Eugène de Beauharnais le prince modèle

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Eugène de Beauharnais le prince modèle

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Fils exemplaire, mari fidèle, père affectueux, on cherche en vain un vilain travers au fils d’Alexandre et Joséphine de Beauharnais. Le prince parfait, bon général aussi, le fils adoptif de Napoléon n’a jamais trahi personne. Il est vrai que, vice-roi d’Italie, il vit à Milan, loin de la cour des Tuileries et des coteries parisiennes. 

Avec sa jeune sœur Hortense, il voue une indéfectible reconnaissance à l’Homme qui les a élevés, au double sens du terme. Tous ne peuvent pas en dire autant dans cette époque de révolutions et de retournements de veste.

Beauharnais -François Gérard, le prince Eugène, hst, c.1802-1804Plus ph. Fr. Doury J-B Isabey, Joséphine de Beauharnais, crayon aquarellé, 1798

François Gérard, le prince Eugène, hst, c.1802-1804 ©Hôtel de Beauharnais, ph. Fr. Doury J-B Isabey, Joséphine de Beauharnais, crayon aquarellé, 1798 ©Rmn Grand Palais, ph.Franck Raux

Beauharnais le père

Après la séparation de ses parents, Eugène est confié à son père. Député de la noblesse aux États généraux, puis à la Constituante, le ci-devant vicomte de Beauharnais se rallie à la Révolution. Il commande même en chef l’armée du Rhin en 1793 et y fait venir son fils de 11 ans ! Mais soupçonné de trahison sans la moindre preuve, l’ex-noble est guillotiné en 1794 quelques jours avant Robespierre. Joséphine, elle-même sortie de prison, récupère son fils et le met en pension à Paris. Un semblant de vie normale pour un adolescent de 14 ans. Selon la légende, Eugène serait à l’origine de la rencontre entre sa mère et Bonaparte. Après l’insurrection du 13 vendémiaire les armes des Parisiens sont confisquées. L’adolescent vient demander au général, auteur de la répression, de récupérer le sabre de son père. Bonaparte rapporte lui-même l’arme à la « veuve Beauharnais ». On connaît la suite.

accolés – François Gérard, le vice roi et la vice reine, hst c. 1810-1811, Stockholm ©Royal Court, Sweden, ph Hans Thorwid

accolés – François Gérard, le vice roi et la vice reine, hst c. 1810-1811, Stockholm ©Royal Court, Sweden, ph Hans Thorwid

Beauharnais le fils

Le jeune homme est adopté par Napoléon devenu l’époux de sa mère, qui en fera un élément majeur de son système. Promu son aide de camp, il participe à 17 ans à l’expédition d’Égypte. Il reçoit le baptême du feu à la bataille des Pyramides et se bat deux ans plus tard à Marengo. En 1806 Eugène devient vice-roi d’Italie (la roi en titre étant Napoléon). Une Italie réduite au duché de Milan, plaine du Pô, Venise et alentour. Eugène administre son vice-royaume « en bon père de famille » à tous les sens du terme. Il a épousé en 1806 la princesse Augusta-Amélie de Bavière qu’il n’a rencontrée que l’avant-veille. Normal pour un mariage diplomatique. La fiancée est ravissante, le prince plutôt bien de sa personne, ils se sont plu, vécurent heureux et eurent sept enfants. Le couple réside à Milan dans la villa Bonaparte loin des bisbilles de la cour impériale.

