« Balcon de l’Asie sur l’Europe », selon la formule d’Anatole France, ce petit pays du Caucase qu’est l’Arménie, recèle des trésors patrimoniaux et naturels d’exception. Première étape de cette découverte à Erevan, sa capitale.
Il est si près. Et pourtant inaccessible. Le mont Ararat* est de l’autre côté de la frontière, à peine 34 kilomètres à vol d’oiseau, en Turquie. D’Erevan, la capitale de l’Arménie, on l’aperçoit par temps clair. Et, chaque fois, la blessure est la même. Car la frontière reste hermétiquement fermée et que chacun se souvient que le premier royaume chrétien au monde était, dès 522 av. J.-C., appelé le « Pays d’Ararat ». « Ararat » est partout. Nom de banque, de cigarettes, de restaurants… C’est vers lui que les doigts se pointent lorsqu’on décolle ou atterrit à l’aéroport de la capitale arménienne. Ou qu’on a la chance de pouvoir découvrir Erevan et ses alentours en montgolfière à l’occasion du 2806e anniversaire de la fondation de la cité.
*en fait les deux monts Ararat, le grand 5 165 m de haut et le petit qui culmine à 3 925 m
Erevan : douzième capitale arménienne
La place de la République est le cœur vibrant d’Erevan. Partout ont voit des montgolfières qui s’élèvent vers les cieux. Une est venue de Monaco, Le temps est magnifique. Le mont Ararat se dessine dans le lointain. Sous la nacelle, la ville s’éloigne progressivement, offrant une vision globale de son étendue. On distingue ses monuments, ses parcs, ses grands axes. Cette féérie se célèbre en trinquant au champagne local à la fondation d’Erevan, capitale de l’Arménie depuis 1918. Onze autres cités l’ont précédé dans ce rôle. C’est dire si ce petit pays du Caucase, en dépit des envahisseurs venus du nord, du sud, de l’est ou de l’ouest, au cours de ses près de 3 000 ans d’histoire est résilient. Il faut atterrir en douceur. On se croit près d’Erevan mais il faudra plus d’une heure en voiture pour rentrer.
Le poids de l’histoire
On dit souvent des Arméniens qu’ils sourient rarement. Notre guide nous explique qu’il s’agit d’une forme de pudeur et du poids de l’Histoire et des événements. De l’Histoire récente, avec le Génocide de 1915 présent dans toutes les mémoires qui a vu la mort de 1,5 million de personnes. Celle plus ancienne avec la perte de 90% du territoire de ce qui composait la grande Arménie. Elle s’étendait de la mer Méditerranée à la Caspienne. Aujourd’hui, elle est réduite à peau de chagrin. Des événements récents, avec la guerre des 44-Jours de 2020. En effet, elle a entraîné la disparition de la petite République arménienne d’Artsakh (Haut-Karabagh) en 2023. Ses 130 000 habitants, chassés de chez eux par les Azerbaïdjanais, ont trouvé refuge en Arménie même. Un poids gigantesque pour un petit pays de mois de trois millions d’habitants à l’économie fragile.
La place de la République, cœur battant d’Erevan
A Erevan, il faut aller place de la République. Cet endroit est superbe. Imaginée par l’architecte arménien Alexander Tamanian dans les années 1920, elle avait pour but d’ancrer cette cité dans la modernité. De forme ovale, cette place est entourée de cinq bâtiments monumentaux de style néo-arménien organisés de manière symétrique. Au nord, l’ancien ministère des Affaires étrangères bientôt occupé par un hôtel Hilton. L’ancien hôtel Intourist devenu le Marriott Armenia se situe nord-ouest. Au sud-est, la Maison du gouvernement. Au sud-ouest, le bâtiment des syndicats et des communications et une poste. Quatre ensembles en tuf volcanique rose qui servent d’écrin au Musée d’histoire de l’Arménie et à la Galerie nationale arménienne construits en pierre blanche. Au centre de la place, un gigantesque bassin dont les jets d’eau offrent un magnifique spectacle son et lumière à la nuit tombée. A ne surtout pas manquer.
A savoir
Le style néo-arménien privilégié pour la réalisation de la place de la République reprend les classiques de l’architecture arménienne. Arcs massifs, corniches, pierres taillées et motifs locaux le caractérisent. Le tuf, que l’on trouve abondamment en Arménie, présente quatre ou cinq nuances de rose. Le sol de la place évoque les motifs d’un tapis arménien.
