulièrement éblouissante quand le soleil brille

La roche du Frioul est blanche et particulièrement éblouissante quand le soleil brille.

Malgré l’aridité des îles, la végétation reste splendide, surtout au printemps.

Malgré l’aridité des îles, la végétation reste splendide, surtout au printemps.

Frioul - La végétation offre des couleurs magnifiques.

La végétation offre des couleurs magnifiques.

A savoir

Le Mur de la Méditerranée constituait une ligne défensive visant à empêcher tout débarquement allié sur le littoral sud. De Marseille à l’Espagne, des centaines de blockhaus furent construits. Les îles du Frioul représentaient un maillon crucial de ce dispositif. Leur rôle consistait à verrouiller l’accès au plus grand port français de Méditerranée.

Une méduse dans le port du Frioul. Avec le réchauffement des eaux, elles sont de plus en plus nombreuses. Photo verticale 8 : Un panneau explicatif sur les goélands, seigneurs des îles du Frioul.

Une méduse dans le port du Frioul. Avec le réchauffement des eaux, elles sont de plus en plus nombreuses. Un panneau explicatif sur les goélands, seigneurs des îles du Frioul.

Pomègues, la plus grande île

D’abord Pomègues, la plus longue et la plus sauvage des îles. En montant vers les crêtes, on découvre des blockhaus camouflés pour se confondre avec la roche calcaire. Les Allemands installèrent ici des points d’observation surveillant l’entrée du port et la haute mer. Ces petits ouvrages, parfois enterrés, comportaient des postes de guet, de tir et des abris pour l’infanterie. Pomègues constituait une barrière avancée face à une éventuelle attaque venue de la Méditerranée occidentale. En suivant le sentier côtier, on croise la batterie du Cap Caveaux, position avancée surveillant les approches occidentales de Marseille. Cette batterie allemande reprenait l’emplacement d’anciennes positions françaises. Les canons interdisaient tout débarquement dans les criques du sud de l’île. Ils pouvaient également croiser leurs tirs avec d’autres pièces placées plus au nord. Les soldats allemands aménagèrent des abris souterrains, des magasins à munitions et des réseaux de tranchées, créant un véritable petit camp retranché.

Frioul - Les ruines impressionnent par leur solidité malgré les bombardements alliés de 1944.

Les ruines impressionnent par leur solidité malgré les bombardements alliés de 1944.

La batterie de Tiboulen

Poursuivant la marche vers l’extrémité méridionale de Pomègues, voici les restes de la batterie de Tiboulen. Située en face du petit îlot portant le même nom, elle verrouillait un secteur stratégique. Les Allemands y construisirent plusieurs blockhaus de tir reliés par des boyaux creusés dans la roche. Leur objectif consistait à empêcher toute tentative de débarquement allié sur cette portion du littoral difficile d’accès. Le relief offrait des points hauts permettant une observation panoramique sur les îles voisines et la haute mer. Les vestiges subsistants, souvent envahis par la végétation, conservent encore des détails architecturaux caractéristiques de la fortification allemande.

La nature a repris tous ses droits sur l’îlot de Tiboulen.

La nature a repris tous ses droits sur l’îlot de Tiboulen.

Un ancien fortin français

Revenons légèrement vers le centre de Pomègues, au niveau du fortin français du XVIIᵉ siècle modernisé par les occupants allemands. Ce fortin servait de noyau défensif, renforcé par des casemates bétonnées et des postes de tir additionnels. L’ensemble formait une position centrale permettant de contrôler les déplacements entre le sud et le nord de l’île. Les Allemands utilisèrent également le fort comme dépôt logistique, stockant vivres, carburants et munitions. De là, des patrouilles étaient envoyées pour inspecter régulièrement le littoral. Ces aménagements témoignent de l’intégration des ouvrages anciens dans le système défensif moderne. Le fort illustre parfaitement la superposition des époques militaires.

Frioul - Cet ancien fortin a été réaménagé et renforcé par les Allemands.

Cet ancien fortin a été réaménagé et renforcé par les Allemands.