Marco Gozzi, Villa Bonaparte alias Villa Reale, Monza, hst ©Belvedere, Vienne

Marco Gozzi, Villa Bonaparte alias Villa Reale, Monza, hst ©Belvedere, Vienne

De la cour à l’Armée

Eugène n’en poursuit pas moins sa carrière militaire. Il participe aux campagnes de 1805 à 1809… sur le front italien. Il commande l’armée d’Italie en 1812 lors de la campagne de Russie, à l’égal d’un maréchal. Moins flamboyant qu’un Ney ou un Murat, il montre le même courage. Son comportement est héroïque à l’arrière garde lors de la désastreuse retraite où l’armée d’Italie est complétement anéantie. La chute de l’Empire en 1814 entraîne la fin du royaume d’Italie. Eugène trouve refuge en Bavière, dans sa belle famille qui l’apprécie. Il ne se manifeste pas lors des Cent Jours et ne prend donc pas part à la bataille de Waterloo le 18 juin 1815. L’ex-vice-roi d’Italie s’éteint prématurément en 1824 au château de Leuchtenberg dont il porte le titre. Et non à la Malmaison dont il a pourtant hérité, virtuellement, à la mort de Joséphine en mai 1814.

 Pendule en bronze doré montrant Eugène lors de la campagne de Russie, ©Rmn Grand Palais, ph.Franck Raux - Uniforme de petite tenue, drap bleu brodé d'or ©Rmn Grand Palais, ph.Daniel Arnaudet

Pendule en bronze doré montrant Eugène lors de la campagne de Russie, ©Rmn Grand Palais, ph.Franck Raux – Uniforme de petite tenue, drap bleu brodé d’or ©Rmn Grand Palais, ph.Daniel Arnaudet

Après l’Empire

1814 est aussi la date de l’abdication de Napoléon. Les membres de la famille devenus « personæ non gratæ » s’éparpillent à travers L’Europe. Eugène ne prendra jamais possession de la Malmaison que sa veuve revend après son décès. Plus tard son neveu Napoléon III, fils de sa sœur Hortense, rachète et remeuble la maison de sa grand-mère. Après la chute du second Empire, en 1870, la Malmaison passe en diverses mains. En 1904 son dernier propriétaire, Monsieur Osiris, la lègue restaurée et remeublée à l’État qui la transforme en Musée National. Le manoir de Bois-Préau suit un chemin différent mais parallèle. Avant de rejoindre la Malmaison grâce au legs de son propriétaire en 1926. Voilà donc les deux domaines à nouveau réunis, comme au temps de Joséphine. Séparés mais complémentaires, sous le label de la RMN qui complète au gré des opportunités le décor et l’ameublement.  

Beauharnais - François Nitot, paire de bracelets montre d'Auguste-Amélie, or, émeraudes, perles fines.©Chaumet ph Nils Hermann

François Nitot, paire de bracelets montre d’Auguste-Amélie, or, émeraudes, perles fines.©Chaumet ph Nils Hermann

Un héritage éparpillé

A travers ces deux résidence, l’exposition raconte la vie et la carrière de ce prince tranquille à l’ombre de l’aigle. Moins facile à organiser qu’il n’y paraît en raison de la dispersion des héritages. Eugène et son épouse ont eu cinq filles mariées à différents princes des maisons régnantes. L’aînée, Joséphine, devenue reine de Suède, est l’ancêtre directe du roi actuel. Une grande partie des œuvres exposées proviennent donc de la cour et des musées de Stockholm. Beaucoup viennent aussi de Malmaison et de l’ambassade d’Allemagne, ex-Hôtel de Beauharnais, demeure parisienne d’Eugène. D’autres musées napoléoniens de France et d’ailleurs ont été mis à contribution. Les châteaux de Leuchtenberg dont Eugène porte le titre après 1814 où il meurt en 1824, et d’Arenenberg, dernière résidence d’Hortense. Et bien sûr la villa Reale et la pinacothèque de Milan où il régna de 1806 à 1814.

Beauharnais- Giuseppe Mazzola, les trois premiers enfants en angelots, hsp 1812©Napoleonmuseum Arenenberg

Giuseppe Mazzola, les trois premiers enfants en angelots, hsp 1812©Napoleonmuseum Arenenberg

Galerie de portraits

L’époque napoléonienne est l’âge d’or du portrait. On voit à travers eux évoluer les visages des protagonistes de cette aventure hors norme. Un tableau de François Gérard, le grand maître du genre, montre en 1802 le jeune officier d’une vingtaine d’années, joli visage orné d’une petite moustache que sa sœur Hortense juge « si ressemblant ».  Quelques années plus tard, c’est encore Gérard qui se charge des portraits officiels grandeur nature du vice-roi et de son épouse. Eugène a un peu vieilli, pris du sérieux et perdu quelques cheveux. Il porte son grand uniforme de général, en drap bleu brodé d’or, identique à celui des maréchaux. Les enfants ne sont pas oubliés, au nombre de trois, cinq… on les voit grandir et évoluer de l’enfance à l’adolescence. Sur sept naissance, seuls deux ne survivront pas. une proportion normale à l’époque.

