Longtemps à la tête d’une agence de publicité, Pierre Vauconsant a repris les pinceaux au moment de sa retraite, donnant libre cours à sa fantaisie et à son talent de coloriste. Ses toiles, inspirées par ses voyages captent la lumière de l’Orient, son âme, ses harmonies secrètes, subtilement observées. Depuis quelques temps, elles ont cédé la place à d’ambitieux assemblages textiles enrichis de mille petits éléments décoratifs. Des compositions chatoyantes et figuratives qui, à leur tour, nous dépaysent.
A quelques jours de l’ouverture de ses deux prochaines expositions à Paris et à Saint-Quentin-la-Poterie, dans le Gard, nous l’avons rencontré dans un petit coin caché de la banlieue parisienne : son atelier, baigné de calme et de soleil.
D.S.: Pierre Vauconsant, depuis une vingtaine d’années, vous consacrez tout votre temps à la peinture. Voyez-vous une évolution dans votre travail ? S’il fallait y voir une ligne rouge, quelle serait-elle ?
P.V. : mon travail a évolué, mais peu, dans la mesure où je suis très attaché à une sorte de pérennité et à une authenticité qui sont le contraire de la recherche d’effets nouveaux. Mes professeurs nous ont appris à nous méfier de ce qu’ils appelaient « le truc », c’est-à-dire un élément ou un procédé qui fait que la peinture tout à coup devient séduisante. Ils nous ont plutôt incités à chercher l’authenticité et surtout, la sincérité.
Vous avez beaucoup voyagé. Quels sont les pays qui vous ont le plus marqué ?
Tous les pays du sud de la Méditerranée : l’Algérie, le Maroc, le Niger, le Mali, le Sahel. Et au delà, tous les pays du Moyen Orient : la Syrie, le Yémen, la Jordanie, la Turquie… Plus à l’Est encore, je me suis rendu en Asie centrale, en Ouzbékistan et dans le Xinjiang. J’y ai trouvé tout ce que je cherchais dans un paysage urbain.
En quoi ces voyages ont-ils inspiré votre peinture ?
Ils sont à l’origine de mon envie de peindre. Les murs rechampis, par exemple, où l’histoire du mur est inscrite sous la peinture par ses transparences et ses coulures. Leur surface imparfaite est ultra vivante. Les voyages m’ont aussi apporté la lumière que, jusqu’à l’âge de vingt ans, je n’avais jamais rencontrée. Avant quand j’avais 17-18 ans, je voulais peindre comme Marquet, c’est-à-dire des paysages mouillés, pluvieux, un peu gris. Des usines abandonnées, des quais de chargement, des images un peu romantiques, un peu tristes. Jusqu’au jour où la découverte de l’Andalousie a été une révélation totale.
Sur certains tableaux, j’ai pu observer des reflets verts, comme un peu de nature qui s’introduit. Le jardin serait-il entré dans votre peinture…?
Oui, assurément. Il y a eu un petit espace temps où j’ai travaillé sur la bambouseraie, à côté d’Anduze. J’ai travaillé sur le végétal, sur la forêt de bambous… Et je me suis rendu compte que ça m’apportait quelque chose, un mystère de plus à décortiquer, à peindre, à montrer, à cacher. Donc j’ai continué en associant des architectures et je me suis retrouvé tout naturellement dans les riads marocains. J’ai travaillé là dessus et je me suis habitué à la couleur verte que jusqu’alors j’avais proscrite.
Que recherchez-vous dans la peinture ?
Je ne voudrais pas paraître pompeux mais je crois que je cherche le silence. Le silence parce que quelque part, peindre c’est soliloquer, c’est se parler à soi-même, même si à un moment on a envie d’offrir ce silence là aux autres, leur montrer. Quand on peint, on est seul. Je suis bien ici car personne ne fait la nouba autour de moi. Je ne pourrais pas vivre et travailler dans un atelier plein d’artistes qui courraient dans tous les sens. J’ai besoin du silence parce que c’est avec lui que je dialogue le mieux.
Quels sont les artistes que vous aimez et qui, peut-être, vous ont inspiré ?
Poliakoff, en premier. Nicolas de Staël, bien sûr. Pour mes nouveaux travaux, il y a les baroques vénitiens, Tintoret, Véronèse, Titien surtout. Et puis à un moment, je me suis retrouvé à faire quelque chose qui ressemblais à Klimt.
Votre dernière série entamée en 2017 et que vous exposez prochainement à Paris, est très différente de vos tableaux précédents. Elle est née après un voyage à Venise. Racontez-vous.
