“Suivez-moi-jeune-homme“ : La mode en images d’Epinal 

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“Suivez-moi-jeune-homme“ : La mode en images d’Epinal 

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“Suivez-moi-jeune-homme“ ce n’est pas un appel, mais  le nom qu’on donnait aux rubans flottant à l’arrière du chapeau. Et aussi le nœud dont les belles de la Belle Epoque ornaient le coussin “faux-cul“ attaché sous la jupe pour souligner la cambrure. En terme élégant on appelle “tournure“ ce vestige anti fesse triste de la crinoline d’antan. Au musée d’Epinal, c‘est l’histoire de la mode qu’on nous invite à suivre, depuis qu’on la met en images. Ce qui n’a pas toujours été le cas. Les caricaturistes du XVIIIe s. ont certes ridiculisé les robes à paniers et les coiffures à poufs surmontées d’une frégate. Sous le Directoire, ils excitent leur verve sur les tenues excentriques de muscadins et merveilleuses.

Premières images de mode

Les images de mode apparaissent à cette époque, avec le Journal des Dames et des Modes de Pierre de la Mésengère. Cette première revue destinée aux femmes fait un tabac à Paris, en province et à l’étranger. Révolution ou pas, Paris reste la capitale de la mode. Les idées républicaines lancent même celle des tuniques à l’antique et des coiffures à la grecque. La liberté de montrer ses jambes ne survivra pas à la république !
A l’époque, on ne parle pas encore d’Epinal. L’imagerie, fondée en 1796 par Jean-Charles Pellerin choisit des thèmes martiaux. La mode qu’on y trouve est « militaire », les uniformes rouge et bleu des héros de la Révolution et de l’Empire.
L’épopée terminée après 1815, la gloire militaire n’est plus à l’ordre du jour. Les imagiers changent leur fusil d’épaule et s’intéressent à la vie quotidienne des Français et des Françaises. Donc à l’évolution de la mode.

Cl-L.Desrais, demoiselle en caracot, gravure 1778 ©Musée de l'image ville d'Epinal - Anaïs Toudouze-Magasin des Demoiselles gravure 1778©Musée de l'Image Epina/

Cl-L.Desrais, demoiselle en caracot, gravure 1778 ©Musée de l’image ville d’Epinal – Anaïs Toudouze-Magasin des Demoiselles gravure 1778©Musée de l’Image Epina/

L’Empire en mode crinoline

le Second Empire n’a pas le ton guerrier du premier. La politique s’y fait plus dans les salons que sur les champs de bataille. Les valses de Strauss remplacent le Chant du Départ, ce qui anime les conversations, ce sont les nouvelles modes.
Sous le Directoire les tuniques transparentes des merveilleuses faisaient jaser la bonne société. En 1860, les crinolines du Second Empire excitent à leur tour les critiques des commères et la verve des humoristes.  Comme toutes les nouvelles modes, celle-ci à tendance à s’amplifier. Le jupon empesé d’origine se mue en une cage métallique qui pose problème pour s’asseoir ou franchir une porte. Marcher à deux sur un trottoir ou sous un parapluie s’avère compliqué, comme tenir le bras de son cavalier. La crinoline s’accompagne aussi du corset à baleines qui comprime le thorax. Entraine de fâcheuses pamoisons 

Charles Gangel, la-Crinoline, (air-a-la-facon-de-barbari, détail)©Musée de l'image-Epinal-ph.E.Erfani

Charles Gangel, la-Crinoline, (air-a-la-facon-de-barbari, détail)©Musée de l’image-Epinal-ph.E.Erfani

Suivre de la mode ou pas

La crinoline a pourtant le mérite de cacher les vilaines jambes. Mais aussi celui de balayer le plancher ou de dissimuler un amant. A l’occasion, elle peut servir d’abri de jardin ou de chambre d’ami. De manière prémonitoire elle fournit un parachute improvisé à l’amoureuse désespérée qui se jetterait des tours de Notre-Dame.  A vrai dire on ne la voit guère en dehors des salles de bal ou des salons mondains. Avec elle, il n’est pas question de monter dans un fiacre ou un omnibus en usage à Paris depuis les années 1830. Encore moins dans les tramways qui leur succèdent dès 1867, hippomobiles d’abord, puis à vapeur. Cet encombrant accessoire est incompatible avec l’émancipation de la femme vers laquelle tend la société du XIXe s. Aussi ne survit-elle pas aux mondanités du Second Empire