Vue à l’intérieur de l’ancien fortin

Vue à l’intérieur de l’ancien fortin

L’île de Ratonneau

Après Pomègues, Ratonneau. L’île est plus accessible et donc plus fréquentée. Ratonneau abritait d’importants hôpitaux militaires depuis le XIXᵉ siècle, que les Allemands réutilisèrent comme casernements. Sur les hauteurs dominant la rade, plusieurs blockhaus furent construits pour protéger la passe nord, entrée principale vers Marseille. Ces fortifications, souvent semi-enterrées, disposaient de créneaux de tir adaptés aux mitrailleuses lourdes. Elles servaient à contrôler les mouvements navals et à protéger le port contre des commandos ennemis. Le sommet de l’île est dominé par le fort de Ratonneau dont l’édification débute sous Henri IV. Le fort a alors quatre niveaux et peut abriter deux cents hommes. Entre 1883 et 1890, le fort est totalement réaménagé. Deux niveaux disparaissent et il est reconverti en quatre batteries. Des abris à munitions sont creusés. Les Allemands y construiront quatre blockhaus, des abris, des soutes… Un vaste chantier qui ne sera jamais terminé.

Ces croix mystérieuses n’ont rien à voir avec un cimetière. Il s’agit juste de l’ossature d’un bunker allemand dont la construction a été stoppée par la Libération.

Ces croix mystérieuses n’ont rien à voir avec un cimetière. Il s’agit juste de l’ossature d’un bunker allemand dont la construction a été stoppée par la Libération.

A savoir

Ratonneau a eu un roi. En 1765, le soldat Jean Gourin, dit Francoeur, s’est proclamé « roi de Ratonneau ». Rendu fou par l’isolement, il s’est mis à tirer au canon sur ses collègues de retour d’un avitaillement à Marseille. Il a fallu attendre deux jours que la fatigue en vienne à bout pour reprendre le contrôle du fort.

Le cap Janet

En se dirigeant vers l’est de Ratonneau, on atteint le secteur de la batterie du cap Janet, transformée et renforcée par les Allemands. Située face à Marseille, elle couvrait la passe nord et protégeait directement l’entrée de la rade. Les canons installés pouvaient tirer sur les navires tentant de franchir les chenaux d’accès. Les abris en béton, encore visibles, servaient à protéger les servants contre les bombardements aériens fréquents. La position, bien camouflée, disposait aussi d’abris souterrains et de tunnels reliant les casemates entre elles. 

Frioul - Un des bunkers qui défendaient l’île contre un éventuel débarquement allié.

Un des bunkers qui défendaient l’île contre un éventuel débarquement allié.

La défense globale de l’archipel du Frioul

Poursuivant la marche vers l’intérieur de Ratonneau, on distingue les ruines de postes d’observation reliés par un réseau de tranchées. Ces ouvrages mineurs complétaient la défense en surveillant les arrières des batteries principales. Les Allemands cherchaient à éviter tout sabotage ou infiltration ennemie venant par la terre. Ces petits blockhaus, souvent construits à flanc de colline, offraient une vue dégagée sur Marseille et Pomègues. Leur conception robuste permet encore de deviner la discipline militaire imposée aux garnisons stationnées ici. Bien que dégradés par le temps, ils demeurent autant de témoignages concrets de l’Occupation.

Frioul - Une des tranchées reliant les fortifications allemandes entre elles.

Une des tranchées reliant les fortifications allemandes entre elles.

La batterie de la Redonne

Au nord-est de Ratonneau se trouve la batterie de la Redonne, position essentielle dans le contrôle du large chenal d’accès au port. Les Allemands modernisèrent les anciens canons français en installant de nouvelles pièces et des abris bétonnés. Cette batterie pouvait coordonner son tir avec les fortifications situées sur l’île d’If et le cap Croisette. Sa mission consistait à créer un rideau défensif infranchissable pour tout navire ennemi. Le système fonctionnait grâce à un réseau téléphonique reliant les postes d’observation aux salles de commandement enterrées. En redescendant vers le littoral nord de Ratonneau, se trouvent  divers blockhaus isolés surveillant les petites criques abritées. Ces points fortifiés interdisaient tout débarquement discret par de petites embarcations, scénario envisagé par les Allemands. Chaque ouvrage disposait de créneaux de tir croisés, permettant de balayer les plages de tirs mitrailleurs. Leur efficacité résidait dans la complémentarité entre les batteries lourdes et ces défenses rapprochées.