Un musée pour témoigner de l’histoire arménienne
Le musée d’histoire d’Arménie, sur la place de la République, est un incontournable d’un séjour à Erevan. Au fil des expositions, on y découvre qu’il y a plus de quatre mille ans arrivaient dans la région les ancêtres des Arméniens d’aujourd’hui. Ce musée d’exception présente l’histoire et la culture de l’Arménie de l’Age de pierre à nos jours. Il dispose d’une collection nationale de plus de 400 000 pièces archéologiques, ethnographiques et numismatiques. Parmi elles, la célèbre chaussure dite d’Areni-1, du nom du site archéologique où elle a été découverte en 2008. Vieille de 5 500 ans, c’est la plus ancienne chaussure en cuir connue à ce jour. On peut en essayer un fac-similé. A voir aussi, les magnifiques chariots reconstitués, les statues, les vases, les « jouets » datant de plusieurs centaines d’années avant notre ère. Dans le même bâtiment, se trouve la pinacothèque.
La déesse mère, hôte prestigieux du musée
La tête et la main de la statue en bronze de la déesse Anahit, conservées au British Museum, est actuellement présentée au musée. Une exposition exceptionnelle, jusqu’au 21 mars 2025. Plus de six douzaines d’objets de la riche collection du Musée d’histoire de l’Arménie sont présentés dans le cadre de l’exposition, présentant l’idée de la Déesse Mère, du paganisme au christianisme, de la pierre au métal, en passant par l’argile et le fil. La Déesse Mère est comme le symbole du commencement et de la continuité de la vie.
Des rues témoins de l’ancien Erevan
A la gauche du Musée d’histoire débute la rue Abovyan qui conduit à la place Charles-Aznavour. Une rue charmante, arborée, bordée par des maisons de maître en tuf noir (le plus cher) aux balcons de fer forgé donnant sur la rue. Les façades sont austères. Mais ces demeurent datant du XIXe siècle cachent des patios qui permettent aux habitants des lieux d’échapper aux fortes chaleurs d’été. Parmi elles, celles abritant aujourd’hui les restaurant Vostan ou Chinar. Quelques pas encore et voilà la place Charles-Aznavour. D’un côté, l’hôtel Erevan inauguré en 1915 dans lequel le chanteur aimait à séjourner. De l’autre, le célèbre cinéma Moscou ouvert en 1965. Entre les deux, une fontaine et des étoiles au sol façon « Walk of Fame ». Une est à la gloire de Charles Aznavour, l’autre d’Achod Malakian… Plus connu sous le nom d’Henri Verneuil.
L’église de Saint- Astvatsatsin Kathoghike
A quelques pas de la place Charles-Aznavour se dissimule une petite église charmante. L’église de Saint-Astvatsatin Kathoghike. Edifiée au 12 et 13 siècles, elle est aujourd’hui un des monuments les plus anciens d’Erevan. Elle a résisté au grand tremblement de terre du XVIIe siècle. Mais également à la construction de la grande église de Katoghike entre 1693 et 1695, dans laquelle elle a été intégrée. Cette dernière a été détruite par les Bolchéviques en 1936. Rendue au culte en 1996, elle est désormais insérée dans le complexe ecclésiastique Sainte-Anne, plus grand et moins beau. L’église Saint-Astvatsatsin (Sainte-Mère de Dieu, en arménien) tout en tuf rose est touchante de simplicité. Magnifiquement restaurée, seules des traces de balles sur sa façade témoignent de son douloureux passé.
Erevan et son passé soviétique
On n’efface pas en un clin d’œil 71 ans d’occupation soviétique. Surtout si elle a permis un développement économique et culturel de l’Arménie tout en la protégeant de ses voisins immédiats. Voici pour le côté pile. Côté face, l’Arménie y a perdu deux régions. Nakhitchevan, à l’ouest et Haut-Karabagh (ou Artzakh) à l’est totalement vidé par les Azerbaïdjanais de leur population arménienne. Pour prendre conscience de ce passé, il suffit de se promener. Ici des fresques naïves de style soviétique. Là, un statue de cuivre géante, comme en en trouve dans toutes les grandes villes de l’URSS. Haute de 51 m (avec son socle), elle domine la capitale. Elle a remplacé une statue de Staline dressée en 1950 et déboulonnée en 1962. Epée dressée, symbole de la volonté arménienne de toujours défendre sa terre, Mère Arménie honore les soldats arméniens morts lors du second conflit mondial.
