Cette exposition inédite est présentée au château de Chambord depuis la mi-octobre. Elle prendra fin le 5 mars 2023. “Vie(s) de château(x), A tale of two palaces”, des regards photographiques entre deux maisons royales : Chambord et Udaipur. C’est une forme de dialogue entre deux châteaux exceptionnels, l’un en France, l’autre en Inde est inédite. Elle explore les correspondances surprenantes au cours de laquelle les contrastes entre deux maisons royales étaient importants. Cinq siècles d’histoire à travers 150 photographies inédites vous attendent. Les images sont issues du fond d’archives de Chambord et de la famille Dreux, photographes de père en fils. Elles viennent aussi de la collection du City Palace Museum d’Udaipur, dans l’État du Rajasthan (Inde).
À Chambord, une exposition intéressante, belle et surprenante
Le Domaine national de Chambord et le musée du City Palace d’Udaipur ont signé une convention de partenariat depuis 2015. Cette exposition commune signe une nouvelle étape culturelle de ce jumelage. L’exposition “Vie(s) de château(x), A tale of two palaces” tient dans trois pièces du château. Ce qui ne l’empêche pas d’être vraiment intéressante, belle et surprenante. Elle utilise la photographie comme mémoire des lieux, du quotidien, et montre des instantanés de vie. La présentation repose d’abord sur l’histoire de la famille Dreux, une lignée incroyable de photographes de Chambord. Puis sur Udaipur, un des lieux importants de la photographie en Inde, qui compte plus de 30 000 clichés du XIXe siècle.
Dialogue avec les images des châteaux de Chambord et d’Udaipur
L’exposition est construite autour de cinq temps : histoire, mémoires, architectures, instantanés de vie et chasses du passé. Elle met en évidence de surprenantes analogies entre les deux résidences royales bâties à partir du XVIe siècle à 40 ans d’écart. Les aménagements et développements architecturaux, le rayonnement culturel, les relations étroites avec un parc naturel et une commune sont très intéressant. Le parallèle entre la ville d’Udaipur, dans la région du Mewar au Rajasthan, et le village de Chambord, en Sologne est étonnant. Le dialogue des images révèle des contrastes plus profonds entre ces deux maisons. L’une constitue une utopie architecturale de la Renaissance, devenue résidence de plaisance des Bourbon-Parme et domaine dédié à la chasse. L’autre, est la résidence officielle et le centre de pouvoir des souverains du Mewar. Cela jusqu’à l’Indépendance de l’Inde et l’union des royaumes Rajputs en une province, le Rajasthan.
La famille Dreux, photographes de pères en fils
Parlons d’abord d’une famille sans qui cette exposition ne pourrait exister. La famille Dreux. Tout a commencé au milieu du XIXe siècle à Chambord. Georges Dreux, épouse la fille du concierge du château. Il devient l’aide de son beau-père avant de devenir lui-même concierge, en 1913, puis gardien et gardien chef du château. Une belle épopée professionnelle qui lui permet de connaître le château sous tous ses angles. De l’aimer surtout. Georges se passionne pour son histoire. Il en rédige même une note historique. Chargé du petit entretien du site, il accueille les visiteurs et les guide. Il tient un journal dans lequel il aime raconter les évènements dont il est le témoin. Très impliqué dans son métier, il souhaite apprendre l’anglais afin de pouvoir échanger plus facilement avec les visiteurs étrangers. Pour mieux maîtriser la langue, il se rend régulièrement en Angleterre.
Georges Dreux, concierge photographe
Georges tient une petite boutique à l’entrée du château. Il y vend des souvenirs à l’effigie de Chambord, y propose la notice historique qu’il a rédigée ainsi que des cartes postales. Ces cartes postales, il les a réalisées lui-même car, très vite, il s’est mis à la photographie. Pour ce faire, il s’est acheté un appareil, assez rare à l’époque. Il réalise des séries de clichés sur le château, son architecture, ses jardins. Pendant des années, il se prend au jeu et immortalise les grandes chasses à courre. Il aime témoigner du quotidien, de la vie de famille, des évènements, de la vie du village. Quand les derniers propriétaires privés du château, les princes des Bourbons-Parme, viennent, il est présent, avec son appareil. À ses côtés, se trouvent ses fils, Christian et Gonzague. Le premier prend sa suite comme gardien. Le second tombe amoureux de la photographie et devient photographe.