Les blockhaus se confondent avec le paysage minéral et marin.

Les blockhaus se confondent avec le paysage minéral et marin.

Un bunker difficile à distinguer de loin.

Un bunker difficile à distinguer de loin.

Dans la rade, le rôle du château d’If

Quittons Ratonneau pour rejoindre l’île d’If, minuscule mais mondialement connue grâce au « Comte de Monte-Cristo ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands intégrèrent cette forteresse du XVIᵉ siècle dans leur système défensif global. Ils y construisirent des blockhaus et des abris. La position commandait l’entrée de la rade, formant un verrou entre Ratonneau, Pomègues et la côte. Les canons placés ici pouvaient croiser leurs tirs avec ceux de la Redonne et du cap Croisette. If devint ainsi une pièce maîtresse de la défense allemande. Sur l’île d’If, les Allemands installèrent des postes de guet pour observer les mouvements de navires et surveiller le trafic aérien. Ces points d’observation, reliés au réseau téléphonique militaire, transmettaient immédiatement les informations au commandement central situé sur Ratonneau. L’ancienne forteresse servit aussi de prison militaire pour détenus politiques et marins. Les blockhaus ajoutés à proximité du château protégeaient les abords contre un débarquement rapide.

La silhouette géométrique des blockhaus contraste avec les bastions Renaissance, créant un curieux mélange d’architecture ancienne et moderne.

La silhouette géométrique des blockhaus contraste avec les bastions Renaissance, créant un curieux mélange d’architecture ancienne et moderne.

Tiboulen, un dispositif-clé

Le minuscule îlot de Tiboulen fut aussi intégré au dispositif allemand comme avant-poste de surveillance et de protection des approches sud-ouest de Marseille. Les soldats y construisirent plusieurs blockhaus bas, difficilement repérables depuis la mer grâce à leur camouflage minéral. Tiboulen représentait un verrou secondaire, mais néanmoins essentiel dans la chaîne défensive. Ses ouvrages modestes complétaient la puissance des batteries principales installées sur Pomègues et Ratonneau. Les blockhaus de Tiboulen servaient principalement à l’observation et au tir rapproché, empêchant tout débarquement ennemi sur l’îlot ou ses abords. Les Allemands y installèrent également un petit poste radio pour communiquer avec les autres garnisons du Frioul. L’exiguïté du terrain obligea à des aménagements très compacts, intégrés directement dans la roche calcaire. Ces vestiges demeurent difficiles d’accès.

Frioul - L’isolement de Tiboulen offre un témoignage rare et intact des installations allemandes.

L’isolement de Tiboulen offre un témoignage rare et intact des installations allemandes.

L’organisation du commandement au Frioul

En revenant vers Ratonneau, il est important de comprendre comment les Allemands organisaient leur commandement sur l’ensemble du Frioul. Le centre névralgique se trouvait dans des abris enterrés, situés à proximité des anciennes structures hospitalières de l’île. Ces salles protégées accueillaient les officiers, les cartes d’état-major et les systèmes de communication. Téléphones filaires, radios et messagers assuraient une coordination rapide entre Pomègues, Ratonneau, If et Tiboulen. Cette organisation visait à répondre rapidement à toute alerte ou tentative d’invasion. Le commandement bénéficiait d’une vision complète grâce aux nombreux observatoires disséminés sur les hauteurs.

Frioul - Une vue du sémaphore de Pomègues avec, au fond, une batterie de défense.

Une vue du sémaphore de Pomègues avec, au fond, une batterie de défense.

Un fortin réaménagé par les Allemands.

Un fortin réaménagé par les Allemands.

