Charles VII entre Moyen-âge et Renaissance

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Charles VII entre Moyen-âge et Renaissance

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Seul survivant de plusieurs dauphins morts en bas âge, fils mal aimé du « roi fol », Charles VI et d’Isabeau de Bavière, la reine la plus calomniée de l’Histoire, Charles VII est aussi le père de Louis XI, ce qui n’est pas son moindre mérite. Il n’est pas très beau et son grand nez dans un visage ingrat n’indique pas une grande personnalité. Mais il est le roi qui met fin à la guerre de Cent ans.

Né en 1403, en plein conflit, Charles VII est le « gentil dauphin » de Jeanne d’Arc, sacré à Reims grâce à elle en juillet 1429. Ce qui ne l’empêche pas de ne rien tenter deux ans plus tard pour la sauver du bûcher ! Il meurt en 1461, après 32 ans d’un règne relativement long sur une France enfin pacifiée et réunifiée. Charles VII inaugure aussi une nouvelle tradition… peut-être plus contestable, celle des maîtresses royales. En l’occurrence la belle Agnès Sorel qui lui donnera quatre enfants avant de mourir en couches à 28 ans. Auparavant les rois étaient officiellement du moins, fidèles à leurs épouses.

Charles VII - Les débris d'une cotte de maille ramassée sur le champ de bataille de Formigny (1450). Statue d'un jeune guerrier. Val de Loire, c.1460/70, h.108cm.

Les débris d’une cotte de maille ramassée sur le champ de bataille de Formigny (1450). Statue d’un jeune guerrier. Val de Loire, c.1460/70, h.108cm©Françoise Deflassieux.

Charles VII : Le temps des mécènes

Le « beau XVe » est un siècle de transition entre deux époques. On n’est plus au Moyen-âge, mais on n’est pas encore à la Renaissance. Après cent ans de guerres, la France de Charles VII est enfin libérée des Anglais, successivement battus à Formigny et à Castillon Le royaume réunifié au milieu du siècle connaît une paix favorable à l’avènement d’une « pré-renaissance », comme en Flandres et en Italie.  Apparaît alors une nouvelle race d’amateur : le mécène. Parfois un riche bourgeois, comme Jacques Cœur, mais plus souvent un prince comme René d’Anjou. Le fameux « bon roi René » qui fait de sa cour d’Aix en Provence un foyer artistique et littéraire. Cette efflorescence touche toutes les formes d’art : peinture, sculpture, orfèvrerie… Sans oublier la tapisserie, représentée par la Dame à la Licorne, résidente permanente du Musée de Cluny. Ni les manuscrits enluminés, derniers du genre avant l’imprimerie. 

Jean Fouquet portrait de Charles VII, hsb c 1450/1455,. Ouverture : Jean Fouquet portrait de Charles VII, hsb c 1450/1455, © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / ph.Tony Querrec. Dais de Charles VII, d'après Jacob de Littemont, c.1430/40, Paros, musée du Louvre.

Jean Fouquet portrait de Charles VII, hsb c 1450/1455,. Ouverture : Jean Fouquet portrait de Charles VII, hsb c 1450/1455, ©Tony Querrec. Dais de Charles VII, d’après Jacob de Littemont, c.1430/40, Paros, musée du Louvre©St Maréchalle.

L’Art du portrait

Le XVe voit aussi s’éclore un nouveau genre artistique voué à un bel avenir : l’art du portrait. Et en premier lieu du portrait royal dont le tout premier est celui de Jean II, dit « le Bon », bisaïeul de Charles VII vers 1350. Un vrai portrait, anonyme et sans flatterie. Le Jusqu’au 20 octobre roi est représenté de profil, à environ 30 ans, ni beau ni laid, cheveux mi-longs, un grand nez, menton lourd. Sur fond d’or mais sans aucun attribut royal, ni sceptre ni couronne. Seule l’inscription « Jehan Roy de France » indique qu’il s’agit du monarque. Le gisant de Charles V, fils de Jean affiche le même grand nez dans un visage pas très beau mais réaliste. Auparavant, on ne connaît pas le vrai visage des rois (ni des autres) et les gisants ne sont pas toujours des portraits. Nul ne sait à quoi ressemblait Saint Louis (selon Joinville il était beau et grand), ni Philippe Auguste, pour ne citer que les plus fameux. 

Charles VII - Gisant d'Anne de Bourgogne, duchesse de Bedford, fille de Jean sans Peur, marbre, c.1442, ©musée du Louvre.

Gisant d’Anne de Bourgogne, duchesse de Bedford, fille de Jean sans Peur, marbre, c.1442, ©musée du Louvre.

Profils royaux

C’est Jean Fouquet (env.1420-1480) qui inaugure le genre officiel du portrait royal avec celui de Charles VII. Réaliste et sans flatterie, l’air un peu benêt sous son grand chapeau rond. On connaît bien aussi le profil chafouin de son fils Louis XI, le même nez hérité de son père, qu’il transmettra à son fils Charles VIII. Le grand nez semble donc un attribut royal au même titre que le sceptre et la couronne. François 1er au siècle suivant, semble en être particulièrement fier en se faisant portraiturer de profil par le Titien. Ce nez royal survit aux changements de dynasties, il devient bourbonien avec Henri IV. Deux siècles plus tard celui de Louis XVI n’est pas en reste ! Mais désormais, de face ou de profil, les visages de tous nos rois son bien connus.  D’Henri II et de ses fils François II et Charles IX par Clouet à Louis XVI en costume de sacre. Sans parler d’un certain Napoléon.