Gonzague Dreux, photoreporter primé
L’œil de l’instant
Gonzague Dreux fut à bonne école aux côtés de son père. Photoreporter, il est engagé à l’agence Keystone et vit à 100 à l’heure et 100 % de sa passion. En 1935, il remporte même la Coupe Roger-Mathieu, remise à l’occasion du déjeuner du prix Goncourt. Ce Prix distingue le plus beau reportage photographique sur le thème des Provinces françaises. Le reportage qu’il a réalisé lors d’une chasse à courre de la Saint-Hubert à… Chambord touche le jury. Dans la photo, son regard est différent de celui de son père. II aime capturer des moments d’intimité familiale, les visages des chambourdins, les activités traditionnelles du domaine. Il s’attache aux détails, aux compositions artistiques. Il a l’œil de l’instant avec un regard artistique sur les compositions, les contrastes, les lumières.
Dans l’histoire presque secrète de Chambord
Gonzague Dreux réalise deux reportages important sur le château. En effet, il a suivi Chambord en photos pendant la Seconde guerre mondiale. Ce qui lui a permis de réaliser de superbes clichés du château qui servait de dépôt d’œuvres d’art. Des musées nationaux – le musée du Louvre notamment – et privés, avaient déposé ici des œuvres exceptionnelles. Gonzague nous a fait entrer par l’image, dans l’histoire presque secrète de Chambord. Ce photographe a également réalisé une série sur les travaux de restauration engagés après l’incendie accidentel de 1945. Le feu avait détruit les combles sud du donjon. Lorsque l’agence Keystone ferme pendant la guerre, il est employé au service de l’information du ministère à Vichy. Il utilise son métier pour faire passer des informations et devient résistant par la photo. Après la guerre, il fonde sa propre agence Photo Express.
Philippe, la photo dans le sang
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le fils unique de Gonzague, Philippe, est aussi gagné par le virus de la photographie. Il a grandi au milieu des appareils photos de son père. Bien souvent, il lui servait de modèle et posait pour son père. Il l’a suivi sur certains de ses reportages. La photo dans le sang… Il prend bien évidemment la suite de son père à la tête de l’agence Photo Express et devient photographe du RPF, le parti du Général de Gaulle. Très attaché à Chambord, lui aussi devient le témoin des évènements, du quotidien, de la vie du village. Il est engagé dans les associations sportives, le comité des fêtes. Il arrête sa carrière de photographe dans les années soixante-dix pour devenir directeur de la communication à la Secna.
Un trésor photographique exceptionnel
Les milliers de photos que Georges, Gonzague et Philippe Dreux ont laissées représentent un fond photographique unique et précieux. À la fois documentaires, scientifique, historique, mais aussi esthétique. Un témoignage inédit qui va de la fin du XIXe siècle aux années soixante-dix. Outre une sélection de leurs images, l’exposition présente des objets qui ont appartenu aux trois photographes. Ils ont été minutieusement collectés par les trois filles de Philippe, Cécile, Valérie et Florence, aujourd’hui les gardiennes du fond. C’est un trésor photographique exceptionnel. On peut ainsi voir les appareils des photographes, leurs cartes de presse ou accréditations. La fameuse notice de Georges sur le château est en bonne place. Mais si leur histoire est captivante, leurs images le sont encore plus. Elles mériteraient à elles seules une exposition. Mais pour “Vie(s) de château (x), A tale of two palaces”, elles sont à découvrir en parallèle avec des photos d’Udaipur.
Une exposition en plusieurs parties
Aux origines de la photographie…
L’ouverture de l’exposition est consacrée aux origines des châteaux. Les deux premières photographies connues de Chambord datent toutes deux de 1843. Elles ont été réalisées par William Henry Fox Talbot, créateur du talbotype, et Albert Stapfer, utilisateur du Daguerréoype. Inventé en 1839 par Daguerre, l’outil photographique se saisit rapidement de Chambord. En 1840, le château a été inscrit par Mérimée sur la première liste des monuments historiques. C’est le tout début de la photographie. Les photos présentées sont des reproductions car les originales sont extrêmement fragiles. De plus, elles ont été agrandies pour rendre leur lecture plus confortable. On entre dans l’histoire en les regardant. Histoire de la photo et histoire du château de Chambord. D’autres clichés des années 1850 à 1870 sont présentés dont une de Gustave Le Gray. Ils montrent le château en majesté, variant l’angle de vue et les façades.
