De l’art flamand, les amateurs français connaissent surtout les grands maîtres anciens tels Bruegel, Memling, Van Eyck, Rubens ou encore Ensor. Or il en existe de nombreux autres, non moins talentueux et de renommée internationale. Ainsi les artistes modernes de la région de la Lys auxquels nous allons rendre visite, chez eux ! 

Nous suivrons ensuite le cours de la rivière pour les retrouver à Gand et à Courtrai. Non sans faire, auparavant, quelques pas de côté tant la région abonde en créateurs. Un parcours passionnant, très loin des sentiers battus.

Matin sur la Lys par Emile Claus

Traversée de la Lys en bac, à Afsnee

Laethem-Saint-Martin, berceau des maîtres de la Lys

Ce paisible bourg fermier, Sint-Martens-Latem en flamand, n’a guère changé depuis 125 ans. Il offre toujours au regard et au pinceau, ses paysages bucoliques, ses jolies maisons et sa rivière tranquille que l’on traverse en bac et où l’on vient pêcher. Dans le premier quart du XXème siècle, il fut fréquenté par tout un groupe d’artistes. Les premiers dont le sculpteur George Minne, imprégnés de symbolisme et de mysticisme, furent attirés un peu avant 1900 par l’aubergiste Binus van den Abeele. Pour se faire payer par ces « sans le sous », ce dernier leur échangeait nourriture et pommes de terre contre des oeuvres. En 1905, Emile Claus, impressionniste à succès et familier de la Lys depuis vingt ans, attirera de nouveaux talents qui, en 1920, atteindront la centaine. Ils laissent de nombreuses traces dans ce petit coin de Flandre occidentale.

Sculpture contemporaine à Laethem-Saint-Martin

Pêcheurs au bord de la Lys (Laethem-Saint-Martin)

Maison typique (Laethem-Saint-Martin)

Autre maison typique (Laethem-Saint-Martin)

L’église Sint-Martinus, mémoire des artistes du village

A la fois coquette et sobre, toute en pierre calcaire, l’église de Laethem-Saint-Martin, largement remaniée à conservé sa sobriété romane. Elle accueille le visiteur sur des notes de piano et est au diapason des artistes du village. On y admire un splendide autel sculpté du XVe siècle et une chaire XVIIIe. Puis c’est un Christ bénissant à la sobriété caractéristique de Georges Minne. Aux antipodes : celui dessiné par Albert Servaes, amaigri et souffrant, au comble de l’expressionnisme. Toute en hauteur et sublime, une Vierge remettant le rosaire à saint Dominique jette ses feux. Elle a été peinte par Gustave van de Woestyne en 1900 dans un style épuré, inspiré des primitifs italiens. 

L’église Sint-Martinus (Laethem-Saint-Martin)

Intérieur de l’église. A droite, Christ bénissant de George Minne

Vierge remettant le rosaire à saint Dominique par Gustave van de Woestyne. A droite, dessin du Christ par Albert Servaes

Deurle et son étonnant musée Dhont-Dhaenens

Cinq minutes de voiture et nous voici à Deurle avec son musée aux plafonds en verrières. Le seul en Belgique à s’éclairer sans lumière artificielle. Sa collection permanente comporte nombre d’oeuvres de l’ « Ecole » de la Lys, à partir desquelles sont élaborées des expositions temporaires. Ainsi « Souvenir d’un été » qui, jusqu’au 17 août, développe le thème de l’art, de l’amitié et de l’innovation chez ceux arrivés dans les années 20, souvent regroupés sous le terme d’expressionnistes. Souvenir d’un dimanche d’Edgar Tytgat, par exemple, nous invite à une réception dans la villa du galeriste Paul Gustav van Hecke dont la femme, ailleurs dans le musée, est portraiturée par Léon de Smet. Tous les « pinturlureurs » de la Lys sont présents avec un intrus : Chagall ! Mi-septembre, une nouvelle exposition ouvrira, entièrement consacrée au sculpteur George Minne, le fils prodigue.

Merveille après merveille…

Derrière le musée, un pavillon spécial est consacré à la Chambre des Merveilles du contemporain Hans Op de Beeck. Une impressionnante installation immersive, sorte de bibliothèque factice ou vanité géante qui nous plonge dans le noir pour mieux apprécier les tableaux que composent livres, objets, squelettes et corps moulés dans l’argile. L’effet est saisissant. Montez sur la mezzanine, vous êtes au paradis avec un lit et une fenêtre donnant sur… la Lys !
https://museumdd.be/fr
https://museumdd.be/fr/locations/la-wunderkammer

Le musée Dhont-Dhaenens

Souvenir d’un dimanche d’Edgar Tytgat (1926). A droite, Dimanche après-midi par Frits Van des Berghe (1924)

Suzanne et les Vieillards par Floris Jespers (1927) à gauche. Portrait de Madame Van Hecke par Leon de Smet (1920)

A gauche, Chambre des Merveilles d’Hans Op de Beeck. Photo de droite, un détail.

