Sebastião Salgado à Deauville : une vie en images, un monde à cœur ouvert

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Sebastião Salgado à Deauville : une vie en images, un monde à cœur ouvert

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Des visages marqués, des paysages majestueux, des peuples oubliés et une planète fragile. C’est tout cela que raconte l’œuvre de Sebastião Salgado, exposée aux Franciscaines de Deauville jusqu’au 1er juin 2025.

À travers plus de cinq décennies de photographies en noir et blanc, le photographe brésilien retrace un demi-siècle d’humanité blessée, mais aussi d’espérance. Une exposition aussi bouleversante que lumineuse.

Le photographe Sebastião Salgado avec Simon Baker, Pascal Hoel et Philippe Augier, maire de Deauville, lors de la conférence de presse. ©Caroline Paux

Le photographe Sebastião Salgado avec Simon Baker, Pascal Hoel et Philippe Augier, maire de Deauville, lors de la conférence de presse. ©Caroline Paux

Sebastião Salgado : « Ma  vie est sur ces murs »

Difficile de sortir indemne d’une visite de l’exposition que Deauville consacre à Sebastião Salgado. Et peut-être encore plus difficile de cacher notre admiration. Car ici, tout est grand : la force des images, la cohérence d’une vie, la portée du regard. En noir et blanc, oui, mais avec une palette infinie de nuances, de silences et de cris muets.

Il entre dans la pièce où se tient la conférence de presse avec une simplicité désarmante. Pas de mise en scène, une simplicité innée. On retient cette phrase, dite doucement, comme on confie un secret : « Ma vie est sur ces murs. » Sebastião Salgado raconte sa vie, ses reportages, ses photos. Il parle de la maladie qui le ronge. Pleure en parlant des enfants du Sahel… 

Sebastião Salgado - est venu spécialement à Deauville pour présenter son exposition ©Caroline Paux

Sebastião Salgado est venu spécialement à Deauville pour présenter son exposition ©Caroline Paux

L’exposition présente une sélection de la collection de 416 images de Salgado de la MEP. ©Caroline Paux

L’exposition présente une sélection de la collection de 416 images de Salgado de la MEP. ©Caroline Paux

L’exposition présente une sélection de la collection de 416 images de Salgado de la MEP. ©Caroline Paux

Une magnifique exposition.

Un partenariat de confiance avec la MEP

Ces images parlent aussi pour lui, puissamment. À Deauville, dans les murs paisibles et lumineux des Franciscaines, elles murmurent, elles crient, elles embrassent le monde dans toute sa splendeur et ses douleurs. L’exposition, conçue en partenariat avec la Maison Européenne de la Photographie (MEP), rassemble plus de cent tirages emblématiques du photographe. Cette sélection provient d’un fonds exceptionnel constitué au fil de décennies de complicité entre l’institution parisienne et le couple Salgado. En 2018, Sebastião et Lélia Wanick Salgado ont d’ailleurs fait don de 105 tirages à la MEP. Un geste rare, à la hauteur d’une amitié artistique féconde.

Sebastião Salgado  - Il faut prendre son temps pour admirer cette formidable exposition. ©Caroline Paux

Il faut prendre son temps pour admirer cette formidable exposition. ©Caroline Paux

Quatre grands projets, une vision globale

Le parcours s’articule autour de quatre séries majeures : Autres Amériques, La Main de l’Homme, Exodes et Genesis. Chacune marque une époque, une étape de vie, une prise de conscience. Toutes s’ancrent dans un travail de terrain, long, documenté, nourri d’échanges et de résidences prolongées. Salgado photographie en immersion. Il prend le temps, il partage, il revient. Ce temps long, cette rigueur, donnent à ses clichés une densité qui va bien au-delà de l’esthétique. Les visiteurs prennent un plaisir immense à s’arrêter devant chaque photo, apprécier la qualité de l’image. Le témoignage, l’originalité.

Les oubliés du continent latino-américain

Tout commence avec Autres Amériques, son premier projet personnel. Salgado revient sur les terres de son enfance, dans les Andes et les campagnes oubliées du Brésil, de la Bolivie, du Guatemala. Il y capture l’existence rude et digne des populations indigènes et paysannes. Des visages burinés, des gestes immémoriaux, des silences éloquents. C’est là que son style se cristallise : noir et blanc au grain serré, compositions rigoureuses, et toujours, une humanité palpable.

