Chaque année est l’occasion de célébrations historiques qui réveillent la mémoire plus ou moins lointaine d’événements parfois oubliés. 2020 l’année où le Royaume Uni se sépare de l’Europe, nous ramène 600 ans en arrière, à la Guerre de Cent Ans. A l’époque où l’Angleterre rêvait d’un autre royaume qui aurait réuni sur une même tête les couronnes de France et d’Angleterre. Avec le livre Troyes 1420, vous allez découvrir une histoire passionnante.
Troyes 1420 : La couronne sur une tête folle
Nous sommes en l’an de grâce 1420. Tout va mal au royaume des lys. La moitié du pays est occupée par les Anglais ou leurs alliés bourguignons. Comble de fatalité, le roi Charles VI est fou, au sens littéral du terme. Depuis une promenade en forêt où victime d’une hallucination soudaine, il trucide quatre chevaliers de son entourage ! Il a alors 24 ans et, à part de brèves périodes de lucidité, la maladie ne le quittera plus jusqu’à sa mort trente ans plus tard. Comme on ne destitue pas le roi de France, la reine Isabelle, dite Isabeau, devient régente, assistée par le frère du Roi, Louis d’Orléans. A la grande fureur du Duc de Bourgogne, Jean sans peur fait assassiner le prince Louis en 1407. Douze ans plus tard, le Duc est à son tour attiré dans un traquenard mortel par le jeune Dauphin Charles à Montereau en 1419.
Le Dauphin désavoué et découronné
Malencontreuse initiative, qui conduit Isabeau à désavouer son fils et à conclure une alliance avec Philippe, fils de Jean sans peur. Lequel, au nom de son père assassiné, conteste la légitimité de Charles à devenir roi de France, en raison de son crime ! Et conclut une alliance avec le roi d’Angleterre Henry V. C’est ainsi que le 21 mai 1420 un traité est conclu à Troyes entre Charles VI, Henri V et le duc Philippe de Bourgogne. Henry V, descendant de Philippe le Bel par son aïeule Isabelle, revendique le trône de France après la mort de Charles VI. Pour asseoir sa légitimité, il épouse dans la foulée Catherine, fille de Charles et d’Isabeau, dont il aura un fils, Henry. Il va sans dire que le Dauphin Charles et ses partisans ne peuvent tolérer cette usurpation. Et considèrent le traité comme nul et non avenu.
La fortune change de camp
Mais les choses ne se passent pas comme prévu : Henry V meurt deux ans plus tard, à 35 ans, six semaines avant Charles VI. La double couronne échoit à son fils Henry VI, encore bébé, qui héritera d’ailleurs de la folie de son grand père maternel. Le début d’une autre histoire ! Les hostilités reprennent donc entre Armagnacs partisans du jeune Charles et Bourguignons, alliés aux Anglais. Le plus souvent au bénéfice de ces derniers. Jusqu’au siège d’Orléans en 1428 et l’arrivée providentielle d’une nommée Jeanne d’Arc qui va retourner la situation en faveur des Français. Le sacre de Reims en 1429 et les victoires de Formigny et de Castillon en 1450 et 1453 rendent définitivement caduque le traité de 1420.
La Pucelle prend la plume
De ces événement tragico- rocambolesques, les archives conservent de nombreux témoignages, réunis le temps d’une exposition. A commencer par le traité lui même, calligraphié en trois exemplaires sur de grands parchemins. Un pour Henry V, un pour Charles VI, et le troisième pour le duc de Bourgogne, arbitre et organisateur de la négociation. Sans oublier divers transcriptions et enregistrements, sur les registres officiels anglais et français. A ces chartes et traités s’ajoutent deux lettres de Jeanne d’Arc en 1429 dictées puisque elle avouait ne connaître “ni A ni B“. En pleine reconquête du royaume, la Pucelle incite les Troyens à se rendre au roi légitime ce qu’ils font le 10 juillet 1429. Cette chevauchée victorieuse se poursuit jusqu’à Reims où Charles VII sera sacré – et légitimé – le 17 juillet.
Le Lys et le Léopard
Ces parchemins ont généralement conservé les magnifiques sceaux royaux de cire rouge ou verte qui en font d’authentiques œuvres d’art. On y voit le roi en majesté, le Français ou l’Anglais, encadré des symboles de son pouvoir : les lys pour le Français, les léopards avec les lys pour le britannique, L’un et l’autre figurent de la même manière sur les monnaies d’or ou d’argent qui illustrent à leur manière le déchirement du pays. En principe seule vaut la monnaie royale… Encore faut-il savoir qui est le roi : Charles VI, Henry V Charles VII ? Quoique seulement virtuel roi de France, Henry V fait frapper à son nom des monnaies d’or et d’argent associant lys et léopard. Ces magnifiques objets font évidemment le bonheur des numismates quand ils les trouvent sur le marché.
