L’Art de la Chasuble d’hier à aujourd’hui, exposition insolite, se tient actuellement sous les voûtes vénérables de l’Abbaye de Fontevraud. L’ancien dortoir des moniale abrite une présentation de mode originale, de vêtements liturgiques qui accompagnent la vie de l’Église depuis 2000 ans. Non de robes de bure ou d’aubes de lin blanc, mais de chasubles en soie aux broderies multicolores.
Chasuble et patrimoine
L’ornement liturgique est un art méconnu et mal connu. Il faut dire que dans la France laïque et obligatoire du XXIe siècle, le sacré n’est pas trop en odeur de sainteté, si l’on ose dire. Et moins encore les somptueux ornements d’or et de soie dont se paraient les prélats d’Ancien Régime, voire d’avant Vartican II. Il était donc temps de mettre en lumière ce patrimoine historique trop discret. Sans suivre la mode à proprement parler, le vêtement liturgique, n’échappe pas à ‘l’air du temps. Aubes et chasubles ne sont-elles pas inspirées des tuniques romaines ? Rien ne nous est évidemment parvenu des temps antiques et médiévaux. Sauf les images des manuscrits qui montrent des moines et religieuses vêtus de bure ou de lin blanc et des prélats en chapes brodées.
Les couleurs de la chasuble
Dès le XIIIe siècle les couleurs arborées par le prêtre lors de la messe sont codifiées selon le temps liturgique et le genre de cérémonie. Vert pour le temps « ordinaire », blanc pour le temps de Noël et le temps pascal, rouge pour la semaine sainte. Le noir pour les funérailles et le jour des morts, est remplacé par le violet au XVIe siècle ainsi que pour l’Avent et le Carême. Par mesure d’économie et de commodité, certaines chasubles sont réversibles. L’économie n’est plus de mise à partir de la Contre-réforme du XVIe siècle. Apparaîssent alors des rehauts d’or et l’argent pour les jours de fête. Le costume liturgique connaît à cette époque un surcroît de faste et une magnificence assumée « pour la plus grande gloire du Seigneur ». En opposition avec le costume noir des pasteurs luthériens et la modestie recommandée aux fidèles de la RPR*.
*religion prétendue réformée
D’or et de soie
À cette époque, la soie venue de Chine commence à être produite en France. Sous l’impulsion du roi, la culture du mûrier indispensable à l’élevage du ver à soie s’implante autour de Lyon et de Tour. La soie triomphe dans le vêtement des courtisans, féminin et masculin, faisant briller la cour de François 1er d’un faste nouveau. Et conférant aussi aux cérémonies religieuses un surcroît d’apparat. Chapes et chasubles sont confectionnées et brodées au sein des abbayes par des religieuses expertes aux travaux d’aiguille. Elles apprennent aussi à manier les fils d’or et d’argent. Les motifs suivent la mode plus que la liturgie. Surtout quand la chasuble est taillée dans une robe de cour offerte par une paroissienne pieuse. Un moyen comme un autre de gagner le Ciel ! Il suffit d’incruster dans les motifs de fleurs un Saint Esprit ou un crucifix pour les rendre aptes au service divin.
Révolution et Restauration
Tout s’arrête quand éclate la révolution en 1789, la Constitution civile du clergé divise la société et le clergé lui-même entre « jureurs et non-jureurs ». La nationalisation des biens du clergé vide les les abbayes, détruit les ateliers monastiques et les sacristies où sont entreposés chasubles et ornements. Certaines abbayes deviennent des carrières de pierres. D’autres sont transformées en prisons ou en manufactures Le retour des Bourbon en 1815 s’accompagne d’une totale réhabilitation de la foi catholique. Le sacre de Charles X à Reims en 1825 renoue avec la plus pure tradition monarchique. On rouvre les églises et on renouvelle les vêtements et accessoires disparus. Sans trop d’imagination puisque les chasubles des années 1825/30 s’inspirent de celles du siècle précédent dans les matières et les motifs. Avec un recours plus visible aux symboles chrétiens : grappes de raisin, épis de blé, ostensoirs. (909 s)
Chasuble : XXe siècle, la haute couture d’en mêle
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’art du XXe siècle fait montre d’une étonnante créativité. L’après Grande Guerre voit s’élever à Paris plusieurs églises Art Déco dont le niveau artistique et spirituel n’a rien à envier à aux édifices classiques. Dans le cadre des Ateliers d’Art Sacré fondés en 1919 par Georges Desvallières et Maurice Denis le vêtement suit le même mouvement. Jusqu’à l’art abstrait qui s’invite dans l’art de la chasuble avec Buraglio, Bazaine, Matisse. Dans les années 1960, Courrèges l’adapte même à sa mode féminine si particulière. On se souvient aussi de la gamme « arc en ciel » créée par Castelbajac pour les JMJ de 1997. Dans les ateliers de l’abbaye de Solesmes et de Saint-Vandrille, on abandonne la soie traditionnelle pour des textiles plus actuels Polyester, polyamide, acryliques. Moins écologiquement correctes mais liturgiquement compatibles (850 s).
Infos pratiques
Au Fil du sacré, une mode en soie
8 octobre-30 janvier ouvert chaque jour 10-19h fermé le mardi du 7novembre au 16 décembre
Entrée (abbaye et musée) : 15€ TR: 8,50€ gratuit pour étudiants et moins de 18 ans
Abbaye Royale de Fontevraud
38, rue Saint Jean-de-l’Habit, 49590 Fontevraud l’Abbaye
réservations : www.fontevraud.fr
Photo d’ouverture : ensembles de chasubles XXe ©Coralie-Pilard
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