Notre-Dame vue de la Seine

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Notre-Dame vue de la Seine

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Cinq ans se sont écoulés depuis l’incendie qui fit tomber la flèche de Notre-Dame et menaça de détruire la cathédrale. En attendant la réouverture annoncée début décembre on ne peut plus pénétrer dans la nef ni monter dans les tours. Mais on peut descendre les quelques marches qui conduisent sous le parvis à la crypte archéologique, baignée par les eaux de la Seine.

Avant que la Gaule devienne chrétienne, il existait sur l’île un temple à Jupiter dont on ne trouve pas trace. On trouve en revanche sous le parvis de la cathédrale, des témoignages du Paris d’avant Lutèce. Un amas de blocs et de roches a priori peu accueillant qui sert de cadre à une exposition d’un genre particulier. Depuis que « sous les ponts de Paris coule la Seine… », les habitants qui les empruntent ont coutume d’y jeter toutes sortes d’objets. Avant le ramassage des ordures instauré en 1883 par le préfet Eugène Poubelle, le fleuve servait même carrément… de poubelle.   Bonne fille, la Seine évacuait vers la mer tous ces déchets. À l’exception des plus lourds, restés dans le fond qui font le bonheur des archéologues et le thème d’une nouvelle exposition.

Seine - Vestiges de murailles dans la Crypte Archéologique ©Musée Carnavalet

Vestiges de murailles dans la Crypte Archéologique ©Musée Carnavalet

Seine - Cruche en céramique fine 1er s. Gobelet céramique grise 2e 3es ©Musée Carnavalet

Cruche en céramique fine 1er s. Gobelet céramique grise 2e 3es ©Musée Carnavalet

Sequana fille du fleuve

Ce n’est pas d’hier qu’on s’intéresse aux dessous de Notre-Dame. En 1711, des ouvriers exhument sous le chœur, des débris sculptés qui s’avèrent être ceux du pilier des Nautes parisiens. Une inscription permet de le dater du début du règne de Tibère, au 1er siècle. Ce vestige ne figure pas dans l’exposition, pour le voir, il faut traverser la Seine et monter le boulevard jusqu’au musée de Cluny. Il témoigne de l’importance de la corporation des Nautes et du rôle essentiel du fleuve dans la vie des Lutéciens. Au point de la diviniser en déesse Sequana. Dès les premiers siècles pourtant, un réseau de voies romaines sillonne le territoire de la Gaule. La rue St Jacques rive gauche et la rue St Martin qui la prolonge rive droite ne sont autre que l’ancien cardo romain. La voie fluviale s’avère néanmoins la manière plus commode de faire circuler les gens et les marchandises. 

Gaine d'encrier en alliage de plomb, 15em 16ems. Enseigne de pèlerinage, 13e 16ems. St Christophe portant Jésus (étymologie du prénom…).

Gaine d’encrier en alliage de plomb, 15em 16ems. Enseigne de pèlerinage, 13e 16ems. St Christophe
portant Jésus (étymologie du prénom…).

 « Sur une île de la Seine » 

Les traces des premiers Franciliens ne se trouvent pas à Paris intra-muros mais à Clichy. Un ancien lit de la Seine offre en effet des traces d’occupation humaine vieilles de 25 à 85.000 ans.  Ainsi qu’à Bercy, où ont été découvertes plusieurs pirogues néolithiques dont une est exposée à l’entrée du Musée Carnavalet. L’expo sous la crypte nous entraîne au-delà de César, à la rencontre de nos ancêtres chasseurs de Neandertal. Même s’il est difficile d’imaginer leur vie au travers de quelques silex et des débris de pirogues. L’époque gallo-romaine est mieux documentée. César mentionne dès le 1er siècle av JC, l’oppidum des Parisii sur une île de la Seine. Simple bourgade probablement, loin de s’imposer encore dans le paysage de la Gaule à l’instar de Lyon et Marseille. Des statuettes en bronze d’Apollon, de Mercure, dieu du commerce attestent l’importance des échanges.

Seine - Ensemble de flacons gallo-romains que le temps a joliment irisés, sans les casser ©F.D.

Ensemble de flacons gallo-romains que le temps a joliment irisés, sans les casser ©F.D.