L’hôpital Caroline

Vu de Marseille, on dirait les ruines d’un complexe  antique. En fait, rien de tel. Il s’agit des ruines de l’hôpital Caroline, du nom de la duchesse de Berry, épouse du fils de Charles X. Son rôle était d’accueillir en quarantaine les voyageurs arrivant dans la ville. Particulièrement en cas de soupçon de fièvre jaune. Marseille ne se souvenait que trop de l’épidémie de peste de  1720 apportée par le « Grand Saint-Antoine ». Entre 30 et 40 000 morts sur une population de 70 à 80 000 habitants. L’hôpital Caroline est resté en fonction jusqu’en 1941. Détruit par les bombardements alliés, il fait l’objet d’une vaste campagne de restauration depuis l’acquisition des îles du Frioul par Marseille en 1978.  Ce lazaret est fermé au public et ne se visite pas. 

Frioul - Une vue générale de l’hôpital Caroline.

Une vue générale de l’hôpital Caroline.

 L’hôpital Caroline avec en arrière plan le château d’If et Marseille.

L’hôpital Caroline avec en arrière plan le château d’If et Marseille.

La chapelle de l’hôpital Caroline est en ruine.

La chapelle de l’hôpital Caroline est en ruine.

Sur l’ensemble du Frioul, un vaste réseau de communication enterré

Les Allemands établirent aussi des réseaux de câbles électriques et téléphoniques enterrés reliant chaque batterie aux centres de commandement. Ces infrastructures, encore visibles par endroits, témoignent de l’importance donnée aux transmissions. La coordination entre artillerie lourde et mitrailleuses légères dépendait de ces connexions rapides. Les officiers pouvaient ainsi ordonner des tirs précis en fonction des informations transmises par les observateurs. Ce maillage technique permettait d’optimiser la puissance de feu du système. Aujourd’hui, quelques tranchées comblées et vestiges de câbles rouillés rappellent discrètement l’existence de ce réseau souterrain.

Le long des bunkers courraient des tranchées pour les hommes et les réseaux de communication.

Le long des bunkers courraient des tranchées pour les hommes et les réseaux de communication.

Frioul - Les fortifications allemandes étaient protégées par les anciens dispositifs français comme cette porte

Les fortifications allemandes étaient protégées par les anciens dispositifs français comme cette porte

Le château d’If faisait le lien avec Marseille

Sur l’île d’If, une salle de commandement secondaire complétait ce dispositif, servant de relais entre Ratonneau et les positions avancées. Les Allemands considéraient If comme un poste clé en raison de sa proximité immédiate avec l’entrée de la rade. Les communications y étaient centralisées avant d’être transmises à Marseille. De cette façon, l’ensemble du Frioul fonctionnait comme une petite forteresse autonome, coordonnée et réactive. Le rôle des câbles sous-marins reliant les îles était également essentiel pour garantir la continuité des liaisons. Ces installations exigeaient une maintenance permanente assurée par des équipes spécialisées.

Le château d’If était un maillon essentiel de la défense de Marseille pour les Allemands.

Le château d’If était un maillon essentiel de la défense de Marseille pour les Allemands.

A savoir

La vie quotidienne des soldats allemands sur les îles reposait sur une logistique complexe assurant nourriture, eau et munitions. Des barges et petits navires reliaient régulièrement Marseille au Frioul, souvent la nuit pour éviter les bombardements aériens. Les fortifications abritaient des dépôts souterrains permettant de stocker plusieurs semaines de vivres et de carburant. L’eau provenait de citernes aménagées ou transportée depuis la côte. Les troupes, isolées sur ces rochers, vivaient dans une discipline stricte, soumises au climat rude et au mistral.

Les vestiges des blockhaus témoignent encore d’un quotidien militaire éprouvant sur les îles.

Les vestiges des blockhaus témoignent encore d’un quotidien militaire éprouvant sur les îles.

