Un musée pour la mer

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Un musée pour la mer

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Plus grand, plus beau, et plus riche de plusieurs centaines d’objets… Après cinq ans de fermeture le Musée National de la Marine vient de rouvrir sur son site historique du Palais de Chaillot. Aux tableaux et objets connus s’ajoutent de nouvelles acquisitions qui sont autant de découvertes pour les amoureux de la mer .

Dès l’entrée, on est dans le bain, propulsé au cœur d’une énorme déferlante. La mythique  » vague scélérate » surgie de la colère de Poséidon, qui engloutit le navire et ses occupants. Platon classait les hommes en trois espèces : « les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer… » Le philosophe athénien n’avait sans doute pas le pied marin !  Il est vrai que se lancer dans l’aventure n’est pas une sinécure, surtout à l’époque. Il faut saluer le courage des pionniers qui, dans le sillage de Christophe Colomb, se sont lancés autour des mers du globe. Sans trop de repères ni d’instruments fiables, pour le meilleur et souvent pour le pire.  Comme le britannique James Cook qui finit dans une marmite aux îles Hawaï en 1779, au terme de son 3e voyage. Ou comme l’expédition de La Pérouse, perdue corps et bien neuf ans plus tard dans le Pacifique sud.

La mer - Le tableau arrière de la Réale, galère amirale, bois doré fin XVIIe. Chef-d'œuvre de la sculpture maritime et pièce emblématique du Musée. © Musée national de la Marine

Le tableau arrière de la Réale, galère amirale, bois doré fin XVIIe. Chef-d’œuvre de la sculpture maritime et pièce emblématique du Musée. © Musée national de la Marine

Ceux qui vont sur la mer 

L’Homme va sur la mer pour pêcher des poissons, faire du commerce ou la guerre et découvrir des terres. Ou plus récemment par plaisir, pour voir du pays. Pour aller sur la mer il faut un bateau et un moyen de le diriger. L’aviron en l’occurrence, fatigant à la longue et pas très rapide. C’est pourquoi l’homme de mer a aussi inventé la voile, qui utilise la force du vent, et l’art de s’en servir. Comment s’orienter quand on se trouve au milieu de la grande bleue loin de toute côte ? les Grecs et les Phéniciens quittaient rarement la terre de vue. Ils ne naviguaient pas de nuit, et si c’était le cas, ils pouvaient se repérer aux astres dans le ciel sans nuages de la Méditerranée.  Affronter l’Océan, sa houle, ses nuages et ses tempêtes est une toute autre affaire. Surtout quand on ignore où il va vous mener !

Henri IV, Charlemagne Jean Bart etc… la figure de proue annonce la couleur et l'identité du navire, © Musée national de la Marine/C.Semenoff-Tian-Chansky

Henri IV, Charlemagne Jean Bart etc… la figure de proue annonce la couleur et l’identité du navire, © Musée national de la Marine/C.Semenoff-Tian-Chansky

S’orienter sur la mer, de l’astrolabe au GPS

Se diriger et garder le cap demande une bonne connaissance de la mer, du ciel, des astres et l’aide de quelques accessoires. À commencer par la boussole sans laquelle Christophe Colomb n’aurait pas pu s’embarquer sur l’Océan.  Il dispose aussi de l’astrolabe qui permet de calculer l’angle formé par le soleil avec l’horizon. Ce bel objet de laiton doré, inventé dès l’antiquité par les astronomes arabes, est peu maniable sur le pont mouvant d’un navire. Les marins du XVIIIe siècle préfèrent l’octant, ancêtre du sextant permettant de faire le point avec précision.  Sans oublier le rare « cercle de Borda » dont un exemplaire a été retrouvé dans les épaves de La Pérouse. Pour connaître l’heure de référence au méridien de Paris, le capitaine embarque aussi un chronomètre de marine. Cet instrument ultra précis monté sur cardans dans sa boîte d’acajou fait partie des objets que le GPS a relègué au musée. 

La mer - Astrolabe en laiton doré XVIIIe

Astrolabe en laiton doré XVIIIe©Françoise Deflassieux

Compas de route, Manoel Ferreira (XVIIIe) - Portugal

Compas de route, Manoel Ferreira (XVIIIe), Portugal© Musée national de la Marine.

Marine Royale et Nationale

Une légende tenace prétend que la France ne serait pas un pays de marins ! Ses 20.000km de côtes, ses ports de Brest, le Havre, Cherbourg, Bordeaux… n’ont pourtant pas pour vocation la pêche aux bigorneaux ! Pas plus que Toulon et Marseille sur la façade méditerranéenne, qu’il s’agisse de marine marchande ou de flotte de guerre.  Il est vrai que dans ce domaine nos voisins anglais nous ont souvent damé le pion. Aboukir et Trafalgar ont laissé de cuisants souvenirs ! et un sentiment d’infériorité injuste et injustifié. La Marine Royale a été créée dès 1624 à l’initiative du Cardinal de Richelieu. Mais c’est Colbert qui constitue sous Louis XIV une Marine digne de ce nom, qui deviendra Nationale avec la République. Dans le milieu volontiers conservateur des officiers de marine, la Marine Nationale du XXIe siècle demeure « La Royale ».

La mer - Le Royal Louis, 124 canons, vaisseau de premier rang de la Marine Royale, 1740, modèle d'instruction de l'Arsenal de Brest, c. 1770 L.250cm,

Le Royal Louis, 124 canons, vaisseau de premier rang de la Marine Royale, 1740, modèle d’instruction de l’Arsenal de Brest, c. 1770 L.250cm, © Musée national de la Marine.

