Soixante soignants, invités par le Yacht-Club de la Baule, ont participé à des régates sur des yachts classiques. C’est une première pour le club qui a dû annuler la 18e édition des “Voile de légende” en raison du Covid-19. Parmi les bateaux invités, des voiliers « historiques » dont quatre Pen Duick… Bien évidement, le voilier de légende 1 536 d’Eric Tabarly faisait partie de la régate.
1 536. Ce numéro de voile semble banal. C’est pourtant celui d’un bateau qui mériterait de porter le n° 1. Il l’est, en tout cas pour moi. Pendant une journée je ne l’ai presque pas quitté des yeux. Et il y avait de la concurrence. Une trentaine de Yachts classiques et de tradition, venus à La Baule pour rendre hommage aux soignants. Ce numéro 1536, est celui que porte Pen Duick (qui veut dire “Tête Noire”). Le voilier qu’Éric Tabarly racheta à son père à l’âge de 21 ans.
Le voilier d’Éric Tabarly
Ce bateau, dessiné par William Fife III, a été construit en 1898 en Irlande. Il a porté plusieurs noms, eu plusieurs propriétaires. Éric Tabarly en était le quinzième. C’était en 1952. Au fil des années, des navigations et des courses, le navigateur a transformé son bateau. S’il ne le faisait pas, Pen Duick ne pourrait pas survivre. La coque se dégradait et condamnait le bateau. Éric Tabarly décidait alors de la plastifier. Quelques années plus tard il fallait sauver le pont et consolider les superstructures. Pen Duick se transformait petit à petit pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Un merveilleux voilier taillé pour l’Océan. L’élégance au pur sens du terme.
Un patrimoine maritime exceptionnel
En juin 1989, Pen Duick n’a jamais été aussi beau. Éric Tabarly prend la direction de l’Écosse pour une fête donnée en l’honneur de William Fife. De nombreux Yachts du début du siècle créés par l’architecte seront également présents. Ce sera malheureusement le dernier voyage d’Éric Tabarly. Dans la nuit du 12 au 13 juin, au large de la mer d’Irlande, il tombe à l’eau au cours d’une manœuvre. L’équipage ne retrouve pas son maître et termine le voyage sans lui. Le corps d’Éric Tabarly sera repêché 35 jours plus tard.
Pen Duick a été confié à l’association Éric Tabarly qui l’entretient. Il participe à des régates et des rassemblements « de la belle plaisance ». Il navigue régulièrement aux côtés de ses frères, les Pen Duick II, III, V et VI, qui font partie du patrimoine maritime exceptionnel laissé par Éric Tabarly. Le Pen Duick IV, rebaptisé Manureva par Alain Colas, a disparu en mer le 16 novembre 1978 sur la Route du Rhum.
Une régate hommage au personnel soignant
Chaque année les Pen Duick participent à une épreuve reine de la Baie de La Baule : les Voiles de légende. Cette année, la 18e édition de l’évènement a dû être annulée pour cause de Covid-19. L’idée est venue aux organisateurs du Yacht-Club de La Baule de transformer l’épreuve en un hommage au personnel soignant. Du 5 au 9 août, une soixantaine d’infirmières, médecins, aides-soignantes, brancardiers, pompiers… ont été invités à participer à cette opération. Pendant quatre jours, chacun à leur tour, ils ont embarqué sur les voiliers. Certains ont même pu jouer les équipiers lors des rallyes au large de La Baule et de la Côte sauvage.
Au cœur de la régate
Samedi 8 août 9 h 30. Je monte à bord d’un Zodiac pour suivre la régate. La marée est haute et les voiliers peuvent sortir du port du Pouliguen-La Baule. Nous sommes dans une des plus belles baies du monde. Chaque voilier compte à son bord un ou plusieurs soignants, heureux de découvrir la navigation à bord d’un voilier classique. Pour beaucoup c’est une première. Le temps est clément. Il fait très beau… mais le vent se fait attendre. On attend la brise pour prendre le large. Les grandes voiles ne sont pas trop sollicitées… Certains bateaux sortent le spi, cette grande voile située à l’avant du voilier. Mais rien à faire. Le spi s’effondre et tombe, sans souffle. Les skippers et équipiers en profitent pour expliquer aux soignants comment fonctionne un voilier. Les voiles, les termes, les gestes indispensables.
C’est parti !
Une information circule, un message reçu par les VHF, les radios marines. « La course est annulée, retour au port » Déception. Heureusement, c’est une autre course qui est annulée, au départ du port voisin de Pornichet. Erreur d’ondes. Les organisateurs du yacht-Club de La Baule répètent que le vent va arriver et que la course va pouvoir partir. C’est imminent. Les bateaux se mettent en place. Une corne de brume se met à résonner… C’est parti ! Les voiliers vont se mesurer dans une régate d’une douzaine de milles. Ils doivent d’abord contourner la balise de la Banche, à 7-8 milles de la côte. Puis se diriger vers la côte sauvage, au large de La Turballe – Le Croisic et revenir vers La Baule. Le vent n’est pas très fort et les voiliers avancent lentement.
