Cette interrogation peut vous paraître saugrenue. D’abord, l’assiette n’est pas uniquement ce qui contient votre plat de pâtes préféré, ou votre dessert favori. L’assiette, c’est aussi la manière dont un cavalier est assis sur sa selle. En aéronautique : la position du trièdre d’un avion par rapport au trièdre de référence terrestre. Et ce n’est pas tout! Le mot assiette est aussi utilisé dans les travaux publics, la sylviculture, le droit, la marine etc… Alors le genre allez-vous dire ? Oui… c’est un mot du genre féminin, dérivé du latin assedita qui signifie « manière d’être assis ». Et aussi bien sûr la pièce de vaisselle à fond plat ou faiblement creux. C’est de celle là dont nous allons parler ou plutôt de son contenu.
Autour de la question du genre
La question du genre est une thématique centrale au cœur de l’actualité. Cette question interpelle et fait bouger les lignes de la relation hommes-femmes. C’est toute une société qui se remet en question. De la carrière professionnelle, à la répartition de la charge mentale familiale, en passant par les codes vestimentaires et alimentaires. Ce contexte amène à repenser nos habitudes quotidiennes.
Le sujet de l’alimentation et du genre est montant, avec des questionnements de fond sur l’égalité hommes/femmes face à l’alimentation. Au cœur de nos sociétés, beaucoup de questions émergent. Avons-nous des codes alimentaires différents ? Nos choix alimentaires sont-ils représentatifs de notre personnalité et de notre genre ? Existe-t-il des clichés, tels que « les hommes consomment de la viande et les femmes du poisson » ? Si oui, la raison est-elle sociétale, physiologique ou autre ? En une phrase : l’assiette a-t-elle un genre ?
L’alimentation a-t-elle un genre ? La réponse est oui
Pour en parler, étaient invités lors de la table ronde « Meat Lab Charal » :
– Marie Tréguer (Kantar Worldpanel)
– Catherine Vidal, Neurobiologiste et Directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur, auteure de « Nos cerveaux, tous pareils tous différents » (éditions Belin)
– Sylvie Avallone, professeur de nutrition et sciences des aliments à Montpellier SupAgro
– Jean-Pierre Poulain, Sociologue, anthropologue, spécialiste de l’alimentation
– Caroline Weill, psychologue clinicienne et psychanalyste
Tous ont été d’accord pour affirmer que le genre pèse assez fortement sur l’alimentation. Cette notion ne date pas d’hier. Elle continue d’évoluer en même temps que l’évolution de la société. Les raisons pressenties pourraient être à priori multiples: neurobiologiques, physiologiques, sociologiques, psychologiques, culturelles… Les chiffres qui ressortent de l’étude Kantar Worldpanel le confirment: les habitudes de consommation des hommes et des femmes sont différentes, leur manière de consommer l’est aussi.
L’assiette des Français et des Françaises
Coté consommation, il existe quelques différences entre hommes et femmes. Les légumes frais sont un peu plus présents dans les repas des femmes. A l’inverse, fromage, pain, viande fraîche et charcuterie sont davantage présents dans les repas des hommes. Les protéines animales sont bien ancrées dans la consommation quotidienne des Français quel que soit le sexe. Hommes comme femmes sont plus de 9 sur 10 à en consommer au moins une fois par semaine, en moyenne quasiment 1 fois par jour.
Néanmoins, certaines protéines sont légèrement plus féminines : jambon blanc, veau, poisson, œufs, volaille. Certaines offres de bœuf sont plus féminines : brochettes, haché, tournedos, carpaccio. A l’inverse les hommes préfèrent tartare et entrecôte.
Ces différences de consommation se creusent légèrement selon les tranches d’âge et la situation familiale. De même, on note davantage de différence entre hommes et femmes célibataires qu’en famille, où l’on partage le même plat.
Et notre cerveau… aurait-il un sexe?