Léonce Schérer, la Crinolomanie- litho coloriée au pochoir,1857. ©Musée de l'Image, Epinal/ph. E.Erfani

Léonce Schérer, la Crinolomanie- litho coloriée au pochoir,1857. ©Musée de l’Image, Epinal/ph. E.Erfani

La Belle Epoque de la Parisienne

La IIIe République n’est pas spécialement féministe, malgré l’école obligatoire qui concerne autant les filles que les garçons. La Parisienne de la Belle Epoque est pourtant une femme indépendante. Elle sort seule retrouver une amie dans un salon de thé, saute dans un omnibus pour aller … au Bon Marché. Ce premier “grand magasin“ créé en 1852 par Aristide Boucicaut connaît tout de suite un vif succès. Les femmes y circulent librement dans les rayons et les prix marqués la mettent à l’abri des surprises. Une innovation, auparavant les prix se faisaient à la tête de la cliente ! L’initiative de Boucicaut est rapidement imitée. Les Magasins du Louvre ouvrent dès 1855 le  Printemps et la Samaritaine en 1865, suivis des Galeries Lafayette en 1896. Certains créent des antennes en province qui connaissent le même engouement.

Aux Phares de la Bastille Chromolithographie c.1900. Coll Dutailly, © Le Signe, ville de Chaumont et Modes Belle Epoque, Journal des Demoiselles- Chromotypographie 1909 ©Musée de l'Image, Epinal/ph. E.Erfan

Aux Phares de la Bastille Chromolithographie c.1900. Coll Dutailly, © Le Signe, ville de Chaumont et Modes Belle Epoque, Journal des Demoiselles- Chromotypographie 1909 ©Musée de l’Image, Epinal/ph. E.Erfan

Pub, presse et images

Cette nouvelle façon d’acheter qui met la mode à la portée de toutes ne va pas sans publicité. Il faut se faire connaître, attirer le chaland, diffuser en régions les tendances parisiennes, voire afficher les promos. Encore une invention de Boucicaut avec sa grande expo de blanc en janvier. La publicité favorise aussi le développement de la presse féminine. La Mode illustrée (1860), Le Petit Echo de la Mode (1879) Femina, (1901) La Gazette du Bon Ton (1912).
Comme l’indiquent leurs titres, le thème central, voire unique, de ces périodiques est la mode. Laquelle va de pair avec l’illustration et les progrès de l’impression en couleurs. Comme la chromolithographie qui permet des tirages illimités, contrairement au vieux procédé manuel du coloriage aux pochoirs. Les grands magasins éditent aussi des catalogues à chaque changement de saisons, largement distribués dans tout le pays.

La Mode illustrée couverture-1905- Chromotypographie, coll. privée et Jules Chéret 'A la Parisienne'- chromolithographie fin XIXe, Coll Dutailly, © Le Signe, ville de Chaumont

La Mode illustrée couverture-1905- Chromotypographie, coll. privée et Jules Chéret ‘A la Parisienne’- chromolithographie fin XIXe, Coll Dutailly, © Le Signe, ville de Chaumont

Tournures et falbalas

Toute mode a ses outrances. Les humoristes avaient moqué les ridicules de la crinoline. En 1880 la silhouette est dégagée côté face, mais l’ampleur de la jupe se concentre désormais… sur le derrière. Ce qui donne à la femme une cambrure exagérée qui évoque une sorte de remorque ! D’autant plus que le corset minceur de l’époque précédente est toujours là. Il s’est même aggravé en emprisonnant les hanches et les cuisses, forçant l’élégante à trottiner à petits pas de façon bizarre. La première guerre mondiale va bientôt enterrer ces futilités et modifier radicalement la vie des femmes et leur façon de s’habiller.
Dès la fin du siècle d’ailleurs la tendance est à la simplification, à l’allongement de la silhouette, voire à la disparition du corset. C’est du moins ce que montrent les couvertures des magazines illustrées par Iribe et les dessinateurs de l’époque.