Deux monuments en tête
Deux yachts filent vers le large. Aile VI, un superbe voilier de course, construit en 1927. Il est inscrit au titre des Monuments historique. Et oui, même les bateaux ! Ils font partie de notre patrimoine et il est important de les préserver et les valoriser. Ce voilier a remporté les Jeux Olympiques d’Amsterdam, en 1928, sous la conduite de Virginie Hériot, célèbre navigatrice. Il est aujourd’hui basé à Noirmoitier. Aile VI a pris la tête de la régate. Derrière, l’équipage de Pen Duick III s’active pour tenter de le rejoindre. Avec ses deux voiles il a de beaux atouts. Construit en 1967 pour Éric Tabarly à Lorient, il possède une coque en aluminium et mesure plus de 17 mètres. Ce voilier a remporté de nombreuses courses. Il a participé notamment à la Route du Rhum en 1978 (Philippe Poupon), au Vendée Globe en 1989 (Jean-François Coste).
Passage de la balise de “La Banche”
Tous deux passent en tête la balise de “La Banche”. Ils sont suivis par l’élégant Scaramouche, puis par Astabuhen. Dans le voilier suivant, un cofinou nommé Camaro, deux infirmières assises dans le cockpit, sourient. Elles se laissent guider par un équipage expérimenté. Camaro est un jeune voilier sportif aux allures de conquérant, avec une jolie coque rouge et des voiles grises. Il s’élance avec audace à la poursuite de monuments historiques !
Pen Duick, majestueux
Puis arrive, on le reconnaît entre mille, le favori de cœur de beaucoup d’entre nous : Pen Duick. Tranquille, il penche un peu plus que les autres bateaux. Ses voiles sont tendues et prennent le moindre souffle de vent pour avancer. L’équipage est aux manœuvres. Un soignant serait à bord, mais difficile de le reconnaître. Médecins et infirmiers n’ont pas gardé leur blouse blanche sur le cockpit…
Atalante, élégant
Attention, un Requin arrive… C’est un fin et élégant voilier à la coque bleue. Il est plus petit que ces prédécesseurs. C’est Atalante, né en 1972. Un voilier rapide qui permette à la fois de régater et de caboter le long des côtes. Ils sont trois à bord.
Pen Duick II, un illustre bateau
Les voiliers défilent et franchissent un à un la balise. On ne manque pas d’admirer Pen Duick II au passage. C’est avec ce deux mâts de 12 mètres qu’Éric Tabarly a remporté la seconde édition de la Transat anglaise (1964). Un illustre bateau conçu pour la course en solitaire. On le repère facilement avec sa coque bleu marine et son N° 14. Il est aujourd’hui un des bateaux de l’École Nationale de Voile et des Sports Nautiques de Beg Rohu.
Pen Duick V, le gagnant de la Transpacifique
Le virage est plus large pour Thalamus et sa coque émeraude. Puis le dernier des Pen Duick engagé, le 5, arrive. Il dépasse à peine 10 mètres. ce voilier a été dessiné pour Éric Tabarly en vue de la Transpacifique qu’il remporte en 1964 devant Jean-Yves Terlain. Il appartient aujourd’hui au Musée de la marine.
Angelina, d’intérêt Patrimonial
Nous admirons aussi la beauté et la grande classe d’Angelina, un « Bateau d’intérêt Patrimonial ». C’est un “cotre houari” qui, à l’origine, appartenait un célèbre peintre italien, Bruno Edel. Il a été construit en Italie par Carlo Sciarelli en 1980. Basé au Pouliguen, il participe régulièrement à des rassemblements de plaisance et des croisières amicales.
Toutes voiles dehors !
La dernière partie de la régate a déjà commencé pour les premiers bateaux. On ne peut pas se tromper, ils avancent spi grand ouvert à l’avant du bateau. Le vent arrive par-derrière et cela leur permet de naviguer plus rapidement. Le vent est un peu plus puissant qu’au départ.
Convivialité sur mer
En attendant sur notre zodiac, nous allons saluer les bénévoles qui, sur les bateaux jury surveillent la course. Nous sommes toujours bien accueillis. On sait recevoir sur la mer !
Mal de mer
Arrivé dans la baie de La Baule, un bateau de l’organisation doit s’approcher d’un des voiliers, le Neree. Quelqu’un serait malade. Une jeune femme, peut-être une des soignantes, est en fait victime du mal de mer… Et oui, tout le monde n’a pas le pied marin ! Elle sera rapidement raccompagnée au port du Pouliguen. Elle aurait dû attendre encore deux heures au large à cause de la marée basse… Les voiliers, avec leur longue quille, ont plus de contraintes que les petits bateaux à moteur. Soulagée !
Un tour d’honneur
Ce jour là la température était particulièrement chaude et les vacanciers nombreux sur la plage de La Baule. La course terminée, les voiliers se sont lancé dans une parade proche de la côte. Une sorte de tour d’honneur à destination des touristes et des Baulois. Ils ont apprécié !
Le bonheur est dans la course
Notre fabuleuse journée au cœur de la course se termine. Les soignants sont heureux. Ils ont pris le large et oublié les terribles moments dû au Covid-19. En espérant qu’une seconde vague ne viendra pas ternir l’avenir. Certains ont eu la chance de monter sur un des quatre Pen Duick et ont eu de l’émotion en prime. Celle de naviguer dans le bateau de celui qui a tellement contribué à la légende de la course au large. Éric Tabarly n’était pas loin dans les pensées.
Infos +
– Yacht-Club de La Baule : www.yclb.net
– Association Éric Tabarly : www.asso-eric-tabarly.org
Merci à Jean-Claude Driancourt, président des Derby de La Baule, et à Mika, du Yacht-Club de La baule, qui a su trouver les meilleurs angles de prise de vue sur son bateau semi-rigide. Plus de 2000 images prises lors de cette journée…
© Reportage et photos Caroline Paux
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