Tout le monde connaît la vieille blague de la sardine qui avait bouché le port de Marseille. En voici une nouvelle version : faire entrer une grotte préhistorique de 2300m2 dans un bâtiment contemporain de 1750m2. Ça se passe aussi à l’entrée du Vieux Port de Marseille et ça n’est pas une blague mais une belle histoire… celle de La Grotte Cosquer.
Françoise Deflassieux est allée visiter cette grotte et vous la fait découvrir.
Cosquer ou le choc des contraires
L’histoire d’une rencontre improbable, celle de la grotte Cosquer 30 000 ans d’âge et de la Villa Méditerranée achevée en 2013. D’un côté un bâtiment à l’architecture futuriste sans vocation précise. De l’autre, un trésor préhistorique enfoui à 37m sous la mer, dans une grotte progressivement rongée par la montée des eaux. La solution : faire entrer la seconde dans la première en poussant un peu, c’est possible. Découverte au creux des calanques, en 1985 par le plongeur Henri Cosquer, la grotte a été révélée officiellement en 1991. L’analyse au carbone 14 a permis de la dater et de l’authentifier car certains croyaient à un canular ! Impossible à sauver à longue échéance, forcément inaccessible au grand public, il fallait en garder au moins une copie fidèle. Depuis les expériences des grottes Lascaux et Chauvet, grâce aux dernières technologies de pointes, on sait faire ça.
Numériser la grotte Cosquer
Et on le fait de mieux en mieux. Grâce à la photogrammétrie et à la numérisation 3D qui permettent une modélisation parfaite. Et une reconstitution à l’identique de la grotte avec ses concrétions extraordinaires qui sont autant d’œuvres d’art de la Nature. C’est le spectacle qui s’est révélé d’abord à Henri Cosquer quand il a pu y pénétrer. Les peintures ne sont apparues qu’après. D’abord une petite main qu’il photographie et qui au développement (nous sommes en 1985) se révèle accompagnée de cinq autres ! De nouvelles incursions ont fait apparaître peu à peu l’incroyable bestiaire disséminé sur les parois et au plafond de la grotte. Des dizaines de chevaux, bisons, capridés, félins, dessinés au charbon de bois ou gravés au silex. Et même un phoque et des pingouins qui en disent long sur le climat polaire qui régnait alors dans la région.
Une seule solution, la duplication
La duplication est la solution pour sauver ces merveilles, non des eaux, mais de l’oubli, et en faire profiter le grand public. La Région, propriétaire de la Villa, fait appel au groupe Kléber Rossillon, spécialiste de la gestion de sites culturels. L’entreprise implique plusieurs corps de métier : plongeurs, archéologues, géologues, architectes, scénographes, photographes … Certains ont déjà travaillé aux reconstitutions des grottes de Lascaux, et de Chauvet, plus facile d’accès. Première étape : la modélisation 3D qui permet de reconstituer dans ses moindres détails l’intérieur tortueux de la grotte. Le modèle est ensuite découpé en six écailles de béton, ajustées au plus près pour s’intégrer à l’espace prévu. Dernière étape : La forme accueille ensuite les panneaux de résine prêts à recevoir des artistes le décor peint et dessiné.
L’entrée des artistes
Ces derniers, n’ayant pas accès à la grotte elle-même, travaillent uniquement sur les images rapportées par les plongeurs. Il faut d’abord reconstituer l’aspect de la grotte elle-même, avec ses concrétions, stalagmites, stalactites. Un vrai travail de sculpteur, suivi d’une mise en couleur pour donner à cette grotte fictive l’aspect le plus naturel possible. Derniers intervenants, les peintres. Ils travaillent sur projection, avec les mêmes outils que leurs lointains ancêtres. Ces derniers ont d’ailleurs eu l’amabilité de laisser dans la grotte une partie de leur matériel. Notamment des silex et du charbon de bois qui à l’analyse s’est avéré être du pin sylvestre. Certains de ces artistes ayant déjà collaboré à la réplique de la grotte Chauvet sont devenus de vrais spécialistes de l’art rupestre. Au point de couler leurs gestes dans ceux de leurs collègues du paléolithique.
Parcours hors du temps
Mission accomplie dès le 14 juin, Cosquer-bis accueillait ses premiers visiteurs, grands et petits. Pas moins de 13 000 ce premier week-end ! On accède au site par une passerelle flottante. Puis vous embarquez dans un caisson qui descend fictivement à 37m sous l’eau. En fait au sous-sol de la villa où commence le voyage hors du temps. Casqué d’un audioguide, vous montez dans une nacelle électrique qui vous mène travers un monde étonnant de formes et de couleurs. Stalactites, stalagmites, d’hallucinants champignons multicolores dont on se demande s’ils sont créations humaines ou naturelles. Ont-ils inspiré les artistes d’il y a 30 000 ans ? et comment les ont-ils perçus à la lumière de leurs torches ? Les animaux se dévoilent à mesure de la visite, bisons, cervidés, capridés, et même un félin. Les plus nombreux sont les chevaux, les plus inattendus les pingouins, devenus l’emblème de Cosquer.
Tant de questions…
Le réalisme, le sens du mouvement avec lesquels sont figurés ces animaux, prouvent l’indéniable talent de ces ancêtres lointains. L’encolure des chevaux tendue vers l’obstacle, la trogne du bison, trahissent leur sens de l’observation. Où ont-ils appris ? Pourquoi tous ces animaux et que des animaux ? on aurait aimé qu’un de ces artistes dessine le visage de sa compagne, ou d’un ami. Interdit religieux ? superstition ? À part à Cosquer un « homme mort » à tête de phoque à peine esquissé, l’être humain est le grand absent de la Préhistoire… sauf ses mains. Et pourquoi toutes ces mains, d’hommes, de femmes, d’enfants ? Quel message transmettent-elles ? les phalanges manquantes de certaines correspondent-elles à des amputations accidentelles ou volontaires ? où à des doigts repliés pour un langage crypté ? Avec la Préhistoire, chaque découverte pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponse.
Animaux en vraie grandeur
La visite se termine au Centre d’Interprétation, dans la lumière du « porte-à-faux » qui surplombe l’entrée du port. On y retrouve les animaux de la grotte, en volume, naturalisés ou reconstitués pour les espèces disparues. Ce qui permet de voir à quoi ressemblaient les animaux qu’on a croisés en dessins dans la grotte. Le mégacéros à l’incroyable ramure, le vilain mufle de la saïga l’élégant bouquetin, l’impressionnant bison, les insolites pingouins… Le centre expose aussi des objets découverts dans la régions au cours des fouilles antérieures. Des haches en pierre, des outils en silex ou en os gravés. Le plus étonnant est la résille de coquillages qui coiffait le squelette de l’élégante Dame de Cavillon, âgée de 24 000 ans découvert du côté de Vintimille en 1872. La coiffe voisine avec un petit collier de coquillage qui prouve l’existence d’orfèvres dotés d’un véritable sens artistique.
Informations pratiques
Grotte Cosquer
Ouvert chaque jour, 9h-21h jusqu’au 25 septembre.
Horaires variables ensuite en fonction de la saison et des vacances scolaires.
Entrée: 16€ –
TR: 10-17 ans 10€ – 6-9 ans 5€ – gratuit en dessous de 6 ans
Informations et réservations ici et au 33 4 91 31 23 12
Villa Cosquer Méditerranée -Promenade Robert Laffont, Vieux Port – 13000 Marseille
Crédit Photos : Grotte Cosquer
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