Un an après sa réouverture et la fin d’une restauration exemplaire, la BNF (Bibliothèque Nationale) dévoile ses trésors. Sur son site originel de la rue de Richelieu et une nouvelle présentation sous le signe de l’éclectisme. Et sous le titre énigmatique de « Révolutions » au pluriel.
Des révolutions sans violences ni destructions, qu’on qualifierait plutôt d’Évolution des idées et des savoirs. De la révolution l’imprimerie au XVe s à la révolution industrielle du XIXe. En passant par la découverte de l’Amérique, la Renaissance, les Lumières et bien sur la Révolution Française avec un grand R. Quant à la révolution des droits des femmes… celles qui ont voulu les faire valoir en 1793 n’ont eu que celui de monter à l’échafaud. Comme Olympe de Gouges et Manon Roland, ou de se faire fesser publiquement comme Théroigne de Méricourt !
Galerie des Trésors de la BNF
Quant à ce parcours « révolutionnaire » il commence au trône « de Dagobert », qui nous tend les bras au seuil de la Galerie Mazarin. Rien n’assure que le Mérovingien ait posé son séant « mal culotté » sur ce siège curule d’époque antique. On sait en revanche que Napoléon s’y installa en 1804 pour distribuer les croix de la Légion d’Honneur. Histoire de bien asseoir sa légitimité. Le plus spectaculaire, c’est la Galerie elle-même, commandée à Mansart par le cardinal-ministre vers 1645. La restauration a rendu leur éclat aux stucs et aux dorures, et leur fraîcheur aux figures mythologiques du plafond de Romanelli. C’est dans cet écrin que le cardinal-ministre avait installé les plus beaux fleurons de ses collections. Ceux qu’il déplorait tant de devoir quitter au seuil de sa mort ! 380 ans plus tard, la République y dévoile une sélection de quelques merveilles héritées de la monarchie.
De Childéric à Charlemagne
Elles forment une sorte de best-off de l’Histoire de France avec en vedette le Grand Camée de France, daté du 1er siècle. Acquis par St Louis à Constantinople il était le fleuron du Trésor de la Sainte Chapelle. L’époque mérovingienne est représentée par quelques vestiges d’or et d’émail provenant de la tombe de Childéric ». La science archéologique n’existait pas à l’époque où elle fut découverte par hasard au XVIIe siècle. Déplacé, dispersé, pillé et carrément volé il ne reste de son contenu que quelques précieux débris. Le règne de Charlemagne nous a légué quelques pièces d’échecs et un diptyque d’ivoire. Et surtout des livres vénérables dont les reliures sont autant de chefs d’œuvre d’orfèvrerie. Ainsi qu’un curieux lectionnaire rédigé en lettres d’or sur fond pourpré, dans cette écriture ‘caroline’ inventé à l’époque, devenue nos ‘minuscules’.
Révolution culturelle
La vraie révolution, c’est bien sûr celle de l’Imprimerie au milieu du XVe siècle. Cette invention géniale permet la propagation des livres et des savoirs au plus grand nombre. Mais elle signe aussi à terme la disparition des textes enluminés et des reliures d’orfèvrerie d’antan. Ce XVe siècle bouillonnant génère bien d’autres inventions révolutionnaires. La boussole et l’astrolabe permettent aux navigateurs de partir à la conquête du globe sans crainte de perdre de vue la côte. Et en cherchant de nouvelles voies commerciales, d’y découvrir… l’Amérique. Et accessoirement démontrer la rotondité de la terre à ceux qui la croyaient plate (on sait qu’il y en a encore !) Les récits des navigateurs Bougainville, Cook, La Pérouse… et des savants qui les accompagnent passionnent le grand public. Du moins celui qu’on dit ‘éclairé’.
L’Art et la Science
Ils engendrent aussi un style artistique d’un genre nouveau : l’objet scientifique pour amateurs fortunés se piquant de lumières. Ainsi que le roi lui-même. Il y a quelques années on a pu voir sous la verrière du Grand Palais deux globes géants terrestre et céleste du cosmographe Coronelli. Ils étaient destinés à Louis XIV qui les avait installés à Marli. C’est un modèle réduit qu’on voit à la BN, une sphère céleste, avec les constellations sous forme allégoriques. Il voisine avec une sphère armillaire de Martinot, fin XVIIe, animé par un mouvement d’horlogerie. Le soleil, la lune, et autres astres, tournant autour du globe terrestre chacun sur son ellipse. Dans un genre moins futile, les cartes et atlas de l’époque sont aussi des œuvres d’art digne d’intérêt. Où figurent jusqu’au début du XIXe s. nombre de ces « terrae Incognitae » dont les marins n’avaient pas fait le tour.
Révolution ou révolutions
Le parcours de l’expo nous mène sans transition jusqu’à LA Révolution proprement dite représentée par des trésors d’un autre genre. Sans or ni pierres précieuses, mais qui n’en sont pas moins révolutionnaires. Parfois au sens stricts terme comme l’exemplaire de L’Ami du Peuple, taché du sang de Marat giclé du couteau de Charlotte Corday en 1793. C’est à la même époque que le marquis de Sade, embastillé, rédige d’une écriture microscopique, ses « 120 journées de Sodome ». Sur un rouleau de papier de 11cm sur 12m que le marquis planquait entre les pierres de son cachot. Sade est mort en 1814 croyant son « chef d’œuvre » irrémédiablement perdu dans la destruction de la Bastille. En fait le sulfureux rouleau avait été récupéré par un admirateur. Passé de main en main, égaré, retrouvé il est publié pour la première fois en 1904 avant d’être acquis par la BNF en 2021 pour 4,5 M€.
BNF – Fin de parcours
Moins flamboyantes que la Galerie mais aussi intéressantes, les salles voisines présentent des collections plus spécifiques. La Salle des Colonnes réunit des « antiques » du cabinet du roi. Dont un bracelet d’accouchée égyptien et un kuduru (charte de propriété) rédigé sur pierre noire en cunéiforme, c. 1100 av JC. Le Cabinet précieux abrite l’incroyable Trésor de Berthouville surgi en 1830 sous le soc de charrue d’un paysan normand. Une centaine de pièces d’argenterie, plats, gobelets, vases, du IIe s, ornés en haut relief de sujets inspirés des récit d’Homère. Un autre trésor d’une centaine de pièces d’argent découvert à Lattaquié en Syrie, en 1759, est exposé dans la Salle Barthélemy. Les vitrines de la Salle de Luynes accueillent d’autres antiques. Dont une superbe collection de vases attiques noir et ocre, amphores, coupes, œnochoés, des 6e et 5e s av J.C.
Y revenir plusieurs fois
Ainsi s’achève cette exposition atypique dont on sort un peu étourdi. Avec le regret de n’avoir pas assez d’yeux ni de mémoire pour tout englober ! De toute façon, il faut y revenir et y re-revenir puisque la présentation tourne tous les trois mois.
Infos Pratiques
« Les Révolutions »Nouvelle thématique annuelle (septembre 2023 à septembre 2024)
Musée de la BNF
5, rue Vivienne, 75002 PARIS
Ouvert chaque jour sauf lundi, et jours fériés, 10h-18h (10h-20h le mardi)
Entrée 10€, TR 8€
Présentation par rotation en raison de la fragilité de certains documents.16 septembre 2023- 7 janvier 202420 janvier _ 19 mai 2024 1er juin – 8 septembre 2024Site internet
Pour en savoir plus sur la BNF
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