Paris côté Régence 1715-1723

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Paris côté Régence 1715-1723

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Versailles dimanche 1er septembre 1715, 8h15, « Le Roi Louis XIV est mort… »  À quatre jours de son 77e anniversaire et dans la 72e année de son règne. Enfin ! durent penser certains, à commencer par l’aîné de ses neveux Philippe d’Orléans à qui est dévolue la Régence à venir. Un soulagement inavoué partagé par l’ensemble de la population. À part quelques rares centenaires, les Français de l’époque n’ont connu que lui, Louis XIV !

La fin de règne avait été pesante, marquée par les deuils successifs et les voiles noirs de Madame de Maintenon. Les Français passent d’un monarque quasi octogénaire à un royal bambin de cinq ans sous la Régence de son oncle le duc d’Orléans. Premier prince du sang, fils aîné du frère de Louis XIV, le Régent a laissé dans l’opinion, une réputation sulfureuse de libertin. On l’a même accusé d’inceste avec sa propre fille et soupçonné d’être à l’origine des décès suspects de ses cousins. N’avait-il pas vocation à coiffer la couronne si le jeune Louis XV était mort prématurément, comme ses frères et ses parents ? Le nouveau Régent est loin d’être un ange. Toutefois, il remplit plutôt bien la charge qui lui est confiée. Jusqu’à mourir moins de dix mois après la majorité officielle du jeune roi.

Régence - Attr, Jean Bérain, Le Régent et son fils dans son cabinet de travail. ©musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

Attr, Jean Bérain, Le Régent et son fils dans son cabinet de travail. ©musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

Régence itinérante, de Versailles à Paris 

La Régence qui lui échoit n’est pas une sinécure… Un pays en guerre, affligé d’une dette abyssale qu’il va s’efforcer de combler sans y parvenir. Sa première décision est de quitter Versailles pour s’installer à Paris, avec son royal pupille. Chez lui au Palais Royal, le prince peut mener la vie qui lui convient, loin des regards des courtisans. Bref intermède, dès 1722, quelques mois avant sa mort, la cour réintègre Versailles, à l’écart de la foule parisienne. Sa Régence de sept ans a été jalonnée de divers événements dont un des plus marquant fut la visite du tsar en 1717. Une anecdote largement illustrée montre ce géant de Pierre le Grand saisissant dans ses bras le frêle enfant de sept ans. Mieux qu’une visite diplomatique, Pierre visite Paris, s’intéresse à tout, s’enquiert de tout. Premier jalon dans l’histoire des relations France-Russie.

À g. Louis de Boullogne – Le jeune roi, en blanc (pour le deuil de son arrière-grand-père) sur un trône trop grand pour lui, reçoit l'hommage des magistrats de la ville de Paris.©Françoise Deflassieux. À dr. Augustin-Oudart Justinat, Le Roi deux ans plus tard, sceptre en main, appuyé sur une console en bois doré ©musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

À g. Louis de Boullogne. Le jeune roi, en blanc (pour le deuil de son arrière-grand-père) sur un trône trop grand pour lui. Il reçoit l’hommage des magistrats de la ville de Paris.©Françoise Deflassieux. À dr. Augustin-Oudart Justinat, Le Roi deux ans plus tard, sceptre en main, appuyé sur une console en bois doré ©musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

Paris, capitale de la Régence

La capitale passe alors pour « la plus grande et la plus belle ville du monde »… à part Londres, reconstruite après l’incendie de 1666. Une forte immigration a porté sa population à 500 000 habitants qui se bousculent dans les rues étroites.  Le plan Turgot de 1734 montre une ville encore médiévale dans son centre historique mais en expansion et en voie de modernisation. Il y a déjà des « cours promenade », de larges avenues et quelques places à la mode italienne. Place Royale (des Vosges), place Vendôme, place des Victoires, en attendant la Concorde, encore en chantier. Plusieurs jardins sont ouverts au public : Tuileries, Luxembourg, Palais Royal …  Côté Rive Droite un boulevard semi-circulaire amorce des Grands boulevards. Il a remplacé les anciennes fortifications. Paris est devenue une ville ouverte. Le mur des Fermiers généraux ne sera construit qu’en 1785. 

Jean-Baptiste Oudry, Le Petit Pont après l’incendie, il sera reconstruit sans les maisons. Notre-Dame à l'arrière-plan n'a pas encore sa flèche ©musée Carnavalet

Jean-Baptiste Oudry, Le Petit Pont après l’incendie, il sera reconstruit sans les maisons. Notre-Dame à l’arrière-plan n’a pas encore sa flèche ©musée Carnavalet

Le Régent trouve un système

La ville se transforme et se modernise en douceur, en attendant les démolitions drastiques d’Haussmann. Le dramatique incendie du Petit Pont en 1718 fait apparaître le danger des maisons sur les ponts. On le reconstruit donc sans maisons, comme le sont déjà le Pont Neuf et le Pont Royal. À la fin du siècle, on décide aussi de supprimer les bâtiments de tous les ponts de Paris. Plus facile à dire qu’à faire ! Il faut exproprier, indemniser et reloger les occupants des maisons et des boutiques. Dont celle du « galeriste » Gersaint immortalisée par Watteau.  Tout cela coûte beaucoup d’argent que le Régent n’a pas ! Jusqu’au jour où arrive l’homme providentiel. Un certain John Law, écossais d’origine et financier de son état, qui propose un moyen moderne de s’en procurer. Sans revenir sur la faillite du système de Law, premier krach boursier de l’Histoire et la pagaille qui s’ensuivit rue Quincampoix.

Régence - Nicolas Besnier, Aiguière et son bassin, d'un ensemble en vermeil créé en 1720 pour le mariage de Charlotte Aglaé, fille du Régent avec le duc de Modène.

Nicolas Besnier, Aiguière et son bassin. Fait partie d’un ensemble en vermeil créé en 1720 pour le mariage de Charlotte Aglaé avec le duc de Modène. Elle était la fille du Régent.©Françoise Deflassieux.

Commodes et Consoles

Si en matière de finance la Régence est un fiasco, dans le domaine artistique elle genère un style qui dépasse sa durée historique. Inventée dit-on par Boulle au début du XVIIIe, la commode « à la Régence » est un meuble imposant à trois rangs de tiroirs. Plaquée de bois précieux, ornée de coquilles et d’acanthes de bronze, couverte d’un marbre, c’est un meuble de présentation. On y dispose des candélabres, des vases, une pendule et divers objets. Les angles sont souvent garnis de figures de bronze dites « espagnolettes » en hommage à la jeune infante première fiancée du roi. Autre meuble emblématique, la console de bois doré n’a d’autre utilité que de servir de support à divers bibelots. Elle est en outre surmontée d’un trumeau miroir encadré de bois doré. Plus fonctionnel et promis à un bel avenir, le grand bureau plat couvert d’un cuir aux angles garnis d’acanthes de bronze. 

Attr François Roumier, Console aux chimeres, c. 1720 . ©musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

Attr François Roumier, Console aux chimeres, c. 1720 . ©musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

L’art de s’asseoir en société

Transition entre la majesté du Grand Siècle et les frivolités du Louis XV, le style Régence offre des lignes sobres et élégantes. Les sièges, au rebours de la rigidité louis-quatorzienne, s’allègent, se diversifient et deviennent plus mobiles. C’est l’époque où on invente la salle à manger et les chaises qui vont avec. Le fauteuil se décline en diverses versions. Dossier incliné, accotoirs rembourrés, Bergères, cabriolets, fauteuil « à la Reine »… sont révélateurs d’une société conviviale qui cultive l’art de la conversation.  Cette sociabilité s’exprime dans les accessoires qui accompagne les boissons nouvelles, le café, le thé, le chocolat… désormais associées aux plaisirs de la vie de société. On crée pour elles des ustensiles nouveaux : théière, cafetière, sucrier… en argent ou en vermeil. Ou en porcelaine, cette céramique nouvelle venue de Chine que les occidentaux ne maîtrisent pas encore.

Régence - nécessaire à thé du Régent, en vermeil et porcelaine dans un coffret d'acajou, c.1717-1722

nécessaire à thé du Régent, en vermeil et porcelaine dans un coffret d’acajou, c.1717-1722

La couronne du sacre de Louis XV, remontée après la cérémonie avec des pierres factices, dont au centre "le Régent". Seule couronne royale ayant échappé au vandalisme révolutionnaire. Jean-Louis Lemoyne, Philippe d'Orléans, premier prince du sang et Régent de France. Un profil parfaitement louisquatorzien, photo FD. ©musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

La couronne du sacre de Louis XV, remontée après la cérémonie avec des pierres factices, dont au centre « le Régent ». Seule couronne royale ayant échappé au vandalisme révolutionnaire.©Françoise Deflassieux. Jean-Louis Lemoyne, Philippe d’Orléans, premier prince du sang et Régent de France. Un profil parfaitement louisquatorzien, photo FD. ©musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

A savoir

La Régence prend fin officiellement à la majorité du roi le 22 février 1723, quelques mois avant la mort de Philippe d’Orléans le 2 décembre. Le style évolue alors progressivement vers la rocaille Louis XV. En guise de point d’orgue, l’exposition s’achève en beauté sur les 140,5 carats du « Régent ».  Ce diamant qui fut longtemps le plus gros du monde était enchâssé le jour du sacre à Reims, sur la couronne du jeune roi.

Informations Pratiques

La Régence à Paris, 1715-1723 l’Aube des Lumières
Musée Carnavalet
23, rue de Sévigné
Tel: 01 44 59 58 58
Ouvert chaque jour sauf lundi, 10-18h, Jusqu’au 25 févier 2024
Entrée: 13€ – TR 11€
Gratuit pour moins de 18ans
www.billetterie-parismusees.paris.fr

Photo d’ouverture de l’article : Pierre-Denis Martin,  la Seine vue du quai de Bercy, en 1716- ©Musée du Louvre

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