Capitale de l’Empire 

À la fin du IVe siècle, la ville des Parisii devient quelques années la capitale de l’Empire Romain ! L’empereur Julien apprécie la douceur du climat lutécien au point de venir passer l’hiver en bord de Seine Le palais qu’il fait construire à la pointe de l’île de la Cité devient ensuite celui des premiers rois capétien. Moult fois reconstruit et modernisé, il est aujourd’hui notre Palais de Justice. De l’époque romaine restent les ruines des Thermes, sur le site de Cluny, et les vestiges des Arènes de Lutèce, rue Monge. Miraculeusement découvertes lors des travaux d’Haussmann, elles échappent à la démolition grâce à Victor Hugo… comme la cathédrale ! Cette douceur de vivre sous la pax romana est balayée au IVe s par l’arrivée des barbares. Germains, Francs, Alamans… submergent la Lutèce romaine, chassent les habitants. Aqueduc, thermes, théâtre sont démantelés… Lutèce devient « la ville des Parisii ». 

Mercure coiffé d'un pétase et portant une bourse. Apollon reconnaissable à sa coiffure. Deux statuettes d'époque gallo-romaine ©Musée Carnavalet

Mercure coiffé d’un pétase et portant une bourse. Apollon reconnaissable à sa coiffure. Deux statuettes d’époque gallo-romaine ©Musée Carnavalet

Statuette de chevalier, alliage de plomb. Soldat à la cote de maille. ©Musée Carnavalet©Musée Carnavalet

Statuette de chevalier, alliage de plomb. Soldat à la cote de maille. ©Musée Carnavalet
©Musée Carnavalet

Genèse d’une capitale

C’est cette Lutèce des Parisii qui nous est révélée à travers les objets que les caprices du fleuve ont jetés à la rive. Ils racontent la genèse de notre capitale, de la bourgade néolithique à la métropole tentaculaire qu’on connaît. Ils nous éclairent surtout sur la vie des premiers Parisiens, leurs croyance, leurs activités et leur mode de vie. Des profondeurs du fleuve les plongeurs ont remonté des silex taillés qui servent à tout : couper du bois, découper le gibier. En archéologues consciencieux, ils ont même tenté – avec succès – de les utiliser pour tailler des carcasses ou racler des peaux. Ces outils tranchants servent aussi à se défendre contre des individus mal intentionnés. Nos Parisiens néolithiques possèdent néanmoins des armes plus sophistiquées. Des haches de guerre, lances à ailerons, ou une élégante petite épée à garde torsadée.   

Seine - Nasse de pêche 1er siècle en vannerie de sureau et noisetier, découverte à Pont-sur-Seine dans l'aube pour piéger les poissons migrateurs. Un état exceptionnel après 20 siècles passés dans l'eau ! ©FD

Nasse de pêche 1er siècle en vannerie de sureau et noisetier, découverte à Pont-sur-Seine dans l’aube pour piéger les poissons migrateurs. Un état exceptionnel après 20 siècles passés dans l’eau ! ©FD

Les Lutéciens au quotidien

Les fouilles de la Seine ont livré en outre de nombreux témoignages de la vie quotidienne et laborieuse à Lutèce. Une ingénieuse nasse de pèche en vannerie, miraculeusement conservée permet de piéger les poissons offerts généreusement par la Seine. On n’a pas de recettes culinaires de l’époque. Mais le fleuve a conservé la vaisselle et le matériel de cuisine, qui n’ont rien de « barbare » n’en déplaise à César. Des gobelets métalliques accompagnent des cruches et des pots tournés en céramique fine, des verreries d’une grande élégances.  Les enfants sont même gâtés, si l’on en croit une dînette très complète provenant d’une petite néandertalienne. Ou des mini soldats de plomb destinés aux galopins du Néolithique auxquels les nôtres n’auraient sans doute rien à apprendre. Sauf peut-être l’existence du Père-Noël ?

Seine - Un des 400 mascarons qui ornent l'extérieur du Pont Neuf. Celui-ci a été repêché au fond du fleuve ©Brigade fluviale de Paris

Un des 400 mascarons qui ornent l’extérieur du Pont Neuf. Celui-ci a été repêché au fond du fleuve ©Brigade fluviale de Paris

Informations pratiques

Objets trouvés dans la Seine, de la Préhistoire à nos jours.
Crypte archéologique de l’Île de la Cité – Parvis de Notre-Dame, Place Jean-Paul II
Ouvert chaque jour sauf lundi, 10h-18h
Entrée: 9€, TR: 7€, gratuit pour les moins de 18 ans
Réservation conseillée : www.billetterie-parismusees.paris.fr

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