La Femme au Bouquet interprétée par Nina Karacosta

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La Femme au Bouquet interprétée par Nina Karacosta

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Nina Karacosta est une poétesse de talent. Dans La Femme au Bouquet, elle laisse entrevoir sa sensibilité, ses blessures et se remémore des souvenirs lointains.

Quand Nina arrive sur scène, c’est la douceur de sa voix et son adorable accent grec qui nous interpellent. Nous découvrons une femme se promenant sur un chemin et cueillant des fleurs sauvages. Mais pas n’importe lesquelles. Chaque fleur cueillie lui rappelle un souvenir. Soudain, le visage d’un homme lui revient en mémoire. Elle lui avait confié ses blessures. Au fur et à mesure que les souvenirs liés à cette rencontre refont surface, Nina confectionne un bouquet de fleurs sauvages. Bourraches bleues, cosmos roses-pales, Bleuets, Pâquerettes, Pervenches, Mauves blanches, Coquelicots et Jonquilles vont composer le bouquet.

La Femme au Bouquet - Une p!èce émouvante et romantique.

Les mimiques sont importantes.

La Femme au Bouquet

Nina converse avec ce monsieur. Nous sommes les témoins de leurs rires et de leur complicité. Malgré tout, ces moments joyeux alternent avec une parole plus grave. Différentes temporalités parcourent le texte. D’abord le présent quand elle déambule dans le champ de fleurs. Puis le passé, quand elle parle avec l’homme. Mais également un temps plus lointain qui fait refaire surface à certains événements de sa vie, comme la mort de sa mère, son départ de l’Institution, ses conversations fantasmées avec les écrivains qu’elle aime… Stefan Zweig, Alda Merini (poétesse Italienne), Nora Barnacle, la femme de James Joyce « Ulysse », Franz Kafka , Nathalie Sarraute « Enfance », Beppe Fenoglio « Partigiano Johnny” (roman en italien) », Samuel Beckett et Colette. Ce foisonnement mental va libérer en elle une parole enfouie, inattendue, qu’elle n’aurait jamais cru pouvoir dire.

La Femme au Bouquet - Une p!èce émouvante et romantique.

Gestes et paroles vont de paire.

Une structure presque cinématographique

Les flash-back de cette pièce nous font penser à une structure quasi cinématographique. Faire ressortir les mots, les regards, les gestes, les expressions n’est pas si facile. Exprimer ce que recèle notre existence n’est pas anodin et s’avère compliqué. Mais qui est cet homme avec lequel elle a travaillé dans l’institution ? Tout au long de ce « seule en scène », Nina Karacosta subjugue les spectateurs par la finesse de son interprétation. Elle oscille entre ombres et lumières pour faire ressortir ses souvenirs. Cet univers poétique lui sied à merveille. Bien que le décor soit minimaliste, on se laisse emporter dans le tourbillon de ses pérégrinations intellectuelles. Par moment, j’ai été déroutée par le monologue. Malgré tout, Nina a su recentrer mon attention en composant son bouquet de fleurs sauvages… Mais, ne devrais-je pas plutôt dire de fleurs de mots ?

La Femme au Bouquet - Une p!èce émouvante et romantique.

Un visage très expressif.

Deux poèmes émouvants

Nina Karacosta a cité deux poèmes lors de son seule en scène. Je vous les fais découvrir.

Le premier est d’Anna Akhmatova

Poème sans héros et autres poèmes
« Et puis j’ai cessé de sourire ;
Un vent glacé gerce les lèvres.
Un espoir vient de mourir
Une nouvelle chanson va naître.
Et ce chant, je le livrerai
À vos rires, à vos sarcasmes,
Car l’amour sans voix à jamais
M’est devenu insupportable″.

Le second de Giacomo Leopardi (L’Infinito)

Sempre caro mi fu quest’ermo colle,
E questa siepe, che da tanta parte
Dell’ultimo orizzonte il guardo esclude.
Ma sedendo e mirando, interminati
Spazi di là da quella, e sovrumani
Silenzi, e profondissima quiete
Io nel pensier mi fingo; ove per poco
Il cor non si spaura. E come il vento
Odo stormir tra queste piante, io quello
Infinito silenzio a questa voce
Vo comparando: e mi sovvien l’eterno,
E le morte stagioni, e la presente
E viva, e il suon di lei. Così tra questa
Immensità s’annega il pensier mio:
E il naufragar m’è dolce in questo mare.

