Au futur Louis XV, Louis XIV a dit sur son lit de mort : Mignon, vous allez être un grand roi . C’est vrai qu’il est mignon le bambin de cinq ans que le destin propulse sur le trône de France le 1er septembre 1715. Unique rescapé de l’incroyable hécatombe qui emporte son père, sa mère, ses frères, deux ans tout juste après sa naissance. Lui n’en réchappe que grâce à sa nourrice qui interdit aux médecins de la cour de s’approcher de lui. Fut-il un grand roi ? Encore faut-il savoir ce qu’on entend par là.
L’exposition du tricentenaire du sacre de Louis XV est axée sur la personnalité du roi plus que sur les événements du règne. Il fut d’abord Louis le Bien Aimé, la France se sentant un instinct maternel pour le jeune orphelin devenu son monarque. En attendant sa majorité, c’est son oncle, Philippe d’Orléans, qui prend la Régence. Ce dernier, pour échapper au deuil et à l’éventuelle contagion emmène l’enfant à Paris, au Palais Royal sa résidence propre. La cour revient à Versailles en juin 1722. Le jeune roi est sacré à Reims quatre mois plus tard. Il devient officiellement majeur le 15 février 1723, six mois avant la disparition du Régent Philippe.
Louis XV – La Passion des sciences
L’exposition qui fait le tour du personnage sous tous ses aspects affiche pour sous-titre « Passions d’un Roi ». Fut-il un passionné, ce roi du siècle des Lumières ? On connaît son addiction à la chasse, qu’il partage avec tous ses ancêtres, et son appétit excessif pour les femme. On connaît aussi la formidable explosion des idées au « Siècle des Lumières », des arts, des sciences et des techniques. C’est de ce côté que se porte surtout l’intérêt de Louis XV.Un tableau mécanique récemment redécouvert nous montre le jeune roi recevant une « leçon de science ». Ces leçons éveillèrent-elles le goût de l’enfant pour la connaissance ? Louis partage avec son époque le sentiment d’être dans un siècle de progrès, de découvertes. Mais il tient aussi de son arrière-grand-père l’intérêt pour l’astronomie, l’exploration du ciel en progrès constant depuis Copernic.
Horlogerie et Astronomie
Peut-être, tout petit, a-t-il vu à Marli les globes géants de Coronelli, offerts à Louis XIV en 1703. Mais ils sont démontés en 1715 et ne seront réexposés qu’en 1782. Ce n’est pas un hasard si le parcours de l’exposition s’ouvre sur la pendule astronomique de Claude-Siméon Passemant. Outre l’heure, elle indique le cours des planètes, la date, les phases de la lune, avec une précision absolue jusqu’en 9999 ! Le tout, dans une rocaille de bronze doré de Caffieri. Ce chef-d’œuvre technique a été épargné par la grande braderie révolutionnaire de 1794 qui vida le palais de son contenu. Le microscope du même Passemant n’a pas eu la même chance. Versailles l’a récupéré par préemption pour 830 000€ dans une vente de Christie’s à Paris il y a juste un an. Passemant est aussi l’auteur des deux « globes mouvants » terrestre et céleste destinés à l’origine au château de la Muette.
L’Heure des navigateurs
C’est encore à lui qu’on attribue la Pendule de la Création du Monde destinée à Dupleix gouverneur de Pondichéry. Les progrès de l’horlogerie au XVIIIe sont en relation avec les expéditions maritimes. Le chronomètre de marine dans sa simple boîte d’acajou est indispensable au capitaine pour calculer la position exacte du navire. Par comparaison entre l’heure au soleil et à celle de Paris. Il doit donc être le plus précis possible. Ainsi armés à la pointe de la technique, les navigateurs du Roi de France se lancent à la découverte du monde. En âpre concurrence avec ceux du Roi d’Angleterre. La plus célèbre des grandes expéditions du règne est le Voyage autour du Monde du comte de Bougainville de 1766 à 1769. Sa publication en 1771-72 connaît un incroyable succès. À la même date, l’Anglais James Cook part, lui aussi à la découverte du globe pour le compte de son gouvernement.
Cohabitation et malentendus
Les capitaines des deux nations embarquent, outre l’équipage, des astronomes, des géographes, des naturalistes, des dessinateurs. Mais la cohabitation n’est pas simple entre les marins et les savants. Ces éminents personnages ont du mal à admettre que le seul maître à bord est le capitaine. Bougainville, Cook, La Pérouse, Baudin, auront le même problème… et l’envie de débarquer ces arrogants à la première escale. Bon an mal an, ces expéditions permettent de connaître le monde et d’affiner la cartographie. Elles visent aussi à apporter aux indigènes les bienfaits de la civilisation. Malgré les consignes du haut commandement, les contacts avec les autochtones ne se passent pas toujours bien. James Cook termine sa carrière en 1779 assassiné par les Hawaïens (et peut-être mangé !). Huit ans plus tard Fleuriot de Langle, capitaine d’une des frégates de La Pérouse se fait massacrer avec dix de ses hommes.
Louis XV et La Botanique
Ces déboires ne découragent pas les autres. Dans les cales des vaisseaux on entrepose des plants et des pousses de fleurs et de fruits aujourd’hui courants mais alors peu connus. Vanille, figues, ananas, abricots, variétés de pêches ou de cerises, tulipes, marguerites, jacinthes, jasmins, aloès…. On tente de les acclimater dans des serres chaudes, avec plus ou moins de succès. Et sans toujours savoir si ces plantes sont comestibles, médicinales ou décoratives. Le public se méfie souvent de ces nouveautés, comme la pomme de terre (bonne pour les cochons !). Il en est de même de la tomate dont la couleur rouge fait penser au poison et qui reste longtemps purement décorative. Pas de danger quand ces plantes sont dessinées d’un pinceau délicat par des artistes comme Madeleine Basseporte ou Claude Aubriet. Leurs dizaines de gouaches sur vélin, destinées au monarque sont aujourd’hui au Muséum.