Histoire, mémoire
Des visites officielles
Cette seconde partie de l’exposition expose des images de Chambord et d’Udaipur, ainsi que des objets de la collection Dreux. Les clichés les plus anciens de Chambord montrent les derniers propriétaires privés du lieu, les princes de Bourbon-Parme. La République achète le château en 1930 scellant ainsi sa vocation patrimoniale. L’exposition nous montre quelques visites officielles, les présidents de la République Vincent Auriol et François Mitterrand. Des invités de marque comme la famille royale du Royaume-Uni, Charles et Diana, Prince et Princesse de Galles, Helmut Kohl… Des visites qui rythment la vie du château.
Un certain John F Kennedy…
On y voit une image assez exceptionnelle, celle du jeune John F. Kennedy prise le 19 juillet 1937. Le futur Président des États-Unis a 20 ans et il est venu en Europe pour un voyage culturel avec un de ses amis. « Je suis allé au château de Chambord qui est tout un spectacle. Une résidence de chasse qui accueillait 4 000 personnes. Le toit aménagé comme un village. Construit par François 1er ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, les photographes (notamment Gonzague Dreux), immortalisent le rôle essentiel de Chambord dans la protection des chefs-d’œuvre des collections françaises en devenant le plus important dépôt des musées parisiens.
Une profusion d’images d’Udaipur
À Udaipur, le pouvoir royal a adopté le médium photographique. Il en résulte une profusion d’images, témoins des activités de la cour, d’événements historiques de première importance. Rarement, certains clichés capturent l’intimité du roi dans ses appartements. Le palais d’Udaipur, apparaît comme un véritable lieu de pouvoir, régit par des rites et recevant des hôtes investis d’un rôle politique. Les images sont superbes.
Architectures : restaurations et préservation
La troisième partie de l’exposition nous montre des photographies inédites des restaurations entreprises à Chambord sur la période de l’après-guerre. Il s’agit de travaux réalisés essentiellement par des ouvriers spécialisés. La composition des clichés saisit des instants d’intimité entre le château et ceux qui travaillent à sa préservation. Des documents intéressants qui permettent de dater et d’illustrer certains états de conservation. L’exposition retrace en parallèle le développement de l’architecture à Udaipur du XVIe au XXe siècle. Les projets, financés par les Maharanas de Mewar au cours de leurs règnes respectifs ne se limitent pas aux murs des palais. Ils intègrent des vues de la ville et de ses interactions ou relations changeantes avec le paysage. Les clichés présentés mettent en lumière la politique de conservation architecturale mise en œuvre sur le site du City Palace d’Udaipur.
Instantanés de vie
Cette partie est assez émouvante. On y découvre la vie quotidienne du village de Chambord. Le château, souvent vide, et plus encore ses alentours immédiats, devient le terrain de jeu des riverains. Les clichés de la famille Dreux témoignent avec malice et tendresse de ces instantanés de vie. Des parties de pêche, une barque sur le Cosson, des meules de charbonniers, des moments de détente en famille… Philippe Dreux, enfant, est pris en photo par son père dans ces situations cocasses… Le palais d’Udaipur, lui, est habité sans discontinuité par les Maharanas. Les photographes de l’époque immortalisent les divertissements publics, les moments de rituels et la vie locale. Les clichés de cette section attestent de la beauté de la vieille ville, de son architecture.
Chasses du passé
Chasses à courre présidentielles
On connait le rôle décisif que joua la passion de la chasse dans le choix primitif du terrain de Chambord par François 1er. Activité royale, la chasse fut également pratiquée dans le domaine par Louis XIV puis, au XVIIIe siècle, par le Maréchal de Saxe. Les clichés pris au début du XXe siècle montrent que la tradition se perpétue sous les Bourbon-Parme. L’acquisition par l’État du Domaine s’inscrit dans cette tradition avec l’instauration, par le général De Gaulle (1965), des chasses présidentielles. Plusieurs Présidents y participeront, Georges Pompidou, Valery Giscard d’Estaing, mais également de nombreux notables, politiciens et hôtes de marque. Leur abrogation définitive date de 2010. L’exposition présente 18 superbes clichés de chasse à courre de Chambord, signés Georges et Philippe Dreux et d’autres photographes.
Une activité très réglementée dans le Mewar
Cette activité est tout aussi présente dans le Mewar, bien que le gibier y soit bien différent qu’en Sologne. La chasse était une activité très réglementée, et pas seulement à des fins de divertissement. Certaines occasions étaient réservées à cet effet et seuls les membres de la famille royale et leurs invités avaient le droit de chasser. Les autres en étaient exclus. Les photographies de cette section mettent en évidence de rares coulisses : les préparatifs de la chasse, le voyage et le tableau de chasse. De nos jours, en Inde, la chasse est une activité illégale. Mais les vestiges des pavillons de chasse, les photographies et représentations anciennes, témoignent de la popularité de cette pratique passée. De la nécessité aussi, car souvent les tigres et autres animaux sauvages s’approchaient des habitations humaines. Les Maharanas veillaient à garantir la sécurité de leur peuple en repoussant les fauves “mangeurs d’hommes”.
Un catalogue de 206 pages
Pour cette exposition un superbe catalogue de 206 pages a été réalisé. Il est préfacé par le Maharaj Lakshyaraj Singh Mewar, administrateur de la Maharana of Mewar Charitable Foundation. Et Jean d’Haussonville, directeur général du Domaine national de Chambord. L’ouvrage reproduit l’intégralité des images exposées, accompagnées de notices descriptives. Il est en vente à la boutique du château et sur la boutique en ligne (boutiquedechambord.fr). Prix : 35 euros TTC.
Une exposition à voir et un fabuleux château à visiter
L’exposition “Vie(s) de château(x), A tale of two palaces”, est à découvrir jusqu’au 5 mars 2023. Pour y accéder il suffit du ticket d’entrée du château. Vous cumulez donc une visite de ce château incroyable qui a fêté, en 2021, ses 200 ans d’ouverture au public. Toujours beaucoup d’émotion à pénétrer au cœur de ce château imaginé par François 1er et inspiré par Léonard de Vinci. À essayer de comprendre le fameux escalier à double révolution, à accéder aux terrasses avec vue sur les tours… Et à se balader dans les magnifiques jardins. Même en hiver !
Jusqu’au 30 décembre, un spectacle de Noël inédit
Pour les fêtes, le château de Chambord a prévu des animations et un spectacle inédit. “La [presque] véritable histoire de François 1er”, une création mêlant grandes évocations historiques et anachronies fantaisistes. Elle est à découvrir deux fois par jour, à 11 heures et 15 heures. La pièce raconte l’histoire de Florent, un comédien qui prépare un spectacle sur François 1er pour le château de Chambord. En manque d’inspiration, il fait appel à un hypnotiseur. Il se retrouve alors propulsé quatre siècles en arrière, à la cour du roi aux côtés de grands personnages historiques. Un livre d’histoire à la main, il peut prédire l’avenir au grand désarroi de certains intrigants de la cour… Sur scène, quatre comédiens costumés, des escrimeurs artistiques, une chanteuse et quatre instrumentistes spécialistes du répertoire de la Renaissance. Ils embarquent les spectateurs dans un voyage dans le temps pittoresque.
Infos +
“Vie(s) de château(x), A tale of two palaces”, a été réalisée grâce à :
Pour le Domaine national de Chambord
Yannick Mercoyrol, directeur du patrimoine et de la programmation culturelle, co-commissaire de l’exposition
Virginie Berdal, chargée de recherche, co-commissaire de l’exposition,
Christelle Turpin, gestionnaire administrative et financière.
Pour le Maharana of Mewar Charitable Foundation, du City Palace Museum d’Udaipur :
Dr Hansmukh Seth, conservateur adjoint.
Chelsea Santos, assistante de conservation.
Ouverture : Le château est ouvert toute l’année, sauf le 1er janvier, le 25 décembre. Ouverture de 9 h à 17 h (à 16 h les 24 et 31 décembre).
Prix d’entrée : 14,50 € ou 12 € (tarif réduit). Gratuit pour les moins de 18 ans et 18-25 ans de l’UE.
Pour en savoir plus sur cette exposition
A lire aussi sur le Site Dynamic Seniors : https://dynamic-seniors.eu/magie-de-noel-grand-hotel-dieu-lyon/
Les commentaires ne sont pas disponibles!