Les îles du Frioul ont été la cible de vastes bombardements alliés

Les fortifications allemandes du Frioul furent régulièrement la cible des bombardements alliés dès 1943, visant à neutraliser l’artillerie. Avions britanniques et américains larguèrent des bombes sur les batteries, cherchant à affaiblir la défense avant un éventuel débarquement. Ces attaques endommagèrent plusieurs blockhaus mais ne réussirent jamais à anéantir totalement le système. Les Allemands réparaient rapidement les dégâts, conscients de l’importance stratégique de ces positions. Les cicatrices de ces bombardements sont encore visibles sur certains ouvrages, marqués d’impacts et d’effondrements. Elles rappellent la violence des combats aériens dans ce secteur méditerranéen. C’est d’ailleurs là qu’Antoine de Saint-Exupéry trouva la mort.

Ruines d’un blockhaus détruit par les Alliés.

Ruines d’un blockhaus détruit par les Alliés.

A savoir

Lorsque la Libération arriva en août 1944, les garnisons allemandes du Frioul reçurent l’ordre de résister pour couvrir le retrait. Cependant, face à l’avance alliée et à l’insurrection marseillaise, les soldats finirent par capituler. Les fortifications furent alors investies par les troupes françaises et alliées puis rapidement abandonnées. Aujourd’hui, elles se visitent librement, offrant une plongée saisissante dans l’histoire de la guerre en Méditerranée.

Le Frioul demeure un musée à ciel ouvert de cette mémoire militaire.

Le Frioul demeure un musée à ciel ouvert de cette mémoire militaire.

Marseille sous la menace du Frioul

Les îles du Frioul formaient une véritable ceinture militaire enserrant  Marseille contre toute attaque navale ou aérienne. Chaque batterie était reliée aux autres par des transmissions rapides et pouvait croiser son feu. Le dispositif constituait une sorte de forteresse flottante face à la Méditerranée. Les Allemands misaient sur la complémentarité entre artillerie lourde, observation et défenses rapprochées. La disposition des îles permettait un contrôle des chenaux d’accès vers le port de Marseille. Pomègues couvrait l’approche sud, Ratonneau et If surveillaient l’entrée nord, Tiboulen bloquait l’accès occidental. Ensemble, ces positions rendaient toute tentative de débarquement extrêmement risquée. Les batteries pouvaient tirer en croisement, piégeant les navires ennemis dans un véritable corridor de feu. La présence de blockhaus anti-débarquement complétait ce schéma défensif cohérent. Les Alliés savaient qu’attaquer Marseille par la mer aurait entraîné de lourdes pertes. Ce qui explique pourquoi le débarquement allié a eu lieu dans le Var en août 1944.

Marseille était sous le feu du Frioul.

Marseille était sous le feu du Frioul.

Des fortifications qui n’étaient pas invincibles

Malgré leur solidité, ces fortifications n’étaient pas invincibles. Les bombardements alliés fragilisèrent certains ouvrages, en particulier les blockhaus côtiers exposés. Les vestiges visibles aujourd’hui révèlent la variété des constructions allemandes. On distingue de simples abris pour mitrailleuses, des casemates massives pour canons, des postes d’observation. Certains blockhaus possèdent encore leurs inscriptions originales, indiquant numéros d’unité ou directives de tir. Les couloirs souterrains témoignent d’une organisation méticuleuse, adaptée aux bombardements. Les abris servaient aussi de dortoirs, cuisines et dépôts. Malgré l’érosion, beaucoup conservent leur structure initiale, preuve de la robustesse du béton armé.

Frioul - Un blockhaus encore très solide malgré le temps et l’érosion.

Un blockhaus encore très solide malgré le temps et l’érosion.

A savoir

La protection du Frioul reposait sur une logistique fragile, dépendante des navires venant de Marseille. Si ces liaisons étaient coupées, les garnisons se retrouvaient isolées et vulnérables. De plus, l’avancée terrestre alliée, par Toulon et Marseille, rendit rapidement leurs positions obsolètes. Les troupes allemandes, encerclées, n’avaient plus de réelle utilité stratégique. Les fortifications du Frioul ont été rapidement abandonnées par les Allemands.

