Elle est née à Bourges en 1841, sous la monarchie de juillet, dans une famille doublement « bourgeoise. » Comme toutes les jeunes filles bien nées, Berthe et ses sœurs se voient donner des leçons de piano et de peinture. C’est cette dernière activité qui intéresse surtout la jeune Berthe. Elle se passionne pour la peinture légère du XVIIIe siècle, pourtant décriée au XIXè s. L’impressionnisme au féminin est né.
Inévitable retour des choses, le Second Empire ne ressemble pas au premier, du moins dans ses choix picturaux. Une légende invérifiable fait des filles Morisot les arrières petites nièces de Fragonard. Que David et les néo-classiques avaient relégué aux oubliettes et voué à la ringardise. « Se non é vero… »… cette parenté virtuelle s’avère une réelle parenté artistique qui se retrouve dans la peinture de Berthe. Sa touche enlevée, la légèreté des sujets, sa palette claire tranchent avec les habituels fonds bruns de la peinture classique.
L’Impressionnisme et l’art du portrait
Berthe Morisot renoue aussi avec l’art du portrait au pastel illustré au XVIIIe s par Quentin de la Tour et Rosalba Carriera. Elle se sent totalement en phase avec la douceur de vivre, et la liberté de peindre d’avant l’académisme imposé par David après 1789. C’est contre ce néo-classicisme ennuyeux, cautionné bien sûr par Napoléon que s’élèvent l’impressionnisme vers 1870. On sait que le terme provient d’un commentaire ironique d’un critique du Figaro à propos du tableau de Monet « Impression Soleil levant« . Il sera ensuite « récupéré » et même revendiqué par les intéressés. Ces contestataires, en envoyant balader les vieilles règles de l’Académie, dérangent bien sûr les tenants de l’institution. Éternel retour des choses et nouvel avatar de la vieille Querelle des Anciens et des Modernes.
De Fragonard à l’impressionnisme
Les impressionnistes réhabilitent les artiste légers du XVIIIe, que les vertueux robespierristes qualifiaient de « peinture décadente ». Telles les jambes en l’air de l’Escarpolette et les fesses rebondies de Marie-Louise O’Murphy signées respectivement Fragonard et Boucher. La sage Berthe qui ne va quand même pas jusque-là ! Elle apprécie aussi Watteau, Quentin de la Tour, Élisabeth Vigée-Lebrun. Surtout quand cette dernière se représente avec sa fille nommée Julie, comme la sienne. Le XVIIIe est dans l’air du temps sous Napoléon III, encouragé par l’admiration que voue l’impératrice à Marie-Antoinette. En 1870 le legs du médecin Lacaze amène sur les cimaises du Louvre près de 300 toiles de Watteau, Boucher, Fragonard, Greuze, Nattier… et autres stars de cette « peinture décadente » que les amateurs chinaient à bon prix sur les marchés aux puces. C’est là que Berthe les découvre, les copie et s’en inspire.
L’art de peindre en famille
C’est là aussi qu’elle fait la connaissance d’Édouard Manet dont elle épouse le frère Eugène en 1874. Berthe se trouve donc à bonne école au cœur de la nouvelle tendance qui commence à s’imposer. Les expositions se succèdent, diversement appréciées par la critique. En avril 1880 la vente aux enchères de la collection du physicien Walferdin crée l’événement. Elle amène à Drouot la Leçon de Musique de Fragonard (acquise par le Louvre), et autres Boucher, Greuze, Watteau… Qui font le bonheur des nombreux amateurs…et des héritiers car les prix commencent à monter et on ne parle plus de décadents… En 1885, l’exposition, Galerie Georges Petit de la Société des Pastellistes Français fait une large place aux artistes du XVIIIe s. Dont un certain nombre des femmes comme Rosalba Carriera Adélaïde Labille-Guiard, Élisabeth Vigée-Lebrun.
Quant aux impressionnistes…
… ils finissent aussi par s’imposer. Et par entrer dans les collections nationales en 1894 avec le legs Caillebotte (bien qu’en partie refusé !). Une quarantaine de toiles – excusez du peu !- de Monet, Degas, Manet, Renoir et les autres… aujourd’hui au Musée d’Orsay. Quand Berthe disparaît en 1895, la nouvelle école picturale ne suscite plus l’ironie des critiques, ni le refus des organisateurs du Salon. Aucune réticence non plus vis-à-vis d’une femme artiste. On peut aussi se fier au jugement de Renoir, son exact contemporain. Il se félicite .. de voir apparaître, dans notre âge de réalisme, un peintre si imprégné de la grâce et de la finesse du XVIIIe s.…. Ce quelque chose de virginal que Madame Morisot avait à un si haut degré dans toute sa peinture. Quel meilleur compliment d’un artiste à une autre ? Renoir vouait il est vrai aux artistes légers du XVIIIe la même admiration que Berthe.
Informations pratiques
Berthe Morisot et l’Art du XVIIIe siècle
Musée Marmottan-Monet
2, rue Louis Boilly – 75016 Paris (métro La Muette)
Jusqu’au 31 mars 2024
Ouvert chaque jour sauf lundi, 10h18h, 10h-21h le jeudi
Fermé le 25 décembre et 1er janvier
Tarifs
Entrée – 14,50€
TR – 10€
Réservation conseillée : Tel. 01 44 96 50 83
reservation@marmottan.com
https://www.carnavalet.paris.fr
Photo d’ouverture : L’Hôtel Marmottan construit à la fin du XIXe en bordure du Bois de Boulogne©Musée Marmottan-Monet
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