Sebastião Salgado  - Périphérie de Guatemala Ciudad, Guatemala, 1978, Collection MEP, Paris, Don de l’auteur en 1988. ©Sebastião Salgado

Périphérie de Guatemala Ciudad, Guatemala, 1978, Collection MEP, Paris, Don de l’auteur en 1988. ©Sebastião Salgado

Un hommage au travail humain

Avec La Main de l’Homme, le photographe parcourt 35 pays pour documenter les derniers bastions du travail manuel. Des scènes saisissantes de mineurs dans la Serra Pelada, de forgerons, de pêcheurs ou de métallurgistes. Ce sont les gestes qui disparaissent, les métiers qui s’effacent. Salgado rend hommage à une époque révolue, en mettant en lumière ceux que l’histoire officielle oublie : les bâtisseurs anonymes, les artisans de l’ombre.

Mineurs de charbon, Dhanbad, État de Bihar, Inde, 1989, Collection MEP, Paris ©Sebastião Salgado

Mineurs de charbon, Dhanbad, État de Bihar, Inde, 1989, Collection MEP, Paris ©Sebastião Salgado

Mouvement des paysans sans-terre, État de Sergipe, Brésil, 1996, Collection MEP, Paris ©Sebastião Salgado

Mouvement des paysans sans-terre, État de Sergipe, Brésil, 1996, Collection MEP, Paris ©Sebastião Salgado

L’exode des populations, une blessure mondiale

Dans Exodes, il montre les flux migratoires, les camps de réfugiés, les files d’attente sans fin. Du Kosovo au Rwanda, du Bangladesh à la Colombie, il capte l’errance et l’espoir, la douleur et la dignité. C’est un monde à la dérive, mais debout. Ce projet le pousse jusqu’à l’épuisement. Trop de détresse, trop de misère. Il frôle la dépression. Il s’arrête, pour mieux repartir.

Sebastião Salgado  - On ne peut s’empêcher de garder un souvenir de cette exposition en photo ! ©Caroline Paux

On ne peut s’empêcher de garder un souvenir de cette exposition en photo ! ©Caroline Paux

Sebastião Salgado  - On s’arrête devant les enfants de l’exode. ©Caroline Paux

On s’arrête devant les enfants de l’exode. ©Caroline Paux

Genesis, une renaissance par la nature

C’est dans le projet Genesis que Salgado retrouve le souffle. Pendant huit ans, il sillonne les régions les plus reculées du globe : Galápagos, Arctique, désert de Gobi, forêts amazoniennes. Il y photographie la nature brute, les peuples premiers, les animaux libres. Il capte la beauté intacte de la planète, dans une démarche presque spirituelle. C’est un chant d’amour au monde, mais aussi un cri d’alarme. Préservons ce qui peut l’être encore.

Manchots à jugulaire sur un iceberg, Îles Sandwich du Sud, 2009 Collection MEP, Paris. Don de Sebastião Salgado et Lélia Wanick Salgado en 2018 © Sebastião Salgado

Manchots à jugulaire sur un iceberg, Îles Sandwich du Sud, 2009 Collection MEP, Paris. Don de Sebastião Salgado et Lélia Wanick Salgado en 2018 © Sebastião Salgado

Les femmes zo’é se teignent le corps avec un fruit rouge, l’urucum ou roucou, village de Towari Ypy, Pará, Brésil, 2009, Collection MEP, Paris. Don de Sebastião Salgado et Lélia Wanick Salgado en 2018 © Sebastião Salgado

Les femmes zo’é se teignent le corps avec un fruit rouge, l’urucum ou roucou, village de Towari Ypy, Pará, Brésil, 2009, Collection MEP, Paris. Don de Sebastião Salgado et Lélia Wanick Salgado en 2018 © Sebastião Salgado

Une scénographie au service des images

Dans les salles voûtées de Deauville, l’accrochage est sobre, respectueux, presque sacré. Le silence y est éloquent. On s’attarde devant les portraits, on recule devant l’ampleur d’un paysage, on est saisi par l’intensité d’un groupe d’enfants fuyant la guerre. On est ému, interpellé, bouleversé. C’est toute la force de Salgado : faire de la photographie non pas un simple regard, mais une expérience humaine, une conscience éveillée.