Une balade au milieu de la nature

Pour le visiteur d’aujourd’hui, marcher parmi ces vestiges procure une étrange impression. D’un côté, le cadre naturel enchanteur des îles, baigné de soleil et de mistral, la mer, les criques et une nature préservée. De l’autre, les masses grises et anguleuses des blockhaus  qui rappellent la guerre et l’Occupation. Le contraste entre beauté méditerranéenne et mémoire militaire interpelle fortement. Particulièrement, d’ailleurs, quand on s’y rend en période de nidification des goélands leucophées. Ces derniers, qui d’ordinaire vivent en groupe, forment des couples unis lors de la nidification. Ils défendent âprement leur territoire contre tout intrus, animaux comme humains.

On estime à  3 000 le nombre de couples de goélands sur les îles du Frioul.

On estime à  3 000 le nombre de couples de goélands sur les îles du Frioul.

Outre l’Histoire, une balade au Frioul est l’occasion de découvrir une nature fragile.

Outre l’Histoire, une balade au Frioul est l’occasion de découvrir une nature fragile.

 Une ferme piscicole a été créée au Frioul.

Une ferme piscicole a été créée au Frioul.

A savoir

Les batteries allemandes s’inscrivent aussi dans une continuité plus ancienne. Les îles avaient été fortifiées dès le Moyen Âge pour protéger Marseille. Le château d’If, érigé au XVIᵉ siècle, constitue l’exemple le plus célèbre. Plus tard, les Français construisirent d’autres batteries pour défendre le port. Les Allemands réutilisèrent et modernisèrent ces emplacements stratégiques, ajoutant leur propre empreinte.

Les Allemands ont su exploiter la topographie du Frioul

La topographie des îles explique aussi ce choix. Les falaises abruptes, les promontoires dégagés et les criques isolées offraient des positions idéales. Les Allemands surent exploiter chaque relief, installant leurs blockhaus là où la visibilité était maximale. Les promontoires de Pomègues dominaient la mer au sud, tandis que les hauteurs de Ratonneau surveillaient Marseille. Tiboulen, bien que minuscule, offrait une vigie avancée. If, placé au centre, constituait le verrou principal. Cette exploitation optimale du terrain prouve l’habileté militaire allemande. Elle illustre également la valeur stratégique universelle de ces îles.

 Visiter les fortifications du Frioul peut vite devenir une leçon d’histoire vivante.

Visiter les fortifications du Frioul peut vite devenir une leçon d’histoire vivante.

Des fortifications rapidement abandonnées

Après la guerre, les fortifications furent en grande partie abandonnées. Certaines furent démantelées pour récupérer le métal ou dégager les accès. D’autres restèrent intactes, laissées aux vents et aux promeneurs. Le temps fit son œuvre, recouvrant certains bunkers de végétation méditerranéenne. Les habitants de Marseille redécouvrirent peu à peu ce patrimoine, parfois sans en connaître l’origine exacte. Ce n’est que plus tard que les historiens établirent un inventaire précis des installations allemandes. Aujourd’hui, elles constituent un sujet d’étude pour les passionnés de fortifications. Plusieurs associations locales militent pour la préservation et la mise en valeur de ces vestiges militaires. Des visites guidées permettent parfois d’expliquer leur fonction et leur histoire.

Les îles du Frioul font partie du Parc national des Calanques, ce qui impose des règles strictes.

Les îles du Frioul font partie du Parc national des Calanques, ce qui impose des règles strictes.

Un bunker laissé à l’abandon et dégradé par des tags.

Un bunker laissé à l’abandon et dégradé par des tags.

Comprendre la stratégie des Allemands durant la guerre

Pour comprendre pleinement ces installations, il est utile de replacer le Frioul dans la stratégie allemande globale. Le Mur de la Méditerranée constituait une ligne défensive visant à empêcher tout débarquement allié sur le littoral sud. De Marseille à l’Espagne, des centaines de blockhaus furent construits, répliques du Mur de l’Atlantique. Les îles du Frioul représentaient un maillon crucial de ce dispositif. Leur rôle consistait à verrouiller l’accès au plus grand port français de Méditerranée. Ainsi, ces fortifications locales s’inscrivaient dans un projet défensif continental.