La réponse scientifique est oui et non. Catherine Vidal explique : « Il existe des différences entre les cerveaux des femmes et des hommes, notamment dans les zones du cerveau contrôlant les fonctions associées à la reproduction sexuée. En ce qui concerne les fonctions cognitives (mémoire, intelligence, raisonnement), femmes et hommes ont les mêmes capacités cérébrales ». Contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, « filles et garçons ne naissent pas avec des cerveaux câblés différemment ». « Si les filles sont souvent meilleures en littérature et les garçons en maths, ce n’est pas à cause de leur cerveau. C’est davantage à cause de la pression sociale et des stéréotypes sur les métiers ». Les recherches des anthropologues montrent que dans la majorité des traditions culturelles, l’alimentation des femmes et des hommes n’est pas la même. Viande rouge et graisses sont réservées aux hommes, tandis que les femmes sont nourries de céréales et de viandes blanches.
Alors…pourquoi existe-il des différences de goût ?
Les différences de goûts alimentaires entre les hommes et les femmes ne sont pas fixées dans le cerveau depuis la naissance. Elles sont forgées par la culture et évoluent au cours de l’histoire des sociétés. Selon le contexte culturel et économique, et aussi à l’échelle de l’individu, de l’enfance à l’âge adulte. Qu’en est-il des besoins nutritionnels? Hommes et femmes ont-iles les mêmes?
Le Plan National Nutrition Santé ne fait pas de différences dans ses recommandations entre les hommes et les femmes (http://www.mangerbouger.fr). Néanmoins, comme développé par Sylvie Avallone, « il existe de vraies différences en matière de besoins nutritionnels entre les sexes sur certains aspects ».
En France, 16 % des femmes sont anémiées,
« Les femmes ont des besoins en micronutriments essentiels supérieurs à ceux des hommes (fer, zinc, vitamines A, B9, B12) dès lors qu’elles deviennent en âge de procréer (menstruations). Et plus fortement encore lors des périodes de gestation et d’allaitement » poursuit Sylvie Avallone. Elles ont notamment un besoin en fer de +45 % versus les hommes. En ce qui concerne les apports énergétiques, les hommes ont en général une stature et une corpulence plus grande que celle des femmes et, de ce fait, une dépense énergétique plus élevée. Pour atteindre la satiété et couvrir leurs besoins, les hommes doivent donc manger en plus grande quantité. Le besoin en protéines est également plus important chez les hommes du fait de leur corpulence moyenne plus élevée. Tout dépend aussi de l’activité des personnes.
L’important de manger varié pour combler tous les besoins corporels.
Partageons nous les mêmes codes alimentaires ?
Hommes et femmes se comportent différemment à table. Comme l’explique Jean-Pierre Poulain, le genre a bien de l’importance. les femmes sont plus perméables aux arguments nutritionnels, véhiculés notamment par la presse féminine. « Dans les représentations collectives, un homme ça aime la viande ! Il y a une symbolique de force et de puissance ». Les femmes sont plus intéressées par la volaille, l’escalope, dans une perspective de contrôle de poids et parce que l’on s’éloigne de l’animalité, de ce qui touche le vivant.
Coté psychologique, Caroline Weil a souligné qu’il y a bien un « sexisme qui règne sur le choix des aliments. Il dépend de la situation et du moment de la vie ». « L’alimentation constitue le premier plaisir de la vie » et sur ce point, il n’y a pas de différences entre les garçons et les filles!
La séduction joue un rôle important et guide nos choix alimentaires
Pour finir sur une note souriante, Caroline Weil a fait remarquer ce que hommes et femmes commandent au restaurant lors d’un premier rendez-vous. «Les femmes préfèrent prendre un poisson lorsque les hommes n’hésitent pas à choisir une entrecôte/frites ». Cette idée de l’excès est associée à l’homme et constitue un facteur de séduction. « La femme, élevée dans l’idée de plaire, fait son choix non pas par plaisir mais dans le devoir de ne pas faire d’erreur ». « Le fait d’être un homme ou une femme va également influencer sur le choix de la cuisson ». Les femmes commandent généralement une viande plus cuite alors que les hommes vont préférer une viande saignante. Et vous cher lecteur… ou chère lectrice, vous reconnaissez-vous à travers ces remarques?
Copyright : Frédérique Lebel (table et assiettes)
Crédit Photos : Charal
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