Commode à décor de papillons de nuit et fauteuil bois doré monogrammé par Luigi Zuccoli. © Rmn Grand Palais, ph.Simon Lerat

Commode à décor de papillons de nuit et fauteuil bois doré monogrammé par Luigi Zuccoli.
© Rmn Grand Palais, ph.Simon Lerat

Le prince dans ses meubles 

La Malmaison, comme l’Hôtel de Beauharnais conservent un certain nombre de meubles permettant de d’évoquer le cadre de vie de la famille. En acajou pour la plupart, le bois préféré des ébénistes de l’Empire. Commodes et fauteuils d’une majesté impériale, voisinent avec une gracieuse barcelonnette. Celle de Joséphine, l’aînée du couple offerte à sa naissance par la ville de Milan. Parmi les souvenirs personnels figurent l’extrait de baptême d’Eugène, son sabre et son uniforme de général. On voit aussi la paire de bracelets montres appartenant à la vice-reine. Une nouveauté à l’époque, l’une donne l’heure, l’autre le calendrier. Comme sa sœur Hortense, Eugène avait le goût de la musique et un certain talent de dessinateur. En témoignent quelques dessins de sa main, et des livrets de musique. Mais ses responsabilités politiques et militaires lui laissaient peu de temps pour les arts d’agrément. 

Beauharnais - La chambre d'Eugène au Palais de Leuchtenberg où il meurt en 1824, aquarelle ©The Royal Court Sweden ph Alexis Daflos

La chambre d’Eugène au Palais de Leuchtenberg où il meurt en 1824, aquarelle ©The Royal Court Sweden ph Alexis Daflos

La maison de la vieille fille 

L’essentiel de l’exposition se déroule au château de Bois-Préau. Ce qui permet au public de découvrir cet élégant bâtiment, enfin ré-ouvert après 30 ans de fermeture. Le domaine avait été acheté par Joséphine en 1810 à la mort de sa dernière propriétaire comme annexe de la Malmaison. Une bonne affaire selon Napoléon pour qui « la maison de la vieille fille ne vaut pas plus de 120.000F ! » Il l’a quand même payée 200 000. Après la mort d’Eugène, Bois-Préau change plusieurs fois de main, jusqu’à son legs à l’État qui le réunit à nouveau à la Malmaison. Comme au temps de Joséphine. Fermé en 1990 pour mise aux normes, voici donc le petit château restauré dans le style néo-XVIIIe voulu par son propriétaire du XIXe. Un look forcément très différent de celui que lui avait donné Joséphine. Aurait-elle apprécié ?

Beauharnais - Château de Bois-Préau © © Rmn Grand Palais, ph.Simon Lerat

Château de Bois-Préau © © Rmn Grand Palais, ph.Simon Lerat

Infos pratiques

Eugène de Beauharnais, un prince européen 9 octobre 2022 – 9 janvier 2023
Ouvert chaque jour sauf mardi, 13h-17h30
Entrée jumelée Bois-Préau – Malmaison : 11€, TR: 8€
Châteaux de Bois-Préau et de Malmaison
1 bis avenue de l’Impératrice, 92500 Rueil-Malmaison
Renseignements et réservations :
01 41 29 05 55 et 01 41 29 05 57
malmaison@culture.gouv.fr
site internet : www.chateau-malmaison.fr

Photo d’ouverture de l’article : Andrea Appiani, Eugène vice-roi, hst 1810 ©Rmn Grand Palais, ph. Gérard Blot

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