Traduction

L’infini
Toujours elle me fut chère cette colline solitaire
et cette haie qui dérobe au regard
tant de pans de l’extrême horizon.
Mais demeurant assis et contemplant,
au-delà d’elle, dans ma pensée j’invente
des espaces illimités, des silences surhumains
et une quiétude profonde ; où peu s’en faut
que le cœur ne s’épouvante.
Et comme j’entends le vent
bruire dans ces feuillages, je vais comparant
ce silence infini à cette voix :
en moi reviennent l’éternel,
et les saisons mortes et la présente
qui vit, et sa sonorité. Ainsi,
dans cette immensité, se noie ma pensée :
et le naufrage m’est doux dans cette mer.

A savoir

Giacomo Leopardi est considéré comme le plus grand poète italien du XIX siècle, il fait partie du mouvement littéraire du Romantisme. Leopardi a une pensée pessimiste de la vie qui s’exprime à travers ses poèmes. Le poème « L’infinito » a été écrit entre 1818 et 1821. Leopardi y décrit une colline près de Recanati, où il est né, sur laquelle pousse une haie qui empêche que l’on voie le paysage. Puis il commence à imaginer, décrivant l’infini de la vie humaine.

La chanson de fin

Nacht und traume  de Schubert
Heil’ge Nacht, du sinkest nieder
Nieder wallen auch die Träume
Wie dein Mondlicht durch die Räume
Durch der Menschen stille Brust
Traduction
Te voici qui tombe, sainte nuit
Les rêves descendent aussi
Comme le clair de lune dans les pièces
À travers le cœur paisible des hommes

Ses écrivains favoris sont cités et exposés.

Ses écrivains favoris sont cités et exposés.

Nina Karacosta

Comédienne et poétesse d’origine grecque, Nina Karacosta vit et travaille à Paris. Elle est diplômée de Webber Douglas Academy of Dramatic Arts de Londres. Elle a interprété des oeuvresdu répertoire (Shakespeare, Pinter, Brecht.). Pendant 14 ans, elle a joué à New York. Elle a excellé dans  le rôle d’Anna Petrovna « Ivanov » de Tchekhov, Serafina puis dans « La Rose tatouée » de Tennessee Williams. Sans oublier Agave dans « Les Bacchanales » d’Euripide…). A Paris, elle joué en solo « Gelsomina » de Pierrette Dupoyet. Elle est restée à La Folie Théâtre de janvier à mai 2024. La femme au Bouquet a été joué en 2021 à La Comédie Nation.

Desiderio Montironi

Auteur de La Femme au Bouquet, cet écrivain et dramaturge vit à Paris. Licencié de lettres modernes et d’italien à Paris 8, il est également diplômé du Centre de Formation des Journalistes à Paris (CFJ). Il écrit des textes pour différentes compagnies de théâtre. Mais il est aussi auteur de romans et de nouvelles. Plusieurs ont été publiées dans les revues « La fabrique » et « LibreEcrit ». Ses pièces ont été lues dans des théâtres parisiens, notamment, « Les rituels de Madame Brunet » au théâtre de la Huchette et au théâtre de La Pépinière, dans une mise en voix de Claude Aufaure. Cette pièce a également été mise en voix par Christiane Rorato, à la SACD ainsi que « Le voleur » à Kiron Espace. Il vient d’achever une pièce intitulée « Une visite de nuit ». Actuellement, il travaille à un recueil de nouvelles.

Le bouquet est terminé... fin de l'histoire.

Le bouquet est terminé… fin de l’histoire.

Infos pratiques

Compagnie La Double Spirale
11 Rue d’Annam
75020 Paris
www.ladoublespirale.fr
La pièce n’est plus à l’affiche mais, dès qu’elle sera rejouée, allez la voir.

Photos : Gaëlle Alban

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