Etre aussi belle qu’une japonaise… C’est un peu le défi que nous lance cette passionnante exposition de la Maison de la culture du Japon, à Paris. Cent cinquante estampes et une soixantaine d’objets y illustrent pour plusieurs mois, l’art de paraître et de s’apprêter chez les anciens nippons, à l’époque Edo. Chaque secret de beauté vaut d’être découvert.
Cette période qui court de 1603 à 1868 marque une ère de paix et de prospérité au Japon. La bourgeoisie se développe et avec elle, les arts et un certain raffinement de la vie quotidienne. Le maquillage des femmes évolue. De même leurs coiffures et les canons de beauté. Toutes choses éminemment culturelles qui peuvent nous surprendre aujourd’hui.
Le maquillage traditionnel
Beaucoup plus « basique » qu’aujourd’hui, il repose sur trois couleurs : le blanc, le noir et le rouge. Et surtout, comporte certaines règles à respecter selon son âge, sa catégorie sociale ou son lieu de vie. Un secret de beauté pour chaque partie de la tête et de la face.
Secret de beauté n°1 : se nettoyer le visage
Avant toute chose, il faut une peau propre ! Pour cela les japonaises utilisaient le nuka, un petit sachet contenant du son de riz. Elles le trempaient dans de l’eau chaude. Et hydrataient ainsi leur peau grâce aux lipides et vitamines qu’il contenait. Ce petit accessoire était renouvelé régulièrement et s’achetait dans les bains publics. Autres accessoires de la toilette : l’alambic qui servait à faire des lotions à base de fleurs. Et la brosse à dent faite à partir d’un bâtonnet de bambou ou de saule effiloché.
Un teint blanc comme une fleur de cerisier
C’est le plus important pour la beauté japonaise. Aujourd’hui, on se protège du soleil. A l’époque on s’enduisait le visage, le cou et le décolleté d’une poudre blanche mêlée à de l’eau. Le plus souvent, celle-ci était à base de blanc de plomb ou de céruse (très toxiques). Après s’être enduites de lotion puis d’huile parfumée, les femmes l’appliquaient au doigt ou au pinceau. En suivant les conseils du Manuel de manières et de maquillage, la Bible des secrets de beauté pour les japonaises. « Pour ne pas ressembler à un bouddha de pierre » et pour donner du modelé au visage, il fallait avoir un certain coup de main !
Noir c’est noir…
La coutume nommée ohaguro qui existe depuis les temps les plus anciens, consiste à se teindre les dent en noir. Véritable rite de passage, elle se pratique lors du mariage pour marquer sa fidélité à son mari. Les courtisanes l’honorent aussi pour montrer leur fidélité envers leurs clients. Chaque matin, ces dames (au cœur bien accroché) se passaient sur les dents une lotion faite de vinaigre, de saké, d’eau de rinçage du riz, de clous cassés et de poudre de noix de galle séchée provenant de pucerons infestant les sumacs… Une mixture qui, pensait-on, protégeait aussi des caries et des maladies parodontales.
A savoir :
Le noir servait aussi aux jeunes filles à dessiner leurs sourcils. Une fois mariées, en revanche, elles devaient se les raser. Parfois, devenues plus âgées, elles pouvaient se les redessiner comme deux petits accents, tout en haut du front.
La mode du sasairo beni ou « rouge couleur de bambou »
Elle surgit à la fin de l’époque Edo, au XIXe siècle. Et concerne un fard rouge extrait de la fleur de carthame des teinturiers. On l’appliquait au coin des yeux. Sur les joues. Et surtout sur les lèvres, en particulier celles du bas où plusieurs couches superposées donnaient une couleur vert brillant, semblable à la carapace d’un coléoptère. Produit très onéreux, il était surtout utilisé par les riches courtisanes qui arboraient ainsi une bouche bicolore !
Secret de beauté n°2 : se coiffer
L’époque Edo marque une révolution dans ce domaine. A partir du XVIe siècle, le chignon s’impose. Alors que jusque là, les femmes portaient les cheveux longs et détachés. Celui-ci s’inspire de la coiffure des hommes dans le théâtre Kabuki et des coiffures de certaines chinoises. Les techniques pour le réaliser diffèrent et se comptent par centaines. Chaque type répondant à des règles strictes concernant l’âge, le statut matrimonial, le rang social et la région. Les japonaises qui ne portaient ni collier, ni bague, ni boucle d’oreille lui ajoutent toutes sortes d’ornements : peignes, piques, épingle en or, argent, ivoire, écaille ou nacre. Le « fin du fin » étant de porter ces épingles à petites médailles qui tintinnabulaient quand on marchait !
Quand l’habit fait le moine…
La société de l’époque Edo est très hiérarchisée et repose sur un système de classe. Maquillage, coiffure et vêtements ne sont pas seulement des signes d’élégance. Ils sont des marqueurs sociaux. En fait, on ne suit pas la mode tout à fait comme on veut. Les femmes de très haut rang (aristocratie impériale, noblesse guerrière) portent des toilettes formelles, conformes à l’étiquette de leur rang. Les femmes de milieux plus populaires (marchands et artisans) ont, elles, plus de liberté. Les reines de l’élégance demeurant les grandes courtisanes aux tenues et coiffures somptueuses. Un peu les « influenceuses d’aujourd’hui »… Quant aux jeunes mariées, leur tenue blanche montrent qu’elles adopteront désormais les couleurs de la famille de leur époux.
Les cent beautés d’Edo
L’exposition se termine sur une splendide avalanche d’estampes. Parmi elles, les Cent belles femmes et sites célèbres d’Edo d’Utagawa Toyokuni III qui mettent en parallèle beauté féminine et beauté patrimoniale. Ou encore la série du Gynécée du château de Chiyoda réalisée par Yôshû Chikanobu, un ancien guerrier reconverti en peintre. Celle-ci montre une stylisation très particulière et une palette très vive. Documentation précieuse sur la « cour » du shôgun et les secrets de beauté qui l’entourent, elle est un régal pour les yeux.
Infos pratiques
« Secrets de beauté, maquillages et coiffures de l’époque Edo dans les estampes japonaises », exposition jusqu’au 6 mars 2021
Maison de la culture du Japon
101 bis quai Branly
75015 Paris
Tél. : 01 44 37 96 00/01
Ouverte du mardi au samedi de 12h à 20h (sauf jours fériés)
Réservation en ligne obligatoire
Copyright : POLA Research Institute of Beauty and Culture sauf l’image du manuel de maquillage et la dernière photo (©Valérie Collet)
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