Il y a tout juste 400 ans naissait à Château-Thierry un certain Jean de La Fontaine. La maison dans laquelle il est né existe toujours dans la rue qui porte aujourd’hui son nom.
Une belle maison bourgeoise qui dénote une certaine aisance. Son père était Maître des Eaux et Forêts, charge dont le poète hérita plus tard. Joli métier qui consiste à courir les bois, à veiller à l’entretien des taillis et sentiers, à l’écoulement des rivières. Insigne du métier : le marteau de bronze qui sert à marquer les arbres à abattre ou à élaguer. On imagine le jeune garçon gambadant à côté de son père, observant les animaux, les oiseaux, dont il peuplera plus tard ses fables.
Jean de La Fontaine à Vaux le Vicomte
C’est pourtant à Paris que Jean de La Fontaine passera l’essentiel de son existence. Vers 1658 il intègre le groupe d’artistes et d’écrivains qui entourent le surintendant Fouquet au château de Vaux-le-Vicomte. Le Vau, Le Nôtre, Molière, Boileau…. qu’on retrouvera ‘’récupérés’’ par Louis XIV après l’arrestation du ministre en 1661. La Fontaine ne fait pas partie du lot… trop fantasque, trop bohème, trop indépendant. Peut être aussi trop fidèle en amitié ? Il a eu l’imprudence – et la loyauté – de prendre la défense de son ancien protecteur. Les poèmes qu’il compose à la gloire du surintendant déchu, comme l’Ode aux Nymphes de Vaux, ne sont pas du goût du Roi, Et ses fables sont souvent critiques pour le souverain, travesti en Lion. C’est pourtant au jeune Dauphin de 7 ans qu’il dédie sa première édition des Fables en 1668.
En quête d’un protecteur
Leur succès ne l’enrichit pas pour autant. Le droit d’auteur n’existe pas alors, l’écrivain négocie le prix de son manuscrit avec un libraire-éditeur selon le succès espéré. Pour se dégager des soucis financiers, il faut donc à La Fontaine de nouveaux protecteurs. C’est chez les “opposants“ qu’il va les trouver. La duchesse de Bouillon, nièce de Mazarin et la duchesse d’Orléans veuve du frère de Louis XIII, toutes deux quelque peu frondeuses. A la mort de cette dernière dès 1674, il est un peu démuni, mais trouve un hébergement chez Marguerite de La Sablière. Il décide aussi de se séparer de la maison de son enfance et de sa charge de maître des Eaux et Forêts. Il ne va plus guère à Château-Thierry et il n’a plus le temps de remplir sa charge, qui lui assurait un revenu régulier.
Changement de propriétaire
Vendue en 1676 à un certain Antoine Pintrel. la maison change ensuite plusieurs fois de propriétaires. Les aménagements qu’ils apportent n’affectent pas trop l’esprit des lieux. En revanche, l’élargissement de la rue vers la fin du XIX s. modifie radicalement la façade et fait sauter la tour d’angle. La Fontaine ne s’y retrouverait plus ! Ces dégradations n’auraient pas été possibles si la maison avait été classée ‘’Monument Historique“, ce qu’elle sera en 1887. Entre temps, elle avait été acquise par la Société historique et archéologique de Château-Thierry pour y installer un musée. Le musée de la mémoire ouvre quelques années plus tard, en 1876, 200 ans après que le fabuliste s’en soit séparé.
La maison devient musée
Les responsables du nouveau musée n’ont guère de difficultés à le remplir. La mémoire de La Fontaine est toujours très présente dans son pays natal et les souvenirs tangibles y sont nombreux. Dès l’ouverture, un érudit collectionneur de la région, Jules Maciet, offre un fond de tableaux, dessins… documents en tout genre. Dont une réplique du célèbre portrait peint par Rigaud et un buste en terre cuite, fin 18e du sculpteur Louis Pierre Deseine. Dans un genre plus pittoresque le Départ pour un bal masqué de Gabriel Revel reflète bien l’atmosphère de l’époque. On y voit aussi l’extrait de baptême du fabuliste, le 8 juillet 1621. Et divers documents autographes : des vers jetés ça et là, pas forcément publiés, des lettres à sa famille Et même l’acte de vente de la maison cosigné avec son épouse Marie Héricart. Dont il se sépare par la même occasion !
Jean de La Fontaine : Mauvais mari, mauvais père
Une femme plutôt revêche à en croire ses portraits et passablement ennuyeuse au dire des amis du poète. Epousée en 1647 par pure convenance, elle lui donne un fils en1652, Charles, dont notre poète ne s’occupe guère. Il confie son éducation à un précepteur qui lui a peut-être fait lire le Corbeau et le Renard ? Il n’a que 16 ans quand paraît le premier recueil des Fables en 1668. Un exemplaire de cette édition originale figure bien sûr dans une vitrine du musée dont les Fables sont les vraies vedettes. (au détriment des Contes et Nouvelles dont le contenu licencieux a mal vieilli) Le succès des Fables dont n’a jamais connu de baisse depuis trois siècles et demi. Editées, rééditées, traduites en toutes les langues elles inspirent aussi les illustrateurs en tout genre.
Les Fables mises en images
L’édition de 1668 est agrémentée de gravures du peintre François Chauveau. Le graveur Laurent Cars lui succède au siècle suivant, puis J-B. Oudry, le plus connu. Ses cartons pour les tapisseries de Beauvais mettent les Fables sur toutes les séries de sièges du XVIIIe s. Notamment sur les fauteuils Régence qui meublent aujourd’hui le grand salon. Plus tard, d’autres artistes se les approprient. Une toile de Léon Lhermitte illustre la Mort et le Bûcheron, et une autre de Jules Coignet s’inspire du Chêne et le Roseau. Et bien sûr, au fil des siècles, les éditions et le illustrateurs se suivent, interprète chacun de la mode du temps. Au XIXe s, on retrouve les Fables en chromos sur des jeux et jouets : lotos, puzzles, boîtes de biscuits. Aujourd’hui La Fontaine se décline même en lego pour une exposition destinée aux enfants. Quatre siècles après sa mort, La Fontaine est toujours vivant. Il vous attend dans sa maison de Château-Thierry
Infos pratiques
Musée Jean de La Fontaine
12 Rue Jean de la Fontaine
02400 Château-Thierry
ouvert chaque jour sauf lundi, 9h30-12h et 14h30-17h30
Samedi et dimanche : 9h30-18h.
entrée : 5€ TR : 3€
Une visite guidée (8€) fortement recommandée est proposée chaque jour à 15h, ou sur réservation.
03 23 69 05 60
Photos d’ouverture de l’article : B.G. Seurre J.de La Fontaine, plâtre patiné, XIX s., devant le Corbeau de la Fable (ph.JP.Gilson)
https://museejeandelafontaine.fr
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