Le musée de Deinze et du Pays de la Lys

Une dizaine de kilomètres et nous voici dans la ville de Deinze pour y découvrir son musée exclusivement consacré aux artistes locaux. Réalisme, impressionnisme, symbolisme, expressionnisme, surréalisme, abstraction… Le choix est vaste. Et dans ces salles spacieuses, chacun trouvera oeuvre à son goût. On remarque particulièrement l’impressionniste-luministe Emile Claus et sa représentation très sensible de la vie quotidienne : La Récolte des betteraves, Vaches traversant la Lys, les Communiantes… Dans un autre style, Gustave van de Woestyne surprend par son style synthétique, presque caricatural, notamment pour ses portraits.
https://www.mudel.be/en 

Musée de Deinze et du Pays de la Lys

Récolte des betteraves d’Emile Claus (1890), le plus grand tableau de Flandre

Les communiantes d’Emile Claus (1893)

Vaches traversant La Lys par Emile Claus (1897-99)

Famille de paysans par Gustave van de Woestyne (1912)

Au bonheur des maisons d’artistes…

Au Pays de la Lys on peint. Mais on cultive aussi l’art d’habiter ! Quelques jolies demeures en témoignent. A Deinz (avenue Emile Claus, section Astene), on admirera extérieurement deux créations d’Henry Van de Velde : la clinique du docteur Martens construite en 1932 en brique apparente, avec un toit plat et des murs courbes. Et juste en face, la villa Landing, blanche et sobre, d’un contraste volontairement saisissant avec la première. Intéressante aussi, la maison Rayon de soleil que louait le peintre Emile Claus (au n°101). Une sculpture de son élève et maîtresse Jenny Montigny, réalisée par George Minne, y trône au beau milieu de la pelouse, au dessus de sa tombe transférée là par sa veuve lasse de voir la demoiselle déposer quotidiennement au cimetière des fleurs auprès de son cher défunt… 

Petites et grandes histoires…

A Laethem-Saint-Martin, le petit musée Gevaert-Minne, qui conserve quelques jolies toiles des maîtres de la Lys, loge dans la maison que le peintre Edgar Gevaert, gendre de George Minne, construisit de ses mains dans les années 20. Avec son style cottage, elle rappelle le pays de Galle où il rencontra sa femme !

Enfin signalons la maison Van Wassenhove. Chef-d’oeuvre brutaliste créé par Juliaan Lampens dans les année 70, elle marie élégamment le béton au bois et au verre. « La nature est mon premier client et mon dernier collaborateur » disait-il. Une sublime radicalité qui fait battre le coeur !(renseignements au musée Dhont-Dhaenens).
https://museumdd.be/fr/locations/woning-van-wassenhove 

Deux maisons construites par Henry Van de Velde

La villa Rayon de soleil louée par Emile Claus (Deinz)

Intérieur de la maison Wassenhove de Juliaan Lampens (Laethem-Saint-Martin)

Retrouver les maîtres de la Lys, à Gand !

Et si on jouait les prolongations ? Suivons la Lys un peu vers l’Est jusqu’à Gand. Cette magnifique ville ne se visite pas en un jour. Mais nous y avons trouvé trace de nos joyeux lurons. Tout simplement au musée des Beaux-arts, le MSK Gent qui, entre mille chef-d’oeuvre flamands de toutes les époques, leur consacre plusieurs salles. Le jeu de piste commence… Ici, c’est un sublime Intérieur (avec amoureux) de Léon de Smet. Là, un étrange Fumeur de Constant Permeke. Plus loin, des perles de Gustave Van de Woestyne ou Frits Van den Berghe, d’un expressionnisme vibrant. Et puis deux petits nouveaux dont on n’avait pas encore entendu parler : Hubert Malfait qui signe un superbe Autoportrait. Et Anna de Weert (enfin une femme !) dont le splendide Atelier en juin entouré de fleurs bleues, nous fera longtemps rêver.

Une galerie circulaire du MSK Gent

Intérieur ou Les Amoureux par Leon de Smet (1911). A droite, Autoportrait d’Hubert Malfait (1928)

La Bonne Maison de Gustave de Smet (1926)

Fugue par Gustave Van de Woestyne (1925). A droite, L’Idiot devant l’étang par Frits Van den Berghe (1926)

A noter

Vous ne pourrez quitter Gand sans passer voir l’Adoration de l’Agneau Mystique dans la cathédrale Saint-Bavon. Ce polyptyque de Hubert et Jan Van Eyck (XVe siècle) est un des plus beaux témoignages du génie des anciens flamands (parcours 3D obligatoire sur réservation). Génie présent aussi dans toutes les églises et confronté, selon une audace bien belge, à des créations ultra-contemporaines.
https://www.mskgent.be/fr
https://www.sintbaafskathedraal.be/fr/  