Barthélemy d'Eyck, extrait du Livre des Tournois, manuscrit exécuté pour René d'Anjou c.1462/65, Paris, BNF, dépt des manuscrits. Tapisserie des Cerfs ailés, c. 1453/61, Pays Bas ou Nord de la France.©Yohann Deslandes

Barthélemy d’Eyck, extrait du Livre des Tournois, manuscrit exécuté pour René d’Anjou c.1462/65, Paris, BNF, dépt des manuscrits. Tapisserie des Cerfs ailés, c. 1453/61, Pays Bas ou Nord de la France©Yohann Deslandes

 La mode en tapisserie

Les tapisseries ont moins bien traversé le temps que les tableaux : mites, rongeurs, usure et changements de mode les ont mises à mal. Certaines (comme l’Apocalypse d’Angers) ont même servi de toiles d’emballage à l’époque où le « moyen-âge » était objet de mépris !  Quand elles sont mêlées de fils d’or et d’argent…on n’hésite pas à les brûler pour récupérer le métal précieux.  Les deux qui figurent à l’expo de Cluny font donc un peu figure de rescapées. La plus ancienne, attribuée à Tournai illustre la mode raffinée du XIVe s : front dégagé, taille ultrafine, robes à larges plis. Et pour les hommes : pourpoint court et chausses étroites qui mettent la jambe en valeur. Un détour s’impose bien sûr par la célèbre Dame à la Licorne, résidente permanente du Musée mais postérieure d’un demi-siècle au règne de Charles VII. Elle est une des rares tentures complètes qui nous soient parvenues.

Modes du XVe s. feuillet parchemin des "Heures Collins" Bruges ? c.1450, Paris, Musée de Cluny. Descente de croix, Grandes heures de Rohan, c.1430/35, Paris BNF

Modes du XVe s. feuillet parchemin des « Heures Collins » Bruges ? c.1450, Paris, Musée de Cluny. Descente de croix, Grandes heures de Rohan, c.1430/35, Paris BNF

Les dernières Heures

Last but not least, les manuscrits enluminés, malgré leur fragilité ont été mieux conservés que bijoux et argenterie. Ils forment même la part la plus importante de l’exposition. Arrivé à la perfection au XVe siècle, l’art du livre enluminé y jette aussi ses derniers feux. Mais dès la fin du siècle, l’invention de Gutenberg condamne irrémédiablement cet art délicat précurseur de la bibliophilie. Hâtons-nous donc d’admirer les Heures d’Étienne Chevalier, la Bouquechardière de Jean de Courcy, les Heures de Marguerite Cuissotte (quel joli nom !). Sans oublier les Très Riches Heures du duc de Berry, conservées à Chantilly, et autres pieux ouvrages. Outre la beauté du dessin, des couleurs, des fonds bleu lapis, ces manuscrits sont aussi un catalogue des modes du XVe siècle. Peut-être les plus seyantes de l’Histoire… Détail futile mais significatif dans un pays comme la France.

Reliquaire du Lait de la Vierge, argent doré, nielle, améthystes. Vase reliquaire de Sainte Hedwige, verre, laiton, argent doré, c.1250. Italie du sud ou Proche Orient, atelier d'Oignies c. 1240/60, Musée du Namurois, fondation du roi Baudouin.

Reliquaire du Lait de la Vierge, argent doré, nielle, améthystes. Vase reliquaire de Sainte Hedwige, verre, laiton, argent doré, c.1250. Italie du sud ou Proche Orient, atelier d’Oignies c. 1240/60, Musée du Namurois, fondation du roi Baudouin.

Le merveilleux Trésor d’Oignies

Rien ne nous est parvenu en revanche des vaisselles d’or des rois ou autres nantis, régulièrement fondues pour s’adapter au goût du jour. Ou pour alimenter le trésor royal toujours mis à mal. Voilà pourquoi le secteur « orfèvrerie » du règne de Charles VII est des plus maigres. Cette carence est heureusement compensée par la présence de l’incroyable Trésor d’Oignies, généreusement prêté par le musée de Namur. Une cinquantaine d’objets : calices, ostensoirs, plaques d’évangéliaires, reliquaires divers. Un des plus vénérable abrite une côte de Saint Pierre, un autre quelques gouttes du lait de la Vierge ! On n’est pas obligé d’y croire mais on est forcé d’admirer la virtuosité des orfèvres de l’atelier d’Henri d’Oignies d’où sont sorties ces merveilles. Et surtout que ces objets du XIIIe siècle aient survécu 800 ans aux saccages, guerres et invasions qui ont tant ravagé ces « mornes plaines » du nord. Un vrai miracle !

Infos pratiques 

Les Arts en France sous Charles VII Jusqu’ au 16 juin 2024
Le merveilleux Trésor d’Oignies Jusqu’au 20 octobre 2024
Musée national du Moyen-âge
Hôtel de Cluny, 28, rue du Sommerard 75005 Paris
Ouvert chaque jour sauf lundi, 9h30 à 18h15
Tél : 01 53 73 78 00 – 01 53 73 78 16
Entrée : 12€, TR 10€ – Gratuit pour les moins de 18 ans,
Mail : contact.musee-moyenage@culture.gouv.fr
https://www.musee-moyenage.fr 

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