Trouverait-on plus joli nom que celui de Terre d’Argence ? Cette petite contrée provençale est ainsi baptisée depuis le IXe siècle, « Argence » venant des peupliers à feuillage argenté qui prospèrent sur ses sols. Baptisée par le poète « La petite fille du Rhône », elle a les pieds dans le fleuve. Tandis que ses yeux fixent les plaines sauvages de Camargue… Un petit triangle d’or, entre Arles, Nîmes et Avignon.
Comme pour fêter avec nous la fin du covid, nos amies les cigales ont donné de la voix cette année. Stimulées par leurs « castagnettes », nous avons découvert cette terre avec de vrais coups de cœur. Suivez-nous dans notre itinérance ensoleillée, les sens en éveil, entre villages, garrigue et vieilles pierres.
Vallabrègues, le royaume de l’osier
Charmantes ruelles, jolie placette… Ce village typiquement provençal respire le calme. Situé au bord du Rhône, il en a souvent subi les crues. Mais a pu profiter des ses limons fertiles pour cultiver l’osier et développer l’art de la vannerie. « Heureux comme un vannier » a-t-on dit longtemps, à Vallabrègues…
Le musée de la vannerie
Petit musée à l’ancienne, totalement dans son jus, il est la mémoire du village. Des photos, un film (très intéressant) et une multitude d’outils et d’objets nous content l’histoire de la vannerie qui atteint son âge d’or au début du XXe siècle. En 1900, sur les 1800 habitants, près de 600 sont vanniers. Ils cultivent l’osier (une sorte de saule) et le travaillent.
Une avalanche de vanneries en tous genres en témoignent, indispensables avant l’apparition du plastique. Paniers à pain, à goûter, à groseilles, égouttoirs… Mais aussi nichoirs à canards, pièges à moineaux, paniers pour transporter la terre (déjà connus des Romains)… On y admirera aussi quelques œuvres monumentales telle la coulobre, le fameux dragon ailé qui hantait le Rhône !
Daniel Benibghi, le dernier vannier de Vallabrègues
Quelques pas et nous voilà dans l’atelier boutique de ce sympathique magicien considéré comme le meilleur vannier de France. On pourra l’observer au travail s’il n’est pas dans son oseraie à surveiller ses plans. Entre ses mains, tout devient osier à la vitesse de l’éclair. Tandis que sur ses étagères, trône toute la panoplie des paniers classiques accompagnée de hochets, d’un sabot ou d’une grande cigale.
Que peut-il faire? Tout ! Et l’artiste de rassembler ses souvenirs comme en un poème de Prévert. Je peux faire une tête de taureau, une brouette, une gondole, un flamand rose, un char, un canapé… Et si on me le demande : une cellule de camionnette, des chapeaux pour mule, une croix de Camargue, une étoile de David… Sa grande fierté ? La tarasque, ce fameux monstre de Tarascon commandé par Christian Lacroix. Le métier est dur, peu rémunérateur. Daniel le pratique depuis 30 ans. Quand on aime, on ne compte pas…
www.vannerie-oseraie.com
Beaucaire et son imposante forteresse
Nous voici à Beaucaire, superbe petite ville dont l’histoire absolument passionnante sourd à travers toutes ses pierres. Située à l’Est du Gard, sur la rive droite du Rhône, elle fut fondée au VIIe siècle comme relais de la célèbre voie Domitienne qui reliait l’Espagne à l’Italie. Son nom de Belcaire (beau rocher) lui est attribué au Moyen Age. A cette époque, elle subit les invasions burgondes, des Wisigoths puis des Sarrasins. Sa citadelle fut construite à cette époque pour raisons défensives. Elle sera démantelée sous Louis XIII et est aujourd’hui transformée en jardin.
La foire de Beaucaire : une institution !
La Renaissance et l’époque moderne sont sans doute les plus intéressantes et originales pour la ville. Du XVe siècle au XIXe siècle, s’y déroula, tous les ans au mois de juillet, la Foire de la Madeleine. Soit dix jours de commerce effréné bientôt connu dans l’Europe entière. Au XVIIIe siècle, 60 à 100 000 personnes participe à l’événement. On évalue ce volume d’affaires à celui du port de Marseille en un an !
De cette richesse témoignent de nombreux hôtels particuliers. Hôtels de Margaillier, Clausonnette, Fermineau, Dulong, Linage… Il faut admirer leurs façades richement ornées. Entrer dans leurs cours spécialement aménagées pour recevoir visiteurs et marchandises. Une promenade passionnante qui gagnera à être accompagnée par un guide de l’Office du tourisme.
L’abbaye de Saint-Roman, étonnant joyau en Terre d’Argence
Une petite marche dans la garrigue avec ses sons et ses parfums… Nous voici arrivés en haut de cette colline calcaire et son trésor sacré (en photo d’ouverture de l’article). L’abbaye de Saint-Roman abrite là les vestiges d’un monastère creusé par des moines troglodytes à la fin du Ve siècle. Dans une ambiance envoûtante et hors du temps, on y découvre tour à tour la chapelle, les grandes salles, les cellules rupestres. Les citernes et les silos. Vestiges troublants qui offrent de splendides jeux de formes et de lumière. Et témoignent de la vie monastique en ces temps reculés.
