Versailles, retour aux origines

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Versailles, retour aux origines

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Au fil des ans, le palais de Versailles retrouve son visage d’origine. Ou plutôt celui qu’il avait en octobre 1789, quand Louis XVI (pour son malheur !), l’avait quitté pour s’installer aux Tuileries avec sa famille en octobre 1789.

Le château, vidé de ses occupants et de ses meubles vendus aux enchères par le gouvernement révolutionnaire, est laissé à l’abandon. Napoléon renonce à s’y installer. Devenu roi, Louis XVIII envisagea de s’installer à Versailles. En 1814, il fit entreprendre d’importants travaux de restauration des appartements historiques, accompagnés de commandes pour son ré-ameublement. Le retour inopiné de l’Empereur en mars 1815 les laissa en suspens. Replacé sur son trône après Waterloo et l’exil définitif de « l’Usurpateur », le Roi reste finalement aux Tuileries. La révolution de 1830, amène au pouvoir Louis-Philippe d’Orléans. Pas question pour lui d’habiter Versailles ! Il décide de transformer le château en Musée de l’Histoire de France.  

Versailles - Buste en marbre du Dauphin Louis-Ferdinand, pour qui l'appartement a été réaménagé en 1747 par J-A Gabriel.

Buste en marbre du Dauphin Louis-Ferdinand, pour qui l’appartement a été réaménagé en 1747 par J-A Gabriel.

Versailles, le passé défiguré

Les frontons des pavillons Dufour et Gabriel portent toujours en lettres d’or l’inscription « À Toutes les Gloires de la France ». Les « gloires » en question consistent en un alignement monotone de tableaux relatant les grands événements de l’histoire de France. Et surtout les grands hommes, de Clovis à Napoléon en passant par Charlemagne et Saint Louis.  Des toiles immenses que le roi fait exécuter par les peintres contemporains, certains fameux comme Eugène Delacroix et Horace Vernet. Pour placer ces grandes compositions on n’hésite pas à décloisonner salons, chambres et boudoirs, à en arracher les décors. Le Roi fait appel pour ce faire à l’architecte Frédéric Nepveu. Complice malgré lui de ces saccages officiels, Nepveu démonte sans les détruire les boiseries et les principaux éléments décoratifs. Il relève aussi l’état des lieux d’origine, pour permettre un éventuel retour en arrière. 

Versailles - Bureau plat signé BVRB. (Bernard Van Risen Burgh) livré pour le Dauphin en 1745. Boiseries d'origine de Jacques Verberckt ©château de Versailles T.Garnier

Bureau plat signé BVRB. (Bernard Van Risen Burgh) livré pour le Dauphin en 1745. Boiseries d’origine de Jacques Verberckt ©château de Versailles T.Garnier

Versailles retrouvé

Sage précaution ! En 1892, moins de 50 ans après la chute du « Roi-Citoyen » arrive à Versailles un jeune conservateur de 32 ans. Pierre de Nolhac, au rebours de ses prédécesseurs, cherche à rendre au château son âme et son histoire. Il fait restaurer les pièces ayant échappé à la destruction, dont la Galerie des Glaces et les appartements royaux. Il récupère aussi dans les réserves des tableaux, des meubles et des objets antérieurs à la Révolution.  Nolhac entreprend ensuite de remettre dans leur état d’origine les appartements détruits par Louis-Philippe. Les boiseries conservées par Nepveu remontent donc des réserves et retrouvent leur emplacement d’origine. Grâce aux indications laissées par l’architecte, aux dessins et devis de Gabriel, et aux traces sur place. Vaste programme que poursuivront tous ses successeurs, jusqu’à aujourd’hui.

D’un Dauphin à l’autre

Aujourd’hui, c’est le rez-de-chaussée du corps central qui retrouve son visage d’origine.  Après ceux des filles de Louis XV, on vient d’achever l’appartement du Dauphin. Depuis l’origine en effet, cette partie lumineuse du château est dévolue l’héritier du trône. Le premier à s’y installer fut le Grand Dauphin fils de Louis XIV, décédé avant son père en 1711. Son fils l’ayant suivi de peu dans la tombe, le nouveau Dauphin futur Louis XV, n’a que deux ans. L’appartement est évocateur de la fragilité des enfants à l’époque. Sur les six ou huit Dauphins qui s’y sont succédé, seuls deux ont accédé au trône : Louis XV et Louis XVI.  Celui qui a occupé le plus longtemps l’appartement est Louis-Ferdinand, fils de Louis XV né en 1729. Il s’y installe enfant avec son gouverneur avant de le faire réaménager à son goût par J.-A Gabriel en 1747. C’est ce décor qu’ont choisi de retrouver les restaurateurs.