Friooul - Les installations sanitaires françaises d’avant-guerre sont totalement désaffectées.

Les installations sanitaires françaises d’avant-guerre sont totalement désaffectées.

Des blockhaus largement tagués

La balade à travers les îles du Frioul se conclut donc sur une impression forte. La beauté naturelle des paysages se mêle à la mémoire militaire, créant une atmosphère unique. Chaque bunker, chaque batterie, raconte l’histoire d’une époque redoutée. Aujourd’hui, ces ruines silencieuses invitent à réfléchir sur la guerre, la paix et la fragilité des cités humaines. Le Frioul n’est pas seulement un lieu de promenade ensoleillée. Il est aussi un livre de pierre, ouvert sur l’histoire du XXᵉ siècle. Dommage, dès lors, que la municipalité laisse ces témoignages historiques être la proie des tagueurs. Pas un blockhaus qui ne soit dégradé. 

Le patrimoine historique de l’île est largement laissé à l’abandon

Le patrimoine historique de l’île est largement laissé à l’abandon

Pratique

Où se renseigner 
Office du tourisme de Marseille
11, la Canebière
13001 Marseille
Ouvert tous les jours de 9 h à 18h
Tél. : 0826 500 500
https://www.marseille-tourisme.com/

Comment se rendre aux îles du Frioul ?

Le bateau est le seul moyen de se rendre sur les îles. Trois navettes fonctionnant sept jours sur sept partent à partir de 6h30 du Vieux-Port. Mieux vaut réserver à l’avance son billet sur internet. On peut aussi l’acheter au guichet de la gare maritime (1, quai de la Fraternité) à gauche de l’embarcadère. En fonction des conditions météo, l’île d’If est desservie ou non. Tarifs : 11,10 € plein tarif ; 8,30 € par personne pour les familles à partir de 4 personnes payantes.
https://www.lebateau-frioul-if.fr/
Téléphone : 04 91 22 41 22

Une navette qui dessert le Frioul.

Une navette qui dessert le Frioul.

Une autre navette portant le nom d’un célèbre héros d’Alexandre Dumas.

Une autre navette portant le nom d’un célèbre héros d’Alexandre Dumas.

Le retour à Marseille est toujours magique.

Le retour à Marseille est toujours magique.

Où manger ?

Le petit village de Port Frioul offre une multitude de boutiques et petits restaurants à tous les prix. Possibilité d’y savourer (entre autres) des loups (bars) ou des daurades royales élevées dans la ferme aquacole de l’île de Pomègues. On peut apercevoir cette ferme depuis le sentier traversant Pomègues.

Quelques restaurants sont ouverts sur l’île.

Quelques restaurants sont ouverts sur l’île.

Le village du Frioul fait partie du septième arrondissement de Marseille.

Le village du Frioul fait partie du septième arrondissement de Marseille.

Une étonnante chapelle en forme de temple grec domine le village du Frioul. Elle est désaffectée.

Une étonnante chapelle en forme de temple grec domine le village du Frioul. Elle est désaffectée.

Où se baigner ?

Pour les amateurs de baignade autant que d’histoire, rien ne vaut la plage de Saint-Estève (allez sur la droite, à une demi-heure de marche du débarcadère) dans la direction de l’hôpital  Caroline. Ses eaux turquoise abritent un sentier sous-marin pour découvrir la flore et la faune. Plage surveillée l’été avec douche, sanitaire et buvette. On peut aussi s’y rendre en prenant un petit train. Il y a aussi une multitude petites criques sauvages facilement accessibles à pied.

Photos : Frédéric Cheutin – Photo d’ouverture de l’article : Contrairement aux apparences, ces croix ne signalent pas un cimetière. Ce sont les supports de la charpente d’un blockhaus jamais achevé.

A lire aussi sur le Site Dynamic Seniors : https://dynamic-seniors.eu/schleswig-holstein-en-allemagne-du-nord/

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