L’exposition s’achève, mais on repart avec le sentiment d’avoir été transformé. Avec la beauté, par l’indignation et par la tendresse. Car si Sebastião Salgado nous montre la brutalité du monde, c’est toujours avec une humanité infinie. À Deauville, il ne donne pas de leçons. Il tend un miroir. À chacun d’y reconnaître sa part d’humanité.

Sebastião Salgado, l’œil du monde

Sebastião Salgado est l’un des plus grands photographes humanistes de notre temps. Économiste de formation, il abandonne les chiffres pour le noir et blanc, qu’il maîtrise avec une rare intensité. Né au Brésil en 1944, exilé en France sous la dictature militaire, il commence à photographier les travailleurs immigrés et les drames humanitaires. Mais chez lui, chaque image dépasse le reportage. Elle interpelle, incarne, bouleverse. Son œuvre, patiemment construite sur des années, donne naissance à des fresques majeures comme La Main de l’Homme, Exodes ou Genesis. Infatigable témoin des fractures sociales et écologiques de notre monde, il photographie avec compassion et une exigence plastique absolue. Fatigué par tant de misères, il revient à la vie grâce à Genesis et à la création de l’Instituto Terra avec son épouse Lélia. 

Beaucoup de complicité et d’amour pour Sebastião Salgado et son épouse Lélia. ©Caroline Paux

Beaucoup de complicité et d’amour pour Sebastião Salgado et son épouse Lélia. ©Caroline Paux

Un duo engagé, une œuvre à deux voix

Impossible de parler de Sebastião sans évoquer Lélia Wanick Salgado. Elle était à ses côtés lors de la conférence de presse. Depuis toujours, elle l’accompagne dans ses projets, conçoit les expositions, les livres, dirige leur agence. Ensemble, ils forment un duo fusionnel, une force créatrice indissociable. Lui capture, elle structure. C’est aussi leur regard commun sur le monde que l’exposition révèle. Ensemble, ils forment un duo indissociable, engagés pour l’image, la mémoire et la préservation du vivant.

Les Franciscaines : un lieu patrimonial réinventé

Au cœur de Deauville, Les Franciscaines incarnent une métamorphose remarquable. Celle d’un ancien couvent du XIXe siècle devenu un espace culturel vivant et ouvert à tous. Ce bâtiment, qui fut tour à tour orphelinat, hôpital militaire et école, a été patiemment restauré. Il fallait préserver son âme tout en l’ouvrant à la modernité. Le cloître d’origine, les voûtes en pierre et la chapelle ont été sublimés par une architecture contemporaine lumineuse. Aujourd’hui, ce lieu chargé d’histoire accueille des visiteurs venus flâner, lire, contempler ou s’émerveiller. Le cadre marie avec élégance mémoire et innovation. Les Franciscaines ne sont pas seulement un musée ou une médiathèque. Elles sont un lieu de vie, de partage et de transmission, où l’on vient autant pour s’inspirer que pour se retrouver.

Sebastião Salgado  - L’extérieur du bâtiment Les Franciscaines. ©Caroline Paux

L’extérieur du bâtiment Les Franciscaines. ©Caroline Paux

Sebastião Salgado  - L’entrée du musée et de l’exposition. ©Caroline Paux

L’entrée du musée et de l’exposition. ©Caroline Paux

Une expérience culturelle immersive

Les Franciscaines proposent une approche inédite de la culture. Le site rassemble sous un même toit musée, médiathèque, auditorium et espaces d’exposition. Sa programmation s’articule autour de cinq thématiques chères à Deauville. Le cheval, le cinéma, le spectacle, l’art de vivre et la jeunesse. Ce lieu favorise la rencontre et offre des expositions temporaires de qualité. Il présente des collections permanentes riches, des rendez-vous mêlant littérature, photographie, musique ou arts numériques. Pensées comme un espace d’exploration et de dialogue, Les Franciscaines est un lieu transgénérationnel. On peut aussi bien assister à un spectacle que feuilleter un livre, participer à un atelier ou simplement s’imprégner de la beauté des lieux.

Cap sur le Brésil : rendez-vous le 17 mai

Samedi 17 mai, Les Franciscaines vibreront aux rythmes du Brésil à travers une programmation immersive mêlant danse, musique et performances. L’après-midi, Enrique Azul proposera un atelier autour du berimbau, instrument emblématique de la capoeira, suivi d’un temps d’initiation à la Salsa « Brazil Style » orchestré par Alex Lima, danseur virtuose aux influences multiples.