Paul Iribe, couverture de Femina, 15 fevrier 1912 et Simone Puget, le Lys rouge, Gazette du Bon Ton, avril 1914. Litho coloriée au pochoir. Coll privée

Paul Iribe, couverture de Femina, 15 fevrier 1912 et Simone Puget, le Lys rouge, Gazette du Bon Ton, avril 1914. Litho coloriée au pochoir. Coll privée

La fin de l’insouciance 

Cette tendance nouvelle se mue en obligation avec la longue guerre qui débute en 1914. Quatre années de galère et de pénurie où les femmes, bourgeoises, ouvrières ou paysannes, ont d’autres soucis que suivre la mode.
Pendant quatre ans, elles doivent se débrouiller seules. Il leur faut prendre des décisions, élever les enfants, et bien sûr trouver des subsides, en l’absence de toute aide sociale. Travailler donc, remplacer les hommes aux champs, à la maison et parfois à l’usine.
Leur façon de s’habiller s’en ressent. Il faut qu’elle soit pratique, solide et sans entrave. Les matières se simplifient, les accessoires disparaissent, les jupes raccourcissent pour plus de commodité. C’est la première fois dans l’histoire que la femme découvre ses mollets. En attendant la provocante jupe “Charleston“ des Années Folles.

Vers une mode libérée

Après la guerre que les créateurs mettent ces nouvelles habitudes au service d’un style nouveau. Après quatre ans de privation, la société a besoin de légèreté et les femmes retrouvent le goût de l’élégance. La mode revient en force, et les journaux de mode aussi. Aux magazines existants s’ajoutent de nouveaux titres : Le Jardin des Modes  en 1922, Modes et Travaux en 1919. Certains paraissent toujours, comme l’incontournable Marie Claire créé en 1937, premier magazine féministe au sens actuel du terme.
Ces revues s’offrent la collaboration d’illustrateurs talentueux dont certains sont devenus célèbres. Paul Iribe, Georges Lepape, André Marty… Au service de la haute couture dont le concept apparaît aussi à cette époque. Paul Poiret est celui qui incarne le mieux cette révolution. Mais n’oublions pas Jeanne Lanvin, Jeanne Paquin, Jacques Doucet, Madeleine Vionnet, Jean Patou.

Le Petit Echo de la Mode, avril 1938- chromotypographie ©musée Niepce-ville de Chalon-sur-Saône/ ph S.Jouanny

Le Petit Echo de la Mode, avril 1938- chromotypographie ©musée Niepce-ville de Chalon-sur-Saône/ ph S.Jouanny

Couverture de Femina, octobre, héliogravure 1936, coll. privée

Couverture de Femina, octobre, héliogravure 1936, coll. privée

Jupes courtes et Années Folles 

En cette époque dite Folle, la mode devient au contraire raisonnable et pratique. Les tournures, corsets, et entraves diverses  sont à jamais révolus. Adieu anglaises, chignons, frisotis, sur les cheveux coupés “à la garçonne“ le chapeau cloche remplace les échafaudages de plumes et fleurs, l’heure est à la sobriété, à la pureté de la ligne et sans artifice.
La mode des Années Folles ne fait pas de cadeau. Elle requiert une silhouette mince et élancée, et un visage à l’ovale parfait pour oser la coiffure à la garçonne. Quant à la jupe courte, elle impose des chevilles fines, des jambes minces et galbées, qu’on n’a pas encore l’habitude d’épiler. Sans compter qu’elle laisse apparaître la jarretière, qui sera bientôt remplacée par un nouvel accessoire : le porte-jarretelles. Mais ceci est un autre détail auquel nos imagiers de la mode ne se sont pas franchement intéressés.

Infos pratiques

“Suivez-moi jeune homme“ – Images de mode et presse féminine (1850-1939).
Musée de l’Image, 42, quai de Dogneville, 88000 Epinal
Tel : 03 29 81 48 30
Musée.image@epinal.fr
Jusqu’au dimanche 28 février 2021
Ouvert chaque jour sauf lundi, 14h-18h,  9h30-18h vendredi et dimanche
Entrée : 6 TR 4,50, moins de 18 ans : 1€

 www.museedelimage.fr 

Photo d’ouverture « Bonjour ! planche tirée de la Gazette-du-Bon-Ton, 1921 »

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