Sur la terrasse supérieure, on découvre plusieurs dizaines de sépultures creusées dans le rocher. Ainsi que les vestiges de la fortification médiévale. La vue sur les Alpilles y est de toute beauté.
Le Vieux Mas, un voyage dans le temps
Cet écomusée que l’on croirait du XIXe siècle, a été ouvert dans un ancien mas en 1992, par deux passionnés de patrimoine. Il est aujourd’hui dirigé par un jeune couple, Florence et Xavier Garcia. Ils en ont conservé le caractère original tout en en faisant une affaire de famille.
Ici, pas d’écran ou d’animation numérique. Mais de multiples espaces peuplés d’objets, d’animaux et parfois de figurants en chair et en os ! Ateliers du forgeron, du sellier, du menuisier, du sabotier… Cabane de berger, épicerie, salle de classe, bal musette… Un intérieur complet de ferme en 1900 a aussi été reconstitué. Pour notre plus grand bonheur. Vieux berceau, pots à lait, dentelles de grand-mère… Nostalgie, quand tu nous tiens !
www.vieux-mas.com
Un Mas en Provence ou comment distiller les plantes
Ce lieu réunit la culture bio de différentes plantes, leur transformation en huiles essentielles et la création de parfums. Gaël Briez y joue les alchimistes avec une philosophie bien à lui. Il distille pour lui-même. Mais aussi pour d’autres producteurs, détenteur unique en Terre d’Argence, d’un alambic mobile. « Plus la plante sera belle, meilleure sera l’huile » dit-il. Allant contre l’idée habituelle que les plantes doivent souffrir pour donner le meilleur d’elles–même.
La verveine citronnée contre le stress, l’immortelle contre la couperose, le laurier noble pour la confiance en soi… On écoute, on apprend et tombe sous le charme de ce lieu qui semble ne nous vouloir que du bien. Ne pas repartir sans une senteur délicate ou une onction magique…
www.mas-provence.fr
Le Mas des Tourelles : faire du vin comme les Romains !
Depuis plusieurs générations, la famille Durand produit, vend et exporte ici un excellent vin. Exactement comme le faisait les Romains il y a 2000 ans. De fait, une villa gallo-romaine a été découverte en ce lieu. Fouillée à plusieurs reprises depuis les années 80, elle a révélé l’existence, aux 1er et 2e siècles, d’une communauté de potiers fabriquant des amphores pour l’exportation de vins dans tout l’empire romain.
Depuis, une partie du vin du Mas est produit entièrement artisanalement, « à la romaine ». De la forme du plant à la fermentation dans des dolia. En passant par les vendanges, le foulage au pied ou le pressage dans un pressoir reconstitué d’après un texte de Caton. Certaines étapes se font sous les yeux du public.
Des vins uniques et très doux
Cette archéologie expérimentale a donné naissance à trois cuvées. Elles sont aromatisées selon les indications d’auteurs latins comme Pline l’Ancien. Le Mulsum contient du miel et des épices. Le Turriculae, du sel et des plantes. Et le Carenum a la saveur du coing et des plantes. On a goûté : étonnant et délicieux !
www.tourelles.com
Carnet de voyage
Se rendre en Terre d’Argence
Depuis Paris, 3 heures de TGV jusqu’à Avignon. Puis prendre la voiture !
Où dormir
Au Mas de l’Ilon
Très jolies chambres d’hôtes tenues par un couple adorable. Piscine et petit déjeuner sous la tonnelle.
13, chemin de l’Ilon
30300 Vallabrègues.
0672780751
Où se régaler
La halte nautique
Excellente cuisine gastronomique servie en prenant son temps… Poissons, fruits de mer ou échine de Pata negra, sauce morilles, 7 heures de cuisson…
Réservation au 04 66 20 61 69
Port de plaisance de Bellegarde
L’Epicerie à Beaucaire
Sur la jolie place de la République, l’adorable Christine Niet sert une cuisine mi-traditionnelle, mi-créative à base de produits frais et de légumes bio. Avons beaucoup aimé le lapin avec riz noir à la vapeur de soja et crême de chou fleur au chêvre et au miel.
www.lepicerie-restaurant-beaucaire.com
Rapporter quelques bons produits de Terre d’Argence
L’huilerie coopérative de Beaucaire.
Pour tout savoir sur l’huile d’olive AOP Nîmes. Pour la goûter et l’acheter !
www.huilerie@aliceadsl.fr
Domaine du Petit Mylord
Experte dans la connaissance des plantes, Valérie Gallon propose à la vente ses confitures et confits de fleurs raffinés et originaux. On peut aussi séjourner dans ce lieu enchanteur. www.domaine-du-petit-mylord.com
Pour toutes les renseignements sur Terre d’Argence
www.provence-camargue-tourisme.com
Copyright Valérie Collet (sauf les photos de une et des chapeaux de mules ©DR)
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