Un escalier pour monter découvrir Erevan
Quelle vision a donc traversé l’esprit de « l’architecte du peuple de l’URSS » Alexandre Tamanian, pour imaginer la Cascade ? Décédé en 1936, il ne verra jamais le résultat de son projet. Et quel projet ! Adossée à une colline, la Cascade mesure 118 m de haut et 50 m de large. Cet escalier géant a 572 marches. Elles vont de terrasse en terrasse ornées de fontaines et de sculptures, reliant le centre-ville au parc de la Victoire. Commencé en 1971, ce projet insensé a connu bien des vicissitudes. Ralenti par le tremblement de terre de 1988, il est stoppé par la chute de l’URSS en 1991. Gérard Cafesjian, un magnat américain, le remet en route entre 2022 et 2009. La Cascade abrite aujourd’hui le Centre Cafesjian pour les arts. Sept Escalators, bordés d’œuvres d’art, permettent d’atteindre son sommet.
L’opéra, phare artistique d’Erevan
Au bout la place Tamanian nichée aux pied de la castace*, se dresse l’opéra d’Erevan sur la place de la Liberté. Il est désormais relié à la place de la République via l’avenue du Nord imaginée en son temps par Alexandre Tamanian. Mais percée en 2008. L’opéra, rond, résolument d’architecture classique, a été construit en 1920 par ce même architecte. Il abrite une salle de concert et le théâtre national académique d’opéra et de ballet. L’extérieur du bâtiment a été entièrement rénové. L’intérieur aussi, offrant des salles superbes. L’opéra est entouré de trois statues. Celles du poète Hovhannes Toumanian, des compositeurs Alexandre Spendiarov et Aram Khatchatourian à qui l’on doit la fameuse « Danse du sabre ».
* juste après la place de France
Nuit tranquille à Erevan
Fort de son 1,2 million d’habitants, Erevan dispose de nombreux bars, restaurants, clubs de jazz… Et même des supermarchés ou kiosques de rue ouverts 24 heures sur 24. Quand le temps le permet, les terrasses des bars sont pleines. Quant aux restaurants, tous offrent un service attentionné en raison de la multitude de personnes en salle. Dans la zone de l’avenue du Nord, une artère piétonne aux immeubles récemment édifiés, quelques bars méritent le détour. Parmi eux, Urban Wine Bar & Shop, 42, rue Arami, non loin de la place de la République. Intérieur cosy et grand choix de vins. Ou encore Boho by Status, 23 rue Teryan jouxtant l’avenue du Nord. Précision utile : les rues d’Erevan sont particulièrement sûres.
A noter : chiens perdus sans collier
Erevan peut surprendre par le nombre de chiens errants dans ses rues. Surtout, pas de panique. Ces chiens, stérilisés, vaccinés, suivis et soignés par la municipalité, nourris par la population, sont généralement gentils. Ils sont tous marqués par un badge à l’oreille. Ils suivent volontiers les passants en quête d’un peu de nourriture ou d’une caresse.
Un petit tour au marché d’Erevan
Le marché arménien numéro 2, au centre d’Erevan, est un lieu hors du temps. Ouvert à partir de 9 heures, ce marché couvert propose avant même d’y entrer des poissons énormes à choisir dans un aquarium, de l’alcool*et des souvenirs datant de la période soviétique. De soviétique, ce marché a conservé tout l’aspect. Seule différence, majeure, l’abondance des produits proposés. Rien à voir avec l’ère communiste où la pénurie était la règle. Qu’y trouve-t-on ? Tout simplement, le meilleur de l’Arménie. Fruits, raisins et grenades, viande découpée sous vos yeux, charcuterie en tous genres. Mais également d’extraordinaires corbeilles de fruits confits et paniers de fruits secs. Sans oublier les légumes, bimbeloterie chinoises, jus de fruits frais ou encore « lavash»*. Sans oublier les fromages, les herbes et les épices. C’est l’endroit idéal pour acheter des produits locaux.