Théodore Gudin, Incendie du Kent, vaisseau de la Compagnie anglaise des Indes, dans le golfe de Gascogne en 1825, hst 320x482cm.©Musée du Louvre

Théodore Gudin, Incendie du Kent, vaisseau de la Compagnie anglaise des Indes, dans le golfe de Gascogne en 1825, hst 320x482cm.©Musée du Louvre

Une flotte en miniature et instruire : les modèles

C’est Louis XV qui dit-on commande aux architectes navals les premières mini-maquettes des unités de sa flotte.  Ni jouets, ni gadgets, ces modèles réduits sont destinés aux charpentiers de marine et/ou aux élèves officiers. Les coques ouvertes dévoilent les entrailles du navire. Les maquettes navigantes gréées et accastillées, peuvent être testées sur la petite mer, qu’est le Grand canal de Versailles.  Les plus recherchés sont bien sûr les modèles des trois-mâts avec leur enchevêtrement de haubans, drisses, écoutes. Plus élégants avec leurs rangées de canons que les cuirassés et porte-avions du XXe siècle, fût-ce le Charles-de-Gaulle. Les maquettes de pontons et bateaux en bouteille, relèvent plutôt de l’art populaire. Ou des ex-voto suspendus aux voûtes de certaines églises des bords de mer. Certains sont l’œuvre des prisonniers français de Trafalgar sur les pontons britanniques.

La mer - -Joseph Vernet, Vue du Port de Marseille hst 1754, 165x263cm, © Musée national de la Marine/C. Semenoff-Tian-Chansky

-Joseph Vernet, Vue du Port de Marseille hst 1754, 165x263cm, © Musée national de la Marine/C. Semenoff-Tian-Chansky

Naufrages et batailles navales

C’est encore Louis XV qui commande en 1753 à Joseph Vernet la série des Ports de France, dont treize sont aux cimaises du Musée. Des témoignages précieux même s’ils frappent moins les imaginations que les scènes de naufrages et les batailles navales. Ces dernières opposant le plus souvent Marine Royale et Royal Navy, presque toujours au détriment de la première bien sûr ! Attention : La peinture de marine est une spécialité à part entière relevant d’un label officiellement accordé par le ministère. Ceux qui l’obtiennent ont le droit d’accompagner leur signature d’une petite ancre. Pour peindre la mer, mieux vaut en effet bien la connaître. Il ne s’agit pas de gonfler les voiles à contrevent ou de faire gîter le bâtiment du mauvais bord. Même si planter son chevalet sur le pont d’un navire en mer relève du sport improbable.

Eugène Isabey, La Bataille du Texel, victoire de Jean Bart contre la marine hollandaise en 1694. hst 1839 250 X 358cm. © Musée national du château de Versailles.

Eugène Isabey, La Bataille du Texel, victoire de Jean Bart contre la marine hollandaise en 1694. hst 1839 250 X 358cm. © Musée national du château de Versailles.

Eugène Isabey. Naufrage du trois-mâts Emily en 1823, hst 1865, 46x l84cm. ©Musée national de la Marine.

Eugène Isabey. Naufrage du trois-mâts Emily en 1823, hst 1865, 46x l84cm. ©Musée national de la Marine.

Des nouvelles de La Pérouse

Louis XVI ne vit la mer qu’en juin 1786 quand il se rendit à Cherbourg inspecter les travaux du port. Le plus beau jour de sa vie tant l’aventure maritime le passionnait. « A-t-on des nouvelles de Monsieur de la Pérouse ? » demandait-il en montant sur l’échafaud le 21 janvier 1793. Le navigateur, parti sept ans plus tôt pour une expédition autour du monde aurait dû être de retour. Ce n’est qu’en 1826 qu’un capitaine irlandais apprit le naufrage de L’Astrolabe et La Boussole et localisa les épaves. Des fouilles ont permis depuis de remonter des armes, des instruments et de nombreux d’objets. Par chance lors d’une escale au Kamtchatka La Pérouse avait débarqué son interprète de russe avec son Journal de bord. Le jeune Barthélemy de Lesseps mettra plus d’un an à rejoindre Paris… en pleine révolution.  Avec le récit de l’expédition dont il ignorait la fin tragique. 

La mer - François Rude, Buste Jean-François de Galaup de La Pérouse (1741-88), marbre blanc 1828, ©Musée du Louvre.

François Rude, Buste Jean-François de Galaup de La Pérouse (1741-88), marbre blanc 1828, ©Musée du Louvre.

Le Monde du Silence

À l’entrée du musée de la Marine un drôle d’extra-terrestre attend le visiteur.  Il s’agit d’un scaphandre imaginé vers 1880 par un certain Carmagnole, avec lequel même Tintin hésiterait à plonger. Non content d’avoir vaincu l’Océan, l’homme, cet animal terrestre voudrait aussi explorer le fond des mers.  À la recherche de mondes inconnus ou de trésors engloutis… Hors leur capacité d’apnée, les premiers explorateurs des fonds marins ne disposent que du scaphandre du capitaine Haddock. Pas vraiment pratique avec ses semelles de plomb et son casque improbable alimenté en air par un tuyau relié à une pompe.  Jusqu’au jour où arrive le scaphandre autonome d’un certain commandant Cousteau et de sa mythique Calypso. Une autre aventure dont les images filmées mettent à la portée de tous ce « monde du silence » qui a fait rêver tant de générations.

La mer - L'art de la plongée ©AdobeStock

L’art de la plongée ©AdobeStock

Infos pratiques

Musée National de la Marine, Palais de Chaillot
17 place du Trocadéro
75016 Paris, tel: 01 53 65 69 48
contact@musee-marine.fr
Ouvert chaque jour sauf mardi de 11h à 19h, le jeudi, 11h à 22h
Entrée: entre 9 et 15 € selon âge, statut, sur internet ou au guichet
Réservation : https://billetterie.musee-marine.fr/content

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