Venise a été un nouveau départ. Mais j’aurais du mal à dire exactement à quel moment j’ai eu envie de travailler sur ces personnages masqués de carnaval. C’est à Venise effectivement qu’est née l’idée. J’y suis allé au moins quatre fois et j’ai continuellement envie d’y retourner. Je suis beaucoup allé au musée Correr, à l’Academia. Les grands tableaux qui sont dans la Signoria, à Florence, m’ont eux aussi donné envie de créer des personnages. Cela peut paraître paradoxal, mais je n’ai jamais assisté au carnaval.
Vos premiers tableaux sont, à priori, non représentatifs. Votre dernière série comporte des personnages. Comment passe-t-on de l’abstraction à la figuration ?
Je ne crois pas qu’il y ait de fossé entre les deux. Un de mes amis dit que toutes les peintures sont des paysages. Je crois assez à ça. C’est-à-dire que l’abstraction totale comme la pratiquait Poliakoff, est une chose assez rare. Quelqu’un qui part de rien, contrairement à moi, n’a pas en tête le tableau qu’il va faire. Alors que moi, je ne peux pas démarrer si je n’ai pas une image dans ma tête toute armée, tout construite, que je poursuis même si je l’abandonne en partie. Même quand je fais très abstrait, il y a au départ quelque chose qui ne l’est pas.
Pierre Vauconsant, parlez-nous de la lumière dans votre travail ?
Elle a été un éblouissement total quand je suis arrivé en Andalousie. J’avais alors vingt ans, j’y ai passé six mois. Et elle ne m’a plus jamais quitté, jusqu’au moment où j’ai recommencé à peindre à l’âge de soixante ans. Est-ce que ça a été une maturation, un oubli partiel ? Je ne saurai pas dire. Quand j’ai recommencé à peindre, en tous cas, c’est elle que j’ai eu envie de peindre.
Quand j’ai recommencé à créer librement, j’ai réalisé une œuvre gigantesque pour l’église de Verneuil-sur-Avre , à partir d’une couverture de survie tendue sur cinq mètres de haut que j’ai ensuite habillée de miroirs et de perles. Elle était composée comme mes peintures d’avant : deux masses sombres et la lumière au milieu. C’est comme ça que tout est reparti.
Vers quoi pensez-vous aller ?
Grand mystère. J’ai envie de continuer à suivre la seconde manière parce que j’ai encore en tête des images de personnages ou de tableaux abstraits, qui se forment. J’ai envie de continuer à travailler avec des tissus, des dentelles, des miroirs, des perles… Combien de temps ? Je ne sais pas.
Comment vous procurez-vous tous ces matériaux ?
L’adresse première c’est le marché Saint-Pierre où j’ai tout ce dont je peux rêver. Il y a le marché d’Aligre où je trouve plein de choses, des brillants, des colliers de pacotille, des petits éléments de passementerie. Il m’arrive aussi de passer commande en Chine à partir d’un catalogue en ligne. C’est le cas pour tous ces petits miroirs de toutes les formes et de toutes les tailles. Cela fait partie du plaisir de faire. Certaines œuvres comme le roi Béhenzin m’ont même été suggérées par le tissu lui-même. Quant à celui d’African queen, il est l’équivalent de ceux que je voyais au marché aux tissus de Lomé, au Togo, qui est un enchantement.
A travers cette dernière série, vous continuez à observer le monde, en fait…
Oui d’ailleurs, devant mes œuvres, les gens me disent « C’est bien parce que vous nous faites voyager! ». Le tableau, c’est le moment où j’arrête le silence et la solitude, le moment où vient le partage, où on montre aux gens ce qu’on a fait pendant six mois, un an…
Plus d’infos
Exposition « De la lumière à la lumière », compositions textiles de Pierre Vauconsant, du 14 au 26 mars, galerie Mona Lisa, 32 rue de Varenne, 75007 Paris. Tél. : 06 83 27 22 05. Du lundi au samedi de 14h à 19h.
Exposition « Rencontre ensoleillée » (peintures de Pierre Vauconsant et d’Oliver Bévan) du 12 au 24 avril, salle d’exposition Joseph Monnier, rue de la Fontaine, 30700 Saint-Quentin-la-Poterie. Tous les jours de 10h30 à 13h et de 15h à 18h.
Oliver Bévan : www.oliverbevan.com
Pierre Vauconsant : www.archi.sud.free.fr
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