Le Domino Noir : une intrique peu catholique pendant une nuit de Noël

A la une, Spectacles - Théâtre

Le Domino Noir : une intrique peu catholique pendant une nuit de Noël

105

Pour ceux qui ne connaissent pas Le Domino Noir, il faut savoir qu’au siècle de Nerval et de Tchaïkovski, de Gautier et de Wagner, il résumait l’Opéra-Comique, avec sa troupe aussi brillante dans le chant que dans le jeu. Ses pièces conciliaient virtuosité musicale et finesse satirique.

Le dramaturge Scribe et le compositeur Auber, ses deux auteurs, étaient les plus prolifiques de leur temps. Leurs productions passaient facilement les frontières. Ce Domino noir, leur 22e collaboration, créée en 1837, ne quitta les affiches de l’Opéra-Comique qu’en 1911. Elle y demeure encore. Il s’agit du neuvième titre le plus joué du répertoire, avec 1201 représentations.

Le Domino Noir - Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet), Horace de Massarena (Cyrille Dubois)

Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet), Horace de Massarena (Cyrille Dubois)

Le Domino Noir - Brigitte de San Lucar (Victoire Bunel), Comte Juliano (Léo Vermot-Desroches), Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet)

Brigitte de San Lucar (Victoire Bunel), Comte Juliano (Léo Vermot-Desroches), Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet)

Le Domino Noir

Au XIXè siècle, ce titre énigmatique du Domino noir évoquait toutes les facettes du genre opéra-comique. C’est à dire le jeu et le travestissement par le double sens du mot domino. En fait, il s’agit de la possibilité d’une héroïne comme d’un héros, d’incarner le mystère et l’intrigue, le bal et le carnaval… Et ce, sous le long manteau à capuche qu’était avant tout un domino. La décennie 1830 était celle du triomphe de la monarchie bourgeoise, de ses valeurs libérales, de l’épanouissement romantique et d’une effervescence culturelle exceptionnelle à Paris.

Trois actes contrastés

Le premier acte est aristocratique et élégant. Puis le second, familier et comique. Enfin,  le troisième de couleur religieuse avec son intrigue échevelée et presque en temps réel. Il se déroule pendant une nuit de Noël peu catholique, de minuit moins le quart à 4 heures du matin (office des matines). Cette oeuvre équilibre le parlé, le chanté et mélange des ingrédients issus d’une comedia espagnole* et d’un conte de fées**.

*La Dame lutin de Calderón de la Barca.
**Cendrillon.
Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet), Horace de Massarena (Cyrille Dubois), chœur les éléments

Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet), Horace de Massarena (Cyrille Dubois), chœur les éléments.

Marie Lenormand (Jacinthe)

Marie Lenormand (Jacinthe)

A savoir

En dépit de ces sources anciennes, l’action est contemporaine du public de la création, fait rare à l’époque romantique. Son humour et sa légèreté permirent au livret d’être agréé tel quel par la censur., Scribe égratigne ensemble les romantiques en la personne du héros Horace, rêveur et crédule. Sans oublier les aristocrates avec le comte Juliano, fêtard indifférent à la guerre civile. L’ancrage madrilène de l’action permet d’épingler les Espagnols, les Anglais et même les Français.

Arrivée de l’Espagne dans l’histoire musicale

Pour les mélomanes de 2024, Le Domino noir marque l’avènement, dans notre histoire musicale. Une Espagne de convention mais ô combien inspirante. Après un siècle de classicisme dramatique qu’avait ouvert le Cid et que Figaro avait refermé, l’Espagne fantasmée devint à partir de la création du Domino noir le 2 décembre 1837 une source féconde de formes musicales et chorégraphiques. Et à l’Opéra- Comique, l’horloge déréglée qui inaugure le premier acte du Domino noir en 1837 sonne toujours en 1911 dans L’Heure espagnole de Ravel !