Courtrai et son Abby neuf…

De l’art contemporain ? En voici justement dans ce nouveau musée qui s’y consacre exclusivement. Son exposition inaugurale « F**klore, Reinventing tradition » (Folklore, Réinventer la tradition, jusqu’au 14 septembre) revisite avec sérieux mais non sans beauté ni humour, les arts, artisanats et usages traditionnels et leur sens dans une société entièrement globalisée et connectée. Dans ce jeu entre passé et présent, les maîtres du Pays de la Lys n’ont pas été oubliés. Ainsi un paysage de Constant Permeke dans la vitrine de la grande installation Living. Ou encore la tapisserie La Baraque ou Les huit dames d’Edgar Tytgat, entourées d’oeuvres récentes sur le thème du jeu de cartes. Un lieu stimulant dont même le café, entièrement rouge, expose sur son bar les fromages et charcuteries en marbre hyperréalistes de Laurent Geers, un ancien pâtissier devenu sculpteur !

Le musée Abby (Courtrai)

Salle du musée Abby (Courtrai)

Huit Dames et La Baraque (tapisserie) par Edgar Tytgat réalisées respectivement en 1940 et 1923

Basiawen ando karti (2014) par Malgorzata Mirga-Tas, artiste et activiste romnée en Pologne. A droite, Ombre par Delphine Somers (2022)

Plus d’infos sur la région de la Lys

Comment s’y rendre

En train De Paris Gare du Nord à Gand (2h) puis louer une voiture (quelques kilomètres seulement pour rejoindre Laethem-Saint-Martin). De Lille: 50 minutes en voiture.
https://www.sncf-connect.com/ 

Se loger

Hotel Torenhof, à Laethem-Saint-Martin
Dans l’ancienne demeure du peintre Albert Servaes. Beaucoup d’atmosphère, meubles sombres, tableaux anciens sur les murs (dont ceux du maître). En pleine nature.
https://torenhof.be/ 

Hotel de Flandre****, à Gand
Très joli hôtel-boutique dans une vieille demeure du XVIIIe siècle. Près du centre mais au calme. Excellent buffet de petit déjeuner.
https://www.hoteldeflandre.be/fr/p/accueil 

Chambre de l’Hôtel de Flandre (Gand). A droite, l’hôtel Torenhof (Laethem-Saint-Martin)

Se restaurer 

D’Oude Schuur, à Laethem-Saint-Martin
Très proche de l’hôtel, une excellente table dans une atmosphère raffinée. Homard, ris de veau, croquettes typiques du pays…
https://www.oudeschuur.be/nl 

Vue nocturne d’Oude Schuur. A droite, assiette de homard (D’Oude Schuur)

D’Ouwe Hoeve, à Deurle
Brasserie traditionnelle dans un très joli cadre avec terrasse. Soles meunières, asperges à la flamande ou tapas à partager.
https://menu.douwehoeve.be/ 

Frituur Tartaar, à Gand
Un des ambassadeurs du goût du collectif culinaire Goesting. Une adresse populaire, pour manger rapidement burgers, falafels, fricadelles et surtout, des frites !
https://www.visitflanders.com/fr/goesting/sven-evelyn-de-ville 

La brasserie D’Ouwe Hoeve. A droite, boulettes et frites (Frituur Tartaar)

Restaurant RAAF, à Gand
Table branchée et ultra-inventive qui se mérite (à 20 minutes du centre). Menu imposé de cinq petits plats selon l’humeur du chef. Gnocchi aux champignons et crabe de rivage, canard avec asperge et menthe. Glace au levain, pommes, graines de lin et vin rouge. On adore !
https://www.raafgent.be/ 

Plein Twaalf, à Courtrai
Charmante maison d’un ancien torréfacteur avec ses moulures et ses cheminées où l’on se sent chez soi. Plats copieux et gourmands (scampi fritti, pâtisseries maison…)
https://www.pleintwaalf.be/ 

La sympathique salle du Plein Twaalf (Courtrai). A droite, roussette, petits pois et jus fruits de mer (RAAF à Gand)

Un splendide décor de Gustave de Smet (1898) dans le restaurant gastronomique Nenuphar, à Afsnee. Il le réalisa pour financer son mariage !

Pour tous les renseignements

Office de tourisme de Flandre
https://www.visitflanders.com/fr 

Région de la Lys
https://www.toerisme-leiestreek.be/fr
https://www.tourisme-flandrelys.fr/ 

Office de tourisme de Gand
https://visit.gent.be/fr 

Office de tourisme de Courtrai
https://www.visitkortrijk.be/nl

Photos : Valérie Collet

En photo d’ouverture, les bords de Lys à Laethem-Saint-Martin

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