Villeneuve d’Aveyron, Villefranche-de-Rouergue ou encore Najac, trois cités aveyronnaise qui méritent plus qu’un passage rapide tant leur patrimoine historique et riche. Mais pas que…
« Du biais, macarel ». Cet autocollant en occitan, pouvant être traduit par «du bon sens, bon Dieu », fleurit sur bon nombre de panneaux d’entrée de ville et de village en Aveyron. Ce cri de détresse des agriculteurs, pourrait être repris pour le tourisme en Rouergue. Car, non, l’Aveyron ne se limite pas au désormais célébrissime et impressionnant viaduc de Millau. Ni à Conques et son abbatiale de Sainte-Foy, chef d’œuvre de l’art roman méridional, à l’Aubrac, ses vaches. Pas plus qu’à ses burons qui accueillaient autrefois les bêtes et les hommes pendant l’estive. Ni à ses couteaux de Laguiole. Le simple « biais » invite donc à prendre la route pour l’ouest de ce département que bordent le Lot, le Tarn-et-Garonne et le Tarn. Car ce territoire, surnommé le pays des bastides et des gorges de l’Aveyron (www.bastides-gorges-aveyron.fr) , regorgent de cités et de trésors méconnus.
Villefranche-de-Rouergue ou la volonté du roi de France
Premier de ces trésors, en ce qui concerne l’itinéraire, Villefranche-de Rouergue. Forte aujourd’hui de 12 000 habitants, cette bastide est née en 1252 de la volonté d’Alphonse de Poitiers. Le frère de Louis IX avait pour mission d’imposer le pouvoir royal à des populations rétives et restées fidèles jusqu’à sa mort au dernier comte de Toulouse légitime Raymond VII à qui appartenaient ses terres. La ville est idéalement située à proximité des mines argentifères et des routes antiques reliant Rodez à Cahors, Figeac à Toulouse. Son plan est celui d’une bastide (on en compte quelque trois cents dans le sud de la France, mais Villefranche est une des plus belles), c’est-à-dire une ville avec des rues se coupant à angle droit entourant un grand marché central.
A savoir
Au cours de votre visite à Villefranche-Rouergue, ne manquez pas le pont des Consuls (pont dels Consols). Edifié en 1321, il remplaçait un gué plus en amont. Il était initialement surmonté de deux tours et se terminait par un pont-levis pour interdire l’accès à la bastide. Le pont servait aussi de péage pour les marchands et voyageurs qui séjournaient en ville. Depuis 2006, il est orné d’une statue de l’archange saint Michel due à Casimir Ferrer. Le pont permet de rejoindre la rue de la République (carrièra Drecha) qui fait six mètres de large. Cette largeur, exceptionnelle au moyen Age permettait au charriots de circuler.
Des privilèges pour attirer des habitants
Dessiner une ville est une chose. Attirer des habitants une autre. Villefranche est donc déclarée « franche ». A chaque nouvel habitant est donné un « ayral », un lot à bâtir pour édifier sa maison, ainsi qu’un « casal » (jardin) et un « ortus » (champ) en bordure de l’Aveyron pour subvenir aux besoins de sa famille. Durant deux ans, le temps de bâtir sa maison, aucun impôt ne lui est réclamé. Ensuite, il paiera le « fouage » une taxe en fonction de la surface au sol bâtie. Pour éviter d’en trop payer, les habitants sont autorisés à border les rues de « gitats » (arcades) qui permettent d’agrandir leurs maisons. Outre des taxes moindres, ces « couverts », dont un des plus beaux sont les arcades Jean Reyniès sur la place Notre-Dame, permettent de circuler à l’abri des intempéries et de commercer en toutes saisons.
Pas de seigneur
Franche, Villefranche l’est également sur le plan politique. Ici, pas de seigneur. Les habitants qui bénéficient déjà de libertés et d’avantages fiscaux désignent chaque année parmi les bourgeois quatre consuls, un pour chacune de ses quatre gaches (quartiers). A eux, de gérer la ville dans tous ses aspects*sous la surveillance d’officiers royaux. Grâce à cette double politique, Villefranche s’est développée et enrichie rapidement. En témoignent les magnifiques maisons à pans de bois bordant ses rues ou débordant sur les couverts comme la maison Dardenne. Cette demeure Renaissance abritait à la fois les magasins du négociant en cuivre qui la fit bâtir vers 1540 et son « ostal » (maison) particulièrement impressionnant. Le travail du cuivre (pots, marmites…) était effectué par des artisans auquel arrivait le métal déjà dégrossi grâce au « martinet » de la Bastide-l’Evêque à proximité d’une zone d’extraction minière.