*vins et brandys locaux
**pain traditionnel présent sur toutes les tables arméniennes
A noter : la grenade, symbole de l’Arménie
Indubitablement, la grenade, généralement cultivée dans le sud du pays, est le symbole de l’Arménie. Elle y est cultivée depuis trois mille ans pour ses valeurs nutritives et les symboles qu’elles portent. Sa couleur sang se veut un symbole de prospérité, de fécondité et de longévité. Jamais de Noël ni de mariage sans elle. Il se dit même que chaque grenade contient 365 arilles (grains), un pour chaque jour l’année. Et que la fameuse pomme croquée par Eve et Adam, dans le jardin d’Eden serait en fait… une grenade.
Infos pratiques
Où se renseigner ?
Office du tourisme de l’Arménie : https://destination-armenie.fr/
Comment se rendre en Arménie ?
En voiture via la Turquie puis la Géorgie. Compter de trois à quatre jours de route depuis la France en raison de la fermeture de la frontière arméno-turque.
Par avion. La compagnie low-cost d’Air France Transavia, propose des vols au départ d’Orly et, en pleine saison, de Marseille ou encore de Lyon. Les prix varient selon la saison. Attention à la dimension des bagages. Les règles ont changé.
Formalités
Un passeport en cours de validité valable encore trois mois après son retour. Séjour de moins de six mois sans visa.
Monnaie
Le dram. Un euro vaut 420 drames. Les cours sont très fluctuants. La vi est nettement moins chère qu’en France. On trouve des distributeurs de billet partout. Les principales cartes de crédit sont largement acceptées.
Où dormir à Erevan ?
L’hôtel Best Western (quatre étoiles), 1, rue d’Italie est idéalement situé. A proximité immédiate de la place de la République, le cœur vibrant d’Erevan, il propose une gamme de service (sauna et salle de gymnastique (ouvertes 24/24), piscine et salles de réunion…) très appréciable. Les chambres sont confortables.
Internet : https://congresshotelyerevan.com/
Où manger à Erevan ?
Restaurant Mov
Son nom signifie « Bleu », d’où le décor intérieur dominé par cette couleur. Il propose un assortiment de plats typiquement arméniens. L’intérieur se veut moderne et tendance. Pari tenu. La cuisine est traditionnelle et raffinée. Second pari réussi avec ces « tolma », des feuilles de vigne à déguster avec trois types de sauce : yaourt, basilic rouge, yaourt, cannelle, épine vinette, yaourt à l’ail. A noter les délicieuses feuilles de choux fourrées au riz et au gruau. Comptez 25 € par personne.
www.movrestaurant.com
Tél. : 00 374 33 652652
Puskin Street 8, Erevan
Restaurant Chinar
Situé en plein cœur d’Erevan, son nom signifie « platane ». Il propose une cuisine classique (feuilles de vigne, salades…) en entrée et un remarquable mouton en plat principal. Cuite par le chef Armand durant huit heures à basse température, cette pièce de viande fond littéralement sous la langue. A noter également son riz au champignon et son excellent gâteau en dessert. Tarifs relativement élevés.
Facebook : Chinar Restaurant
Instagram : chinar_mbg
Tél. : 00 374 41 260 260
Restaurant Vostan
C’est l’une des adresses les plus connues d’Erevan, rue Abovyan 8, à deux pas de la célèbre place de la République. Installé dans une ancienne maison bourgeoise, Vostan propose une cuisine traditionnelle composée de salades, feuilles de vignes, kebabs et viandes grillées. On peut assister en direct à la confection du « lavash », le pain traditionnel arménien.
Facebook : vostan.mbg
Instagram : vostan_mbg
Tél. : 00 374 11 480 000
Deux coups de coeur
Restaurant Abovyan 12
Ce restaurant est particulièrement agréable par beau temps car on peut manger dans son patio. Cuisine traditionnelle arménienne. A noter une boutique, Dalan, remplie de « petits trésors », souvenirs comme œuvres d’art.
Tél. : 00 374 99 580658
The Testy house
Ub restaurant qui n’en est pas un. The Testy House, rue Toumanian 3, est en fait une maison d’hôte où l’on mange comme à la maison dans un décor très baroque. Zara, sa propriétaire, a animé des cours de cuisine sur la première chaîne de la télévision arménienne. Elle vous reçoit et vous apprend à réaliser un plat typiquement arménien. Comptez de 17 à 18 €.
Tél. : 00 374 91 422027
Prochain article : Arménie, sur les chemins de la foi
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