La guerre en images
Les événements marquants ont parfois été mis en images par les enlumineurs de l’époque. Dans ses Vigiles de Charles VII, Martial d’Auvergne illustre quelques étapes de la reconquête du royaume. La remise au roi des clés de la ville de Troyes, Charles a Jeanne d’Arc à ses côtés, quasiment à égalité. Elle ne figure pas en revanche sur l’image du sacre de Reims auquel on sait pourtant qu’elle assista en bonne place. Côté anglais, on dispose des “Croniques et anciennes istoires de la Grant Bretaigne à presant nommée Engleterre“ de Jean de Wavrin. Une page montre le couronnement du jeune Henry VI à Notre Dame de Paris, le16 décembre 1431 sous un dais orné de lis et de léopards. Evénement sans portée puisqu’il arrive plus de deux ans après le sacre de Charles VII à Reims. Un autre feuillet illustre un épisode du siège de Troyes par les troupes royales.
La couronne au rebut
Les chartes officielles et manuscrits précieux , monnaies d’or ou d’argent ont souvent été conservés à l’abri des archives, des bibliothèques ou des collections privées. il n’en va pas de même des œuvres d’art et des objets de la vie quotidienne, dispersés depuis six siècles par les guerres, pillages, successions, hasards de la vie… On appréciera donc à sa juste valeur l’anneau de l’anneau de Jean sans Peur, à son effigie, en or, agate, et pierres fines. Et plus insolite : son crâne moulé sur l’original, fracassé par le coup mortel du pont de Montereau ! Les fouilles conduites dans la cour du Louvre de 1980 à 1986 ont remis à jour quelques trésors hérités du palais médiéval. Entre autre le “chapel“ en cuivre doré du roi Charles VI, qu’un voleur avait cru en or massif et mis au rebut constatant son erreur. Tout un symbole !
Epée contre arbalête
Les armes sont les témoins de cet interminable conflit. Au XVe siècle guerre se fait à l’arme blanche. L’épée du chevalier ou l’arc du fantassin dont l’arbalète à cric est la forme la plus élaborée. On sait que ce sont les archers et arbalétriers anglais, qui provoquent la débâcle de la chevalerie française. A cette époque apparaissent aussi les premières armes à feu dont l’exposition offre quelques exemples rudimentaires. Notamment une bombardelle à tirer des boulets de pierre, pendant de celle illustrée par l’enlumineur des “Croniques et anciennes istoires… Les belligérants du XVe siècle ont même inventé une sorte de mine anti personnelle. Une boule hérissée de piques qu’on sème sur le terrain pour transpercer le pied du promeneur innocent. On a fait mieux depuis !
Informations pratiques
EXPOSITION : TROYES 1420. UN ROI POUR DEUX COURONNES Du 4 septembre 2020 au 3 janvier 2021
Hôtel-Dieu-le-Comte
Rue de la Cité – 10 000-Troyes (Aube)
Ouverte du mardi au dimanche de 9h30 à 18h
Entrée libre
Tel : 03 25 42 41 49 – 06 88 85 50 57
site : www.troyes1420.aube.fr
Pour en savoir plus sur Troyes 1420 Un roi pour deux couronnes
Ne quittez pas l’exposition sans acheter le gros catalogue. Mieux qu’un catalogue, un livre d’histoire illustré de tout les objets de l’expositions, augmentés d’une centaine d’autres. Et de textes d’historiens et archivistes, qui permettent de mieux comprendre les tenants et aboutissants de cette interminable guerre dynastique. La mémoire de cette époque lointaine a longtemps affecté les relations entre la France et l’Angleterre. Pendant 400 ans, les souverains britanniques ne se sont-ils pas dénommés officiellement – et “Roy de France et d’Angleterre“ (en français dans le texte) jusqu’à ce qu’un certain Bonaparte mette fin en 1802 à cette bizarrerie. Jusqu’à cette date, les lys de France figureront toujours en bonne place sur le blason britannique à côté des léopards.
Troyes 1420 Un roi pour deux couronnes
432 pages 253 illustrations
Coédité par Snoeck et le Département de l’Aube
30 € En vente à la boutique de l’exposition et en librairie
http://www.snoeckpublishers.be/usite/snoeckpub_frbe/index.asp
Crédit Photos : CDT Aube en Champagne (Une rue de Troyes et Maisons en ouverture)
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