Le Domino Noir - Comte Juliano (Léo Vermot-Desroches), chœur les éléments

Comte Juliano (Léo Vermot-Desroches), chœur les éléments

Le Domino Noir - Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet), Horace de Massarena (Cyrille Dubois), chœur les éléments.

Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet), Horace de Massarena (Cyrille Dubois), chœur les éléments.

Les femmes en ligne de mire

Le Domino noir repose sur une intrigue conduite et résolue par deux femmes, respectivement Angèle de Olivarès et la reine d’Espagne. Cette dernière ne pouvait pas paraître en scène puisqu’il s’agissait d’une souveraine en exercice, la régente Marie-Christine de Bourbon-Sicile, nièce de Louis-Philippe. Cette veuve de 31 ans, qui régnait en 1837 sur un pays déchiré par les guerres carlistes, pouvait-elle être la belle inconnue dissimulée par le domino noir, et qui perdait au bal du premier acte un bracelet de diamants ?

Un succès jamais démenti

Le Domino noir fait partie des opérascomiques qui ont eu le plus de succès au XIXe siècle, non seulement en France mais dans quantité d’autres pays. Signe de sa très large diffusion, il a été traduit dans quatorze langues. À Paris, il totalise 1195 représentations jusqu’en 1911 (chiffre de Stéphane Wolff) – toutes à l’Opéra-Comique – et les Annals of opera (1943) d’Alfred Loewenberg signalent encore des représentations au Théâtre de la Porte-Saint-Martin en 1937.

Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet), chœur les éléments.

Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet), chœur les éléments.

Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet), Horace de Massarena (Cyrille Dubois).

Angèle de Olivarès (Anne-Catherine Gillet), Horace de Massarena (Cyrille Dubois).

Le premier acte

Le premier acte du Domino noir présente un caractère exceptionnel. Il commence par un long dialogue comme une pièce de théâtre. L’action se déroule dans les appartements de la reine d’Espagne à Madrid, pendant un bal de Noël. Il y a neuf personnages. Dans la première scène paraît un riche Anglais ridicule, Lord Elfort. Un type comique que l’on trouve déjà dans Fra Diavolo (1830) des mêmes Scribe et Auber, avec Lord Kokbourg. Mais aussi dans le dernier opéra comique d’Auber « Le premier jour de bonheur » avec Sir John Littlepol. Comme son prédécesseur, Elfort se distingue par son français fautif et son accent anglais. Les seuls intérêts qu’il trouve au bal sont l’alcool et le whist. Maître soi-disant incontesté de ce jeu à Londres, il a pourtant été battu par un « petite diplomate espagnole »… Jaloux, il est convaincu que son épouse est éprise d’Horace de Massarena.

Gil Perez (Jean-Fernand Setti), Comte Juliano (Léo Vermot-Desroches), Marie Lenormand (Jacinthe), Horace de Massarena (Cyrille Dubois), Lord Elfort (Laurent Montel).

Gil Perez (Jean-Fernand Setti), Comte Juliano (Léo Vermot-Desroches), Marie Lenormand (Jacinthe), Horace de Massarena (Cyrille Dubois), Lord Elfort (Laurent Montel).

Le Domino Noir - affiche

Affiche

Pour la suite

Nous ne vous en dirons pas plus pour ne pas dévoiler l’intrigue. Mieux vaut aller voir ce spectacle qui vous fera vibrer du début à la fin.

Infos pratiques

Opéra Comique
01 70 23 01 31
www.opera-comique.com
1, place Boieldieu
75002 Paris
Spectacle en français, surtitré en français et anglais. Durée 2h30 entracte inclus.
A voir jusqu’au 28 septembre.

Crédit Photos : Opéra Comique.

A lire aussi sur le Site Dynamic Seniors : https://dynamic-seniors.eu/rentree-42-piece-magistralement-interpretee/

Les commentaires ne sont pas disponibles!