Après des mois de fermeture pour travaux, le musée Antoine Bourdelle accueille à nouveau son public dans l’atelier du sculpteur. Plus qu’un musée, un lieu de vie, où l’on rencontre l’artiste au travail et dans son intimité, dans la rue qui porte son nom.
C’est en 1885, à 24 ans qu’Antoine Bourdelle, emménage au début de sa carrière dans cet atelier de l’impasse du Maine. Il y restera jusqu’à sa mort en 1929. Le quartier Montparnasse fut ainsi nommé en référence au mont Parnasse en Grèce, résidence d’Apollon et des muses. Il devient au XIXe siècle le quartier des artistes. On y voit toujours aujourd’hui, ces pittoresques « cités d’artistes » avec leurs pavés disjoints et leurs ateliers aux hautes verrières. Si elles ne sont plus réservées aux artistes, on y croise les fantômes de Dalou, Zadkine, Pompon, Giacometti, Paul Belmondo…
Bourdelle face à la Guerre
Antoine Bourdelle n’est pas parisien de naissance. Né à Montauban en 1861, il rejoint la capitale en 1884 pour intégrer l’école des Beaux-arts. C’est pourtant à sa ville natale qu’est destinée sa première œuvre maîtresse, le Monument aux Combattants de la guerre de 1870. L’œuvre déroute à l’époque. Au lieu de glorifier les héros morts pour la patrie, Bourdelle y montre la peur, les hurlements, la mort brutale, les corps pantelants. Bref toutes les horreurs et les laideurs de la guerre. Le groupe est néanmoins accepté et installé à Montauban sur la place qui porte son nom. Ce nom sera également donné après sa mort à l’impasse du Maine où il a exercé pendant 45 ans.
De l’atelier au Musée Bourdelle
À sa mort en 1929 l’atelier est en quelque sorte « sanctuarisé » par sa veuve, Cléopâtre. Cette grecque aux formes sculpturales, d’abord son élève lui a aussi servi de modèle. Le logis ouvre vingt ans plus tard sur le Musée Bourdelle. Ce bâtiment du XIXe siècle n’était certainement pas conçu pour porter autant de sculptures, en tout cas pas pendant si longtemps. D’autant plus qu’il est bâti sur une carrière, comme souvent à Paris. Rien d’étonnant à ce que, un siècle et demi plus tard, les planchers commencent à s’affaisser sur les poutres fatiguées. L’édifice présente aussi des problèmes d’étanchéité et d’infiltrations. Pour la sécurité et le confort des visiteurs comme pour la conservation des œuvres, des travaux s’imposent. Il faut reprendre l’ensemble de la structure tout en préservant l’authenticité du lieu. Bref, pour paraphraser le prince de Salina, « tout changer pour que rien ne change ».
Sculpteur, chineur et collectionneur
L’atelier a retrouvé son état d’origine, grâce aux photos d’archive qui ont permis de le restituer tel que l’artiste l’avait laissé. Jusqu’aux graffiti sur les murs… Si Bourdelle revenait il y retrouverait ses meubles, ses outils, les sellettes où attendent les œuvres inachevées. Il pourrait immédiatement se remettre à l’ouvrage. Les visiteurs qui connaissaient les lieux « avant », auront donc une simple impression de « rafraîchissement ». Quant aux autres ils s’étonneront presque de ne pas déranger l’artiste en pleine création. On y découvre aussi Bourdelle collectionneur et chineur : un grand Christ du XIVe s, des Vierges médiévales, un tabernacle en bois doré … Dans la grande armoire vitrée sont alignés divers objets et statuettes dont quelques « Tanagra » plus ou moins authentiques. Bourdelle se préoccupe peu d’expertise, il fonctionne au coup de cœur.
Parcours de visite, les étapes de le création
Ce qui est nouveau, c’est le parcours des collections proprement dit, réparties sur six salles. Selon une muséographie claire et moderne qui montre l’œuvre de l’artiste dans son évolution et sa variété. On y suit aussi le processus de la création. L’art du sculpteur est bien différent de celui du peintre. Lui travaille presque toujours dans « l’humain ». Il faut donc trouver un modèle vivant, généralement un proche, sa femme ou un(e) élève…et programmer les séances de poses. Pas toujours de tout repos à voir la photo du commandant Doyen-Parigot dans le rôle de « l’Héraclès archer ». On imagine les crampes ! Viennent ensuite plusieurs étapes : croquis, modelage dans l’argile, puis le plâtre dont on tire le moule où sera coulé le bronze. Voilà qui prend un certain temps. Ces étapes multiples permettent du moins au musée d’exposer des œuvres conservées ailleurs.
Puissance et violence
Les ébauches permettent aussi d’apprécier les détails d’éléments moins perceptibles dans l’œuvre achevée. Où qui n’y ont pas trouvé leur place. Ainsi pour le Monument aux morts, les figures isolées des Têtes hurlantes et du Grand Guerrier ont une autre force que sur le monument. Certaines, puisées aux sources de l’Histoire et de la Mythologie deviennent des œuvres en elles-mêmes comme le Guerrier au glaive brisé. Le thème explique l’extrême violence des gestes et des expressions, la puissance des musculatures. Sans doute faut-il y voir l’héritage de Rodin dont Bourdelle fut l’élève. On retrouve la même puissance dans l’Héraclès, le Centaure mourant, le Gaulois blessé. Sans oublier l’incroyable Grand Masque de Beethoven de 1901. Le musicien romantique mort 35 ans avant sa naissance obsédait l’artiste jusqu’à s’identifier à lui !
Pénélope, Cléopâtre, Isadora…
Cette violence contraste avec la douceur tranquille des figures féminines. Pour la beauté statique de sa Pénélope en 1910 Bourdelle fait poser ses deux épouses successives ! Stéphanie dont il se sépare alors, et Cléopâtre qu’il va bientôt épouser. Elle pose dans son ample blouse de travail dont les plis évoquent les cannelures d’une colonne antique. À la même époque Bourdelle est sollicité pour le décor du Théâtre des Champs Élysées, le nouveau temple de la Danse. En témoignent le visage et les mains d’Isadora Duncan, et celles de Nijinski. Les deux danseurs emblématiques de la révolution artistique du tournant du siècle. Le Théâtre des Champs-Élysées ouvre avenue Montaigne le 27 mai 1913 sur un scandale mémorable. La chorégraphie provocante de Nijinski pour le Sacre du Printemps de Stravinsky n’est pas du goût des spectateurs ! Leur voix se perdra bientôt dans les fureurs de la Grande Guerre.
Informations pratiques
Musée Bourdelle
18, rue Antoine-Bourdelle, 75015 Paris
Ouvert du mardi au dimanche, 10h-18h
Entrée libre et gratuite.
La réservation est néanmoins conseillée :
Tél. : +33 (0)1 49 54 73 73
Musée Antoine Bourdelle, pour en savoir plus
Le Musée Bourdelle appartient au réseau Paris-Musée qui regroupe une quinzaine de musées de la Ville de Paris.
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