Dans l'antichambre, portrait par Roslin de Louis-Ferdinand et de trois de ses sœurs par Nattier. ©château de Versailles, D. Saulnier

Dans l’antichambre, portrait par Roslin de Louis-Ferdinand et de trois de ses sœurs par Nattier. ©château de Versailles, D. Saulnier

Esprit de famille

L’appartement se compose, outre l’antichambre, de trois pièces en enfilade : la chambre, le grand cabinet d’angle, la bibliothèque. La visite commence par l’antichambre, plus précisément « la seconde antichambre ». La pièce n’ayant rien conservé de son décor d’origine a été équipée de simples boiseries blanches moulurées. On y a placé deux commodes galbées en marqueterie et deux banquettes couvertes de tapisseries Savonnerie, proches du mobilier d’origine. Sur la boiserie, s’alignent plusieurs portraits des filles de Louis XV par Nattier. Le Dauphin était très attaché à ses sœurs, ses voisines. Mesdames Adélaïde, Victoire, Sophie et Louise qui habitaient la partie nord du corps central récemment restaurée. Jusqu’à ce que Louise, la plus jeune, fausse compagnie à ses sœurs pour entrer au Carmel en 1770.

Versailles - La chambre : à gauche le meuble de Benneman à droite la cheminée d'origine le lit n'est pas d'origine ©château de Versailles, T. Garnier

La chambre : à gauche le meuble de Benneman à droite la cheminée d’origine le lit n’est pas d’origine ©château de Versailles, T. Garnier

La Chambre

Louis-Ferdinand (1729-65) était également très proche de sa mère Marie Leszczynska. C’est pourquoi dans la chambre voisine on a placé la copie, de la main de la reine, d’un petit tableau champêtre de Oudry.  La cheminée de marbre est d’origine, ainsi que le trumeau qui a servi de référence pour reconstituer le reste du décor. Les sièges et le paravent sont de Boulard. Dans cette vaste pièce aux murs tendus de soie verte, se sont succédé cinq ou six dauphins à des âges divers. Du Grand Dauphin fils de Louis XIV au petit Louis-Charles, fils de Louis XVI, « l’Enfant du Temple » dont le destin fut si tragique. Il est le dernier à y avoir dormi avant de quitter Versailles avec ses parents le 6 octobre 1789, il n’a alors que quatre ans. C’est à lui qu’était destiné le meuble de Beneman aux angles arrondis, pour que l’enfant ne se blesse pas. 

Photo 05 Le salon d'angle-. Sur la console de Saunier un baromètre en bois doré © château de Versailles, D. Saulnier

Photo 05
Le salon d’angle-. Sur la console de Saunier un baromètre en bois doré © château de Versailles, D. Saulnier

Le salon d’angle 

C’est la pièce la plus vaste et la plus spectaculaire de l’appartement, celle aussi qui contient le plus d’objets remarquables. Elle a conservé un certain nombre d’éléments d’origine comme la cheminée de marbre rouge ornée de bronzes de Caffieri. Les dessus de portes rocaille et une partie des boiseries de J. Verberckt sont également ceux du XVIIIe siècle, comme le bureau de BVRB. Les sièges de Sené et la console de Saunier proviennent de la duchesse d’Harcourt, épouse du gouverneur du dernier Dauphin. La pendule se trouvait dans la chambre du comte d’Artois comme les chenets de bronze dans la cheminée. Quant au grand baromètre en bois doré aux allures de pendule sur la cheminée, il était destiné au futur Louis XVI. L’objet le plus spectaculaire de la pièce est un grand globe terrestre destiné à l’origine à l’éducation du Dauphin Louis-Joseph, décédé avant de l’avoir vu.