*fiscalité, infrastructures, défense…
A savoir
La maison Dardenne est une des plus belles de Villefranche-de-Rouergue. De style renaissance, elle déborde sur les couverts de la place Notre-Dame. Sa cour intérieure est particulièrement soignée. Sur le mur en face de l’entrée, des bustes représentent très probablement Jean-Imbert Dardenne et son épouse, Marguerite de Chalvet. Douze autres bustes féminins et masculins ornent cette cour. Les Dardenne y recevaient famille, amis, collègues et meilleurs clients. On peut aussi distinguer au-dessus de la porte, un petit amour. Au second étage, une sculpture représente Lucrèce se poignardant sous les yeux de son mari.
D’ostal en ostal
Une balade dans Villefranche peut s’apparenter à un jeu de piste conduisant de lieux remarquables en lieux remarquables grâce à des cartes numérotées. Ainsi, peut-on aller de la maison Gaubert (ostal Gaubèrt) édifiée à la fin du XVe siècle à la maison Combettes (ostal Combetas début XVIè) dominée par une imposante tour Renaissance. Toutes valent qu’on s’y arrête pour admirer leur façade remplies de symboles comme ces grappes de raisin qui témoignent de la prospérité de la famille y vivant. A admirer également, la fontaine, dite Griffoul (XIVe siècle) édifiée en contrebas de la rue pour assurer un meilleur débit d’eau. Un siècle plus tard, des grilles lui ont été ajouté pour éviter que les animaux errants y buvant ne transmettent des maladies.
Des marchés depuis plus de 700 ans
Sa prospérité, Villefranche-de-Rouergue la doit également à ses marchés. Chaque semaine, sous la surveillance des agents des consuls qui contrôlaient la marchandise et calculer les « leudes »* , trois marchés s’y déroulaient. Les paysans, les artisans, les colporteurs venaient y écouler leurs productions ou leurs produits. A ces marchés s’ajoutaient quatre fois l’an des foires sous les murs de la ville. Près de huit siècle plus tard, des marchés continuent à se tenir place Notre-Dame. Ils ont également lieu dans ses environs immédiats jusqu’aux halles construites au XIXe siècle. Outre les productions agricoles de la région, on y trouve des spécialités locales comme le farçou, le saucisson sec conservé dans l’huile, le gâteau à la broche, la pompe à l’huile** ou la pâte de noix.
*taxes basées sur les unités de mesures locales.
**qui n’a rien à voir avec son homonyme provençal.
A savoir
Le farçou est une galette composée de côte de blette verte, d’oseille, d’ail, de persil, de mie de pain de campagne, d’œuf, de céleri, de farine de pois chiche, d’huile d’olive, de sel et de poivre. Elle se mange au cour d’un repas ou découpée en petits mioreceaux pour l’apéritif. 1,60 € l’unité sur le marché de Villefrance-de-Rouergue.
La collégiale domine la ville
Prospère, Villefranche-de-Rouergue s’est, sans surprise, couverte de nombreux édifices religieux. Le plus impressionnant reste l’énorme collégiale Notre-Dame. Sa construction, débutée en 1260, s’est achevée deux siècles plus tard. D’où les deux styles gothiques flamboyant et rayonnant qui la façonnent. Elle doit son nom au « collège » de chanoines qui la dirigeaient. La collégiale est dominée par un gigantesque clocher-porche enjambant la rue et empiétant sur la place. Sa construction, jamais achevée, a commencé au XIIIè siècle et s’est terminée au XVIè. La grande flèche devant le couronner n’a jamais été édifiée. Pour autant, son clocher culmine à 58 m de haut ! Soit 163 marches pour arriver à son sommet qui offre une vue à 360 degrés sur la cité et ses alentours. A détailler, les 62 stalles (pour 26 chanoines !) qui entourent son chœur. Chacune d’entre elle est finement ouvragée, certaines présentant même des scènes plutôt osées.
L’incroyable histoire des sièges des chanoines
Les sièges de chanoines servant la collégiale ne pouvaient être décorés de motifs religieux car on… ne s’assoie pas sur des scènes religieuses. Les artistes avaient donc libre court pour y sculpter des scènes profanes. Des animaux, des créatures fantastiques, des expressions populaires et des scènes de vie courante renvoient à un idéal de pensée propre à la fin du Moyen Age. La création de ces stalles en chêne s’est achevée en 1485. Elles étaient réservées aux autorités civiles et religieuses de la ville.