Les porcelaines de la Marquise
Les arts proprement dits sont le domaine de Madame de Pompadour. La marquise protège les artistes, pose pour Boucher, Drouais, La Tour, et se passionne pour les arts décoratifs. L’orfèvrerie, brille d’un éclat particulier. Mais la plupart des chefs-d’œuvre ont fini au creuset pour financer, entre autres, la guerre avec la Prusse. Restent quelques rares exemples comme le service livré en 1738 par l’orfèvre Roettiers au comte de Berkeley. Sans même parler de la vaisselle d’or des tables royales dont ne subsiste que le souvenir. La porcelaine, malgré sa fragilité n’a pas connu les mêmes déboires. Une nouveauté à l’époque, strictement protégée. La plus réputée est la Manufacture Royale de Sèvres dont la marquise fait une affaire personnelle. Tous les ans elle organise à Versailles une exposition vente où les invités se font un devoir d’acquérir quelques pièces, quitte à leur forcer un peu la main.
Louis XV dans ses meubles
Le plus spectaculaire, c’est l’ébénisterie. Deux chefs d’œuvre en résument l’évolution. Une superbe commode de Gaudreaus, bois de violette et bronzes de Caffieri, passée de la chambre du roi à la collection Wallace. Et le fameux « bureau du roi » d’Oeben et Riesener, magnifique illustration de la Transition Louis XV-Louis XVI. Ce chef d’œuvre a été épargné par les ventes révolutionnaires. Sans être intégré à l’exposition, on le trouve en fin du parcours, dans son cadre habituel. Les ébénistes inventent aussi toute sorte de petits meuble volants en bois précieux, symbole de raffinement et de douceur de vivre. On appelle parfois « Pompadour » ce style rocaille fait de galbes et de dorure. Mais le véritable goût de la marquise la portait à plus de simplicité. Dès la fin des années 1750, les lignes se redressent, les dorures se font plus discrètes, les bois clairs font place à l’acajou.
Chez la comtesse du Barry
Une favorite chasse l’autre. La marquise de Pompadour meurt en 1764, la comtesse du Barry lui succède auprès du Roi en 1768. Dans un appartement relativement simple, au dernier étage du palais, qui vient juste d’être restauré. Les boiseries droites annoncent le style Louis XVI. Après la mort de Louis XV la favorite se réfugie dans son château de Louveciennes avec son mobilier que les restaurateurs s’efforcent de remplacer. Détail intéressant les révolutionnaires dans leur ardeur à effacer les symboles de « la tyrannie » ont négligé le dernier étage. Les cheminées de marbre ont donc conservé intactes les fleurs de lys d’angles, seules d’origine à Versailles. En revanche ils n’ont pas raté la comtesse. Réfugiée en Angleterre, elle commet l’imprudence de revenir chez elle récupérer quelques bijoux. Reconnue et arrêtée elle est guillotinée le 18 frimaire de l’An II (8 décembre 1793), deux mois après la reine.
Retours temporaires
Cette exposition est une occasion unique d’admirer dans leur cadre d’origine des trésors nationaux qui n’auraient jamais dû en sortir. L’interminable vente aux enchères de 1793 à 1794 a vidé le palais de son mobilier. Les transformation de Louis-Philippe, quarante ans plus tard l’ont privé de ses décors. Les restaurateurs arrivent à restituer ou reconstituer ces derniers. Quant aux meubles, on en récupère parfois sur le marché de l’art, mais ce qui est dans les musées étrangers ne reviendra pas. Le retour temporaire de quelques-unes à Versailles est donc l’occasion unique de les revoir à leur place. Merci à la Wallace Collection, à la National Gallery, au château de Sans-Souci, de se séparer un temps de quelques chefs-d’œuvre. Ainsi qu’au Musée de Dresde et à aux collectionneurs grâce auxquels le Versailles de Louis XV retrouve pour un temps un peu de son âme.
A Savoir
Mécénats
Remeubler et restaurer Versailles est un challenge perpétuel pour les conservateurs du palais. Le hasard amène parfois sur le marché de l’art, souvent à Londres où New-York une commode ou un secrétaire. La marque au feu du garde-meuble de la Couronne permet de les identifier. Ce qui fait monter les enchères au sommet, l’état ne pouvant exercer hors de France son droit de classement ou de préemption. Il peut heureusement compter sur de généreux mécènes, en France et à l’étranger. Ce fut le cas en novembre 2021 pour le chronomètre de Passement, préempté à 830.000€ chez Christie’s Paris grâce à l’Oréal. Le mécénat de Rolex a permis la restauration compliquée de la pendule de Passemant, et c’est grâce à AXA qu’on a pu mener à bien la rénovation de l’appartement de Madame du Barry.
Informations pratiques
Exposition : Louis XV, Passions d’un Roi – jusqu’au 19 février 2023
Ouvert chaque jour sauf lundi 9h-17h30
Entrée (château et expo) : 19€30 – TR : 14€30
Gratuit : moins de 18 ans et moins de 26 ans pour les résidents UE
Château de Versailles – 78000 Versailles
Renseignements et réservations : 01 30 83 75 05
Site internet : https://www.chateauversailles.fr
A voir aussi sur le Site Dynamic Seniors : https://dynamic-seniors.eu/terrines-pates-en-croute-rillettes-charcuteries-ferrandi/
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