Baromètre en bois doré par J-B Toré et J-J Lemaire,. © château de Versailles, T. Garnier et Globe terrestre à double coque par E. Mentelle en 1786, n ©château versailles C.Fouin

Baromètre en bois doré par J-B Toré et J-J Lemaire,. © château de Versailles, T. Garnier et Globe terrestre à double coque par E. Mentelle en 1786, n ©château versailles C.Fouin

Le Globe de Mentelle

Cet incroyable instrument est l’œuvre du géographe Edme Mentelle. Fermé, c’est un globe classique avec la carte du monde connu à cette époque, qui s’ouvre en deux hémisphères. Ouvert, apparaît la voûte céleste avec les planètes alignées comme le 22 octobre 1781, jour de la naissance de Louis-Joseph. Le globe en contient un autre, représentant les reliefs, y compris les fonds marins. Une gageure à l’époque où n’existait pas le moindre scaphandre ! Mais les rois proposent, les événements disposent. Louis-Joseph meurt en juin 1789 et ne verra jamais son globe. L’objet sera finalement livré aux Tuileries où résidait la famille royale depuis le 6 octobre 1789.  À défaut du nouveau Dauphin, trop jeune pour apprécier, il dût faire le bonheur du Roi, féru de géographie comme on sait. Même si à cette époque Louis XVI avait peu d’occasions de se réjouir.

Globe de Mentelle, détail de la face interne, la voûte céleste avec les constellations désignée par des noms d'animaux. photo F.Deflassieux

Globe de Mentelle, détail de la face interne, la voûte céleste avec les constellations désignée par des noms d’animaux. photo F.Deflassieux

La Bibliothèque

C’est la pièce la moins solennelle est aussi la plus élégante avec ses boiseries rocaille bleu et blanc. Après plusieurs changements d’affectation, elle a retrouvé l’état de bibliothèque, voulu par le dauphin Louis-Ferdinand en1756. La pièce avait conservé une partie de ses boiseries, corniche, lambris, trumeaux, dessus de porte, et des corps de bibliothèque. Les parties manquantes ont été reconstituée à partir des empreintes « fantômes » des trumeaux sous les revêtements postérieurs.  L’essentiel de la restauration a consisté à retrouver l’harmonie bleu et blanc du vernis d’origine qui avait viré au jaune et vert. La pièce avait même conservé les quatre marines en dessus de porte de Joseph Vernet, ainsi que sa cheminée en marbre griotte. On aussi pu y replacer la commode de Mathieu Criaerd qui s’y trouvait, apparemment épargnée par les ventes révolutionnaires.

La bibliothèque son élégante boiserie rocaille restaurée dans son vernis Martin bleu et blanc d'origine. © château de Versailles, T. Garnier

La bibliothèque son élégante boiserie rocaille restaurée dans son vernis Martin bleu et blanc d’origine. © château de Versailles, T. Garnier

Uchronie

Ainsi au fil des ans, Versailles retrouve peu à peu son visage d’antan. Mais en donnant dans l’uchronie, (le genre est à la mode) on se demande ce que serait devenu le palais sans la Révolution. Louis XVI y serait mort autour de 1830, ses descendant auraient continué à se succéder jusqu’à nos jours… Les styles se seraient également succédé et démodés, du néo-classique à l’Art Déco en passant par le « Napoléon III » et l’Art Nouveau. Et les boiseries rocailles auraient carrément disparu, comme les commodes de Riesener et les laques de Bernard Van Risenbourg. Ces chefs d’œuvre dispersés aux enchères en 1793, qu’on a tant de mal à racheter au prix fort quand ils se présentent sur le marché. À moins que les monarques modernes aient choisi d’ouvrir à la visite le palais de Louis XIV pour mener ailleurs une vie normale. À Trianon ou à l’Élysée par exemple. 

Informations pratiques

Les Appartements du Dauphin. Rez-de-chaussée du Corps Central
Le château de Versailles est ouvert chaque jour sauf lundi de 9h à 17h30
Place d’Armes, 78000 Versailles
Entrée: 18€ (gratuit pour moins de 18 ans)
Informations et réservations
Site internet : https://www.chateauversailles.fr
Tel : 01 30 83 78 00

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