En soirée, place à deux performances dansées à la Chapelle. La première, portée par Puma Camillé, artiste engagée née à São Paulo, fera dialoguer capoeira et voguing dans une création percutante, entre force, mémoire et fierté queer. Puis Maryam Kaba, créatrice de l’Afrovibe, alliera fitness et danses afro-descendantes dans une chorégraphie engagée, empreinte d’énergie et de revendication.

Pour conclure cette journée foisonnante, la chanteuse Karla Da Silva, finaliste de The Voice Brasil, fera résonner sa voix puissante lors d’un grand concert à 21 h 30, empreint de samba et des sonorités afro-brésiliennes.

Informations pratiques

Les Franciscaines : 145 B, Avenue de la République 14800 Deauville.
Tarif : Plein tarif : 13 €, jeunes et solidaires : 5 €
Abonnés Friendciscaines : 8 €. Des visites sont commentées le samedi à 14 h 30 (5 €)
Samedi 17 mai
Site : https://lesfranciscaines.fr/fr

Deauville, entre mer et élégance

Depuis le XIXe siècle, Deauville incarne un certain art de vivre à la française. C’est ici que l’aristocratie parisienne venait prendre l’air iodé, en foulant ses célèbres planches bordées de cabines de bains. Aujourd’hui encore, la petite station normande séduit par son élégance intacte, entre son hippodrome mythique, son casino Belle Époque, ses villas à colombages et ses boutiques raffinées. Ville de cinéma et de festivals, Deauville célèbre aussi la culture, notamment à travers Les Franciscaines, lieu d’expositions, de spectacles et de patrimoine. Mais derrière son raffinement, elle reste un refuge paisible tourné vers l’horizon. Son sable blond, ses parasols colorés et la lumière changeante de la Manche lui donnent un charme intemporel. Deauville attire autant les amoureux de la mer que les passionnés d’histoire et de création contemporaine. Un lieu de rencontre entre les vagues, les artistes et les rêves.

La vigie pastel sur la plage incarne à elle seule l’esprit balnéaire chic et intemporel de Deauville. ©Caroline Paux

La vigie pastel sur la plage incarne à elle seule l’esprit balnéaire chic et intemporel de Deauville. ©Caroline Paux

La mairie de Deauville, élégante bâtisse à colombages, incarne à elle seule le style normand et le raffinement architectural de la station balnéaire. ©Caroline Paux

La mairie de Deauville, élégante bâtisse à colombages, incarne à elle seule le style normand et le raffinement architectural de la station balnéaire. ©Caroline Paux

Les célèbres cabines des Planches de Deauville rendent hommage aux stars du cinéma américain. ©Caroline Paux

Les célèbres cabines des Planches de Deauville rendent hommage aux stars du cinéma américain. ©Caroline Paux

Profitez des ponts de mai pour venir à Deauville

Entre le 8 mai, l’Ascension ou la Pentecôte, offrez-vous une parenthèse inspirante à Deauville. C’est le moment de découvrir l’exposition de Sebastião Salgado et de vous promener dans la jolie cité de Deauville.

Ambiance de charme au cœur de Deauville, entre architecture à colombages, manège rétro et flânerie sous le ciel normand. ©Caroline Paux

Ambiance de charme au cœur de Deauville, entre architecture à colombages, manège rétro et flânerie sous le ciel normand. ©Caroline Paux

À Deauville, même les chevaux galopent en bord de mer : une scène typique au lever du jour. ©Caroline Paux

À Deauville, même les chevaux galopent en bord de mer : une scène typique au lever du jour. ©Caroline Paux

Quand la marée descend, la plage de Deauville s’étire à l’infini, entre ciel mouvant et sable doré. ©Caroline Paux

Quand la marée descend, la plage de Deauville s’étire à l’infini, entre ciel mouvant et sable doré. ©Caroline Paux

Photo d’ouverture de l’article : À Deauville, L’exposition s’affiche sur la promenade des planches… ©Caroline Paux – Première photo dans l’article : Le photographe Sebastião Salgado avec Simon Baker, directeur de la Maison Européenne de la Photographie (MEP), Pascal Hoel, commissaire de l’exposition et Philippe Augier, maire de Deauville, lors de la conférence de presse. ©Caroline Paux

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