La chapelle des pénitents noirs
Bien que peu touché par le protestantisme, Villefranche a fait l’objet d’un soin particulier lors de la Contre-Réforme du XVIè siècle visant à rendre sa prééminence au catholicisme. Deux ordres religieux s’y sont installés : les pénitents bleus et les pénitents noirs. Ces deux ordres ont édifiés des chapelles. Il ne reste quasiment rien de celle des pénitents bleus. En revanche, celle des pénitents noirs*a peu subi les outrages du temps et se révèle comme un véritable trésor. Dominée par un impressionnant clocheton, elle abrite dans son chœur un splendide retable baroque. En bois doré à la feuille, il est dominé par la représentation de la Sainte-Trinité : Dieu, le fils et le Saint-Esprit. On y lit aussi une influence espagnole à travers les casques typiquement espagnols des soldats représentés mais aussi en raison des armes et des turbans maures de certains protagonistes.
*un incontournable de toute visite
A savoir
Son plafond, entièrement peint, permet d’observer une des très rares représentations de Louis XIV barbu.
Le supplice de Jean Petit
Marcher dans les rues de Villefranche-de-Rouergue c’est parcourir l’histoire. Heureuse, on l’a vue, ou tragique comme celle de Petit Jean. Oui, le Petit Jean de la comptine pour enfants. « Jean Petit qui danse, Jean Petit qui dan-anse… ». Si la chanson est mignonne, elle n’en reste pas moins terrible. En effet, elle évoque le supplice d’un chirurgien de Villefranche-de-Rouergue. Capturé par les troupes royales pour être un des deux chefs de file (l’autre étant Guillaume Bras) de la révolte des « croquants » en 1643, il subit la roue. D’où la « danse » de ses membres frappés tour à tour évoquée dans la chanson. Sa maison est rasée. Depuis ce jour, aucun bâtiment n’a été édifié sur son emplacement. D’abord, par peur de la colère du roi. Ensuite en souvenir de Joan Petit (son nom occitan) et pour ne jamais oublier la cruauté « des Français ».
A savoir
Les révoltes des croquants*sont des insurrections populaires dont les causes sont d’ordre fiscal ou politique. Croquant étant un terme jugé péjoratif par les révoltés, ils préféraient s’appeler entre eux les tard-avisés ou les chasse-voleurs selon les régions.
*Susmauta deus Crocants en occitan
La chartreuse de Saint-Sauveur
Non loin du centre de Villefranche se trouve la chartreuse Saint-Sauveur dont une partie des bâtiments abritent toujours un hôpital en activité. Côté histoire, ce joyau de l’art gothique flamboyant (reconnaissable à ses motifs en forme de flammes) recèle un des plus grands cloîtres de France (62 m de long, 44 de large). Durant 300 ans, cet ensemble religieux a abrité une communauté de vingt chartreux. La vie des membres de cet ordre catholique rigoureux se passait dans l’isolement, le silence et la prière. Y compris lorsqu’ils célébraient la messe ensemble dans leur église (XVIe siècle). Chacun disposait d’une petite maison (une seule subsiste), le long d’un cloître de sens levogyre (tournant vers la gauche), ce qui symbolise la montée vers Dieu. Ils étaient par cinq frères convers qui se chargeaient des tâches quotidiennes, entretenaient les bâtiments et faisaient le lien avec l’extérieur.
A savoir
Les chartreux passaient leur vie solitaire dans leur cellule entre exercices spirituels et physiques, repos et repas frugaux. Le grand cloître ne sert que de passage aux moines pour aller de leurs cellules à la chapelle ou au réfectoire. Les convers apportaient leurs repas par le guichet se trouvant à côté de la porte d’entrée de la cellule, disposé en baïonnette pour éviter tout contact. Chaque cellule comportait deux niveaux. Au rez-de-chaussée, une pièce pour faire des travaux manuels et un passage permettant d’accéder au jardin clos de hauts murs. A l’étage, deux pièces : l’Ave Maria, où se trouve un oratoire et le cubiculum servant d’habitation. La règle cartusienne, qui règle la vie des chartreux aujourd’hui, est la même qu’au Moyen Age.
La chapelle Sainte-Emilie-de-Rodat
Villefrance-de-Rouergue a su, en ce qui concerne sa bastide, préserver une certaine unité architecturale oscillant entre gothique, Renaissance ou classicisme. Pourtant, un bâtiment tranche singulièrement: la chapelle Sainte-Emilie-de-Rodat. Elle a été édifiée entre 1952 et 1958 sur l’emplacement d’un ancien couvent franciscain. Mentionné en 1290, il a été détruit après la Révolution de 1789 à l’exception d’une salle capitulaire du XIVe siècle dans laquelle repose la dépouille de la sainte. Emilie de Rodat a été la fondatrice en 1816 de la congrégation de la Sainte-Famille qui se chargeait de l’éducation des jeunes filles. La chapelle, de style néo-gothique des années 1950, est dominée par un clocher-mur. Elle présente aussi la particularité de présenter aux croyants des scènes de la vie du Christ sur les murs de sa nef.
La chapelle du Saint-Sépulcre et sa croix monumentale
Après avoir déambulé dans les rues de Villefranche, devenues très prisées pour les tournages de comme As The Light We Cannot see pour Netflix ou Olympe de Gouges avec Julie Gayet, rien ne vaut de conclure son séjour par une vue d’ensembl. Pour ce faire, rendez vous à la chapelle du Saint- Sépulcre édifiée en 1715 sur une colline. Une croix gigantesque y a été élevée en 1921. Au pied du Christ, se dressent deux statues de la Vierge Marie, représentée voilée, et de Marie-Madeleine, aux cheveux laissés libres. La nuit cette croix est surlignée d’un fin trait lumineux rouge visible de toute la cité. Comme un appel pour les pèlerins qui, en route pour Compostelle, préfèrent, comme leur prédécesseur d’il y a 800 ans, passer par Villefranche-de-Rouergue au lieu de suivre la route traditionnelle reliant le Puy-en-Velay à Albi.
Infos pratiques
Comment se rendre à Villefranche-de-Rouergue ?
La ville est bien desservie par la route (les autoroutes A20 et A75 passent relativement à proximité), le train (à notre les trains à 1 e de la Région Occitanie) ou même par avion via Toulouse ou Rodez.
Où dormir ?
Urban Style Hôtel les Fleurines. Cet hôtel trois étoiles moderne et très sympa, à deux pas de la chapelle des Pénitents noirs, propose des chambres et des appartements. Piscine et sauna sur la terrasse accessible directement en prenant l’appartement « Notre-Dame ».
Prix très raisonnables.
https://www.lesfleurines.com/
Où manger ?
Villefranche-du-Rouergue est devenue une étape gastronomique incontournable avec « L’Atelier de Damien». Ce restaurant, au décor moderne et sobre a été créé par un jeune chef de 25 ans, Damien Espeillac, qui s’est entouré d’une brigade encore plus jeune que lui ! La valeur n’attend pas le nombre des années : sa cuisine inventive est bluffante ! Ce chef, formé parmi les plus grands, est promis à un bel avenir. Mention spéciale pour la gentillesse du service. Un authentique moment de plaisir mais mieux vaut réserver. Le pain extraordinaire provient de a boulangerie Fournier- Mirault.
https://www.boulangerie-villefranchederouergue.fr/
L’Atelier de Damien, 5, place Louis-Fontanges, Bâtiment La Caserne Etage, 12200 Villefranche-du-Rouergue.
Tél : 05 65 45 36 42
Site web : https://l-atelier-restaurant.fr/
Trois autres adresses intéressantes
Le Saint’Ex en bordure de la piste de l’aérodrome de Villefrance-du-Rouergue. Tél. : 05 65 57 14 99.
Site web : https://www.lesaintex.com/
Le Glacier, cuisine traditionnelle, en bordure du centre –ville. Tél. : 05 65 45 18 83
Site web : https://leglacier-villefranche.fr/
Chez Kléber, sous les couverts, place Notre-Dame, dans le centre de Villefranche. Cuisine traditionnelle.
Tél. : 06 37 75 03 44
Renseignements
Office de tourisme, promenade du Guiraudet 12200 Villefrance-de-Rouergue
Tél. : 05 36 16 20 00
Mention spéciale pour le site web des offices de tourisme qui se sont réunis pour mieux répondre aux attentes des visiteurs avec des focus remarquablement bien fait sur tous les sites (et plus) qui mérite qu’on s’y arrête.
www.bastides-gorges-aveyron.fr
Prochain article, Villeneuve-d’Aveyron et Najac, les deux autres trésors du Rouergue
Photos : Frédéric Cheutin
A lire aussi sur le Site Dynamic Seniors : https://dynamic-seniors.eu/hotel-spa-marin